- Charles Roos
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Karl-Philipp Roos (en français Charles-Philippe Roos) (Surbourg 1878 - Champigneulles 1940) est un homme politique alsacien.
Sommaire
Sa jeunesse
Karl-Philippe Roos naît le 7 septembre 1878 à Surbourg, à côté de Wissembourg, d'un père, Nikolaus, instituteur (tout comme son grand-père, né à Allenwiller en 1808, en poste à Jetterswiller, et son arrière-grand-père, tisserand à Allenwiller puis maître d'école à Landersheim) et d'une mère, Marie-Anna Buchert, fille du maire de Durrenbach, à côté de Wœrth.
Il fréquente l'école primaire de Nordhouse, l'école moyenne de Sélestat et enfin le collège épiscopal de Strasbourg. Brillant élève, il continue ses études à l'Université de Fribourg-en-Brisgau après son bac avant de rejoindre l'Université Kaiser-Wilhelm de Strasbourg.
C'est là qu'il reçoit le titre de docteur, après une thèse en linguistique.
Sa carrière
Roos enseigne alors d'abord à Barr, puis à Sainte-Marie-aux-Mines, à Bochum, et à Cologne. Une obscure affaire l'aurait conduit à donner sa démission quelques mois avant la guerre.
Il est mobilisé en 1914 et, après avoir combattu en Belgique, passe la plus grande partie de la guerre comme chef de gare, en raison de problèmes médicaux en tant que Kompagnieführer (lieutenant). Il est décoré de la Eiserne Kreuz (Croix de Fer) de 1re classe.
Après la guerre, il ouvre le Collège Roos à Strasbourg, école commerciale, que l'administration française condamna à la fermeture parce qu'employant des enseignants révoqués par les Commissions de Triage. Ce sont d'ailleurs ces Commissions de Triage et l'assimilation forcée qui poussent alors Karl Roos à la lutte autonomiste. Léon Strauss, ancien professeur d'histoire contemporaine à l'Institut d'Etudes politiques de Strasbourg, présente la chose autrement dans le NDBA en écrivant : « En 1919, il acheta au séquestre une école de commerce privée à Strasbourg-Neudorf, qui périclita au bout de quelques années. » Le séquestre était chargé d'administrer et de revendre les biens alsaciens repris aux Allemands après la désannexion.
En 1924, il est alors nommé par l'administration française inspecteur des Écoles des Mines Domaniales de la Sarre, mais démissionne en 1926 et obtient sa retraite.
L'action politique
Il se consacre alors à la lutte contre la francisation de l'Alsace. Très tôt d'ailleurs il avait soutenu une thèse dans laquelle il s'élevait contre l'influence française qui abâtardissait, selon lui, l'âme alsacienne et il se félicitait de la voir reculer dans les jeunes générations. En février 1927, il est nommé secrétaire général du Heimatbund, succédant à Jean Keppi. Le jugeant trop modéré, en novembre 1927 il crée la Unabhängige Landespartei, qui adopte un programme résolument autonomiste. Le « Comité des minorités nationales de France », créé à l'initiative de Paul Schall en 1927, encourage donc les autonomistes Catalans, Bretons, Flamands et Corses à devenir séparatistes. Les problèmes commencent alors rapidement et débouchent sur le Procès de Colmar. Qualifié par les autonomistes de "simulacre", ce procès vise simplement à condamner les séparatistes alsaciens, mais l'accusation manque de preuves décisives.
Ayant fui à Bâle avant le procès, Karl Roos est condamné par contumace à 15 années de forteresse. Un an plus tard le 8 novembre 1928, il rentre clandestinement en Alsace pour participer à un meeting qui réunit communistes et autonomiste ; le lendemain il se constitue prisonnier mais est acquitté lors d'un nouveau procès en révision à Besançon du 10 au 22 juin 1929. Avant sa libération et pendant ses sept mois de détention préventive il est élu au conseil municipal de Strasbourg mais refuse d'être élu maire pour laisser la place au communiste Charles Hueber. En 1931 il entre au Conseil Général, dont il devient vice-président.
La venue au pouvoir d'Hitler, dont il est un admirateur, marque un tournant dans sa destinée. Il perd alors l'appui des autonomistes modérés, qui en 1933 ne le reconduisent pas dans ses fonctions de vice-président et, s'il est réélu au conseil municipal de Strasbourg en 1935 (où Hueber doit laisser la mairie au républicain Charles Frey), il perd en 1937 son siège de conseiller général au profit du socialiste Marcel-Edmond Naegelen. Entre-temps, en 1936, il n'a pu se faire élire député à Strasbourg.
La fin
Le commissaire Becker, intrigué par ses fréquents voyages en Allemagne, se persuade rapidement qu'il s'agit d'un espion. Le 4 février 1939, Karl Roos est à nouveau arrêté et incarcéré sous l'accusation d'espionnage à la prison militaire de Nancy. Le procès débute le 23 octobre, l'accusation étant la suivante: « espionnage au profit de l'ennemi ». Comme c'est souvent le cas dans les affaires d'espionnage, les preuves effectives de sa culpabilité manquaient. On produisit alors une photographie qui le montrait revêtu de l'uniforme nazi et faisant le salut hitlérien. Pour sa défense, il prétendit piteusement que cela n'avait été qu'un jeu. Mais ses sympathies pour le nazisme ne faisaient aucun doute, même si l'on aurait pu arguer devant un tribunal en temps de paix, qu'il n'était nullement hostile à la France, mais plutôt favorable à l'Allemagne nazie. Le 26 octobre, il fut donc condamné à mort, mais on attendit le 7 février 1940 pour l'exécuter à Champigneulles, près de Nancy.
Revenus triomphants en Alsace, en juin 1940, les Allemands tinrent à faire de lui un héros national, symbole de la "résistance alsacienne à l'oppression française". Le 19 juin 1941, ses restes furent solennellement transportés à la Hunebourg[1], dont Friedrich Spieser avait fait un haut lieu du "germanisme", et la place Kléber à Strasbourg fut débaptisée pour devenir la "Karl-Roos-Platz". C'était le plus mauvais service qu'on pût rendre à sa mémoire car, qu'il fût coupable ou innocent des accusations d'espionnage portées contre lui, il devenait à titre posthume, un des responsables des horreurs que connaissait l'Alsace pendant l'annexion. Son nom fut d'ailleurs le seul ajouté à la liste des membres d'honneur des martyrs du mouvement national-socialiste (Ehrenliste der Ermordeten der Bewegung) pour l'année 1940.
A la Libération, compte tenu de la récupération politique de son exécution par la propagande nazie, son cercueil fut jeté au bas de la tour de la Hunebourg en signe de représailles.
Notes et références
- « La tombe de Roos deviendra un lieu de pèlerinage pour tous les patriotes allemands et alsaciens. Le cercueil a été déposé dans une tour, qui a été élevée à côté du château et sur laquelle flottera jour et nuit le drapeau à croix gammée. », extrait d'un article du Strassburger Neueste Nachrichten du 22 juin 1941.
Ouvrages de Karl Roos
- Die Fremdwörter in den elsässischen Mundarten. Ein Beitrag zur elsässischen Dialektforschung. Heitz, Straßburg 1903
- Politik und Gewaltpolitik in Elsaß-Lothringen. Eine Schrift zur Lehr und Wehr; aus Anlaß der Autonomistenverfolgung um Weihnachten 1927. Fricke, Zürich 1928
- Unser Elsässerditsch (Schriften des Elsässischen Volksbildungsvereins 1). Strassburg 1938
- Unser Elsaß in Haushumor und Spruchweisheit. Hünenburg-Verlag, Neuweiler 1940
Sources
- On consultera l'article sur « Charles Roos » dans le Nouveau Dictionnaire de Biographie Alsacienne (NDBA). Rédigé par Léon Strauss, ancien professeur d'histoire contemporaine à l'Institut d'Etudes politiques de Strasbourg, il est une référence indiscutable.
- Elsass-Lothringen, nation interdite de Pierri Zind, rédigé par un admirateur de Charles Roos, contient de précieuses informations mais il faut les lire avec discernement.
Voir aussi
- Histoire de l'Alsace
- Blutiger Sonntag
- Eugène Ricklin
Catégories :- Ancien conseiller général du Bas-Rhin
- Espion allemand
- Espion de la Seconde Guerre mondiale
- Naissance en 1878
- Décès en 1940
- Personne fusillée en France
- Autonomiste alsacien
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