- Bixquert
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Bixquert (en valencien et officiellement), parfois Bisquert (en castillan), est le nom d'une vallée située dans la Communauté Valencienne (Espagne) qui appartient à la ville de Xàtiva. Il s'agit également d'un nom de famille dont l'origine est étroitement liée à cette vallée.
Sommaire
Histoire
Le mot Bixquert en tant que lieu est mentionné pour la première fois en 1248 dans le Llibre del Repartiment du roi Jacques Ier d'Aragon. À cette époque, Bixquert était une alquería (de l'ar. al-Garya, le Hameau) où résidait une petite communauté d'arabes et/ou de chrétiens qui vivaient de la terre (La ville de Xàtiva possédait à elle seule plus d'une trentaine d'alquerías dont certaines sont devenues des villes). Ce n'est que bien plus tard que le nom de Bixquert s'étendra à la vallée elle même et ne désignera plus uniquement l'alquería, qui finira par disparaître.
La toute première mention de l'alquería de Bixquert est une donation effectuée le 26 mai 1248 par le roi d'Aragon. Il offrit des parcelles de Bixquert à 23 personnes, dont Girbert Novarello, Pere Godalest et Pere Satorre comme on peut le lire dans le Llibre del Repartiment :
- « Girberto Novarello, P. Godalest, P. Çatorre et XX sociis vestris: unicuique, III iovatas in alcheriis de Bischert, que sunt in termino Xative. VI kalendas iunii. »
(le mot Bischert se prononce Bisquert, d'où le changement d'orthographe survenu dans les donations suivantes)
Autres donations :
Le 30 mai de cette même année, il offrit également des parcelles de Bixquert au chevalier Berenguer d'Àger, selon le Llibre del Repartiment :
- « Berengario de Ager: domos in Xativa et III iovatas terre in Bisquert, et unam iovatam vinearum in termino Xative. III kalendas augusti (//) »
Le Donatio Navarri ballestarii domini regis, un document daté du 20 juillet 1267 et rédigé à Zaragoza, témoigne de la donation d'une terre dans Bixquert à un certain Navarro, arbalétrier du roi. Il apporte des indices précieux sur le lieu où se trouvait l'alquería au XIIIe siècle : Les terres de Navarro étaient entourées par les vignes du roi, par la propriété d'Englesia (ancien prénom féminin), fille de Gilabert d'Arenchs, par la propriété de Ramon de Sales, et par le château de Xàtiva. L'alquería se situait donc aux pieds de celui-ci :
- « Per nos et nostros damus et concedimus per hereditatem propriam, francham, et liberam, tibi Navarro ballistario nostro et tuis in perpetuum, duas jovatas terre in termino Xative, in loco qui dicitur Bisquert. Que affrontant ex una parte cum vinea nostra, et ex alia cum hereditate Englesie filie Gilberti de Arenchs, et ex parte cum hereditate Raimundi de Salis, et cum Rocha castri Xative. [...] Datum Cesarauguste, XIII kalendas Augusti, anno domini MCCLX septimo.[1] »
Margarita de Lauria y Entenza, fille du célèbre Roger de Lauria, reçut des vignobles à Bixquert dans la première partie du XIVe siècle :
- « Margarita de Lauria, comitissa Terranovae [...] : loco de Podio prope Valentiam, et Travadello, et Ceta, Calp, et Altea, ac haereditamento in termino Deniae et censualibus sitis in Xativa, scilicet, et super vineis in termino Bixquert, et domibus in Aljonia Xativae.[2] »
Géographie
La vallée de Bixquert est entourée au Sud par la Serra Grossa, au Nord par celle du Castell (où se trouve le château) et celle de Vernissa, et à l'Est par la rivière Albaida[3]. Il existe également une carte de la vallée de Bixquert et de ses alentours datant de 1485[4].
Le nom de famille
Les Bixquert (de tous orthographes) descendent de chrétiens ou d'arabes ayant vécu dans l'Alquería de Bixquert. Il existe plusieurs orthographes différentes telles que Bixquert, Bisquert, Vixquert, Visquert, ou encore Bisquertt (en Amérique latine).
Le "cas" al-Biškartī
Comme on le verra plus bas, les patronymes al-Biškartī et Albisquerti/Albisquerdi sont un même patronyme : les seconds sont la latinisation du premier (cas extrêmement fréquent dans les document écris en latin, l'intégralité des patronymes arabes du Llibre del Repartiment sont latinisés)[5].
Exemples de noms de famille arabes valenciannisés :
• al-Zummayla : Çumilla/Zumila
• al-Margalitī : Margarit
• al-Satibi : Xativi
• Ziqnil : Signell/Zignell/Zichnell
• Abu Ahmed : Aboaçmet
• Abu Abdallah : Aboabdile
• Ben Abd al-Aziz : Abenabdallasis
Par ailleurs le patronyme al-Biškartī/Albisquerti/Albisquerdi est présenté par le Docteur Carme Barceló Torres comme l'équivalent arabe du patronyme Bixquert. Ils sont donc un seul et même patronyme[5]. Le fait est que lorsque un musulman portait le patronyme al-Biškartī, il était automatiquement latinisé par les chrétiens en Albisquerti/Albisquerdi ou d'autres variantes orthographiques. Lorsque le scribe avait la volonté de christianiser entièrement le patronyme, il supprimait tout ce qui le rendait arabe (al-Bisquerti) pour donner un nom d'apparence chrétienne : un Bixquert pouvait donc être aussi bien chrétien que musulman (voir chapitres suivants).
Le patronyme al-Biškartī signifie celui qui vient de Biskart, (le "al" suivi d'une terminaison en "i" fait du nom un gentilé. Exemples : le patronyme al-Satibi signifie setabense (habitant de Xàtiva) et le patronyme al-Qurtubi signifie cordouan).
Selon une carte arabe datée de 1485, le lieu-dit de Bixquert était appelé Biskart par les musulmans[4]. En effet, ces derniers continuaient à appeler les villes, même après la Reconquista, par leur ancien nom arabe. Il est donc sûr que le patronyme al-Biškartī signifie bien celui qui vient de Bixquert.
Quelques familles ayant porté ce nom
- Les Vixquert de Xàbia faisaient partie avec les Xolvi, les Roxas, les Segarra, les Torró, les Aragó etc., des familles les plus importantes de la ville de Xàbia et étaient apparentés avec plusieurs familles de chevaliers, d'après le Baron de San Petrillo[6]. C'était une des familles les plus anciennes de la ville, en effet, ils descendent sans doute de Berthomeu ou de Miquel Bisquert, installées à Xàbia au XIVe siècle après que celle-ci a été désertée par les musulmans.
- Les Bisquert de Gebalcobra étaient, au XVe siècle, une puissante famille musulmane du royaume de Valence dont certains représentants ont exercé la profession de marchand. On les appelait également les Bisquert de La Taverna car Gebalcobra (de l'ar. al-Yibal al-Kubra) était le nom arabe de Tavernes de la Valldigna, lieux où ils résidaient[7].
- Les Bani-Biskart étaient une famille musulmane du royaume de Valence, elle aurait donné son nom à la ville valencienne de Benipeixcar et peut être même à l'alquería de Bixquert (voir Origine et Signification).[8]
Personnages ayant porté ce nom
Comme on l'a vu plus haut, Les patronymes al-Biškartī/Albisquerti/Bixquert sont un même patronyme, ils sont donc présentés ensemble dans ce paragraphe.
- Abdel Albisquerdi fut dépossédé de ses biens après la Reconquista. Le roi les offrit alors au chevalier Baldoví :
- « Sanz de Bolas et Baldovino : [...] unicuique singulas domos in Valentia et singulos ortos : et domos Baldovini sunt de Abdele Albisquerdi et domos Sancii sunt de Ali Abengata et ortum de Aboaçmet. VI kalendas madii (X). »
- Mahomat Albisquerti apparaît dans un recensement de la Valldigna en 1301[5].
- Abdalà Bixquert était un musulman valencien du XVe siècle (1461) résidant à Tavernes de la Valldigna[9]. Il a été démis de ses fonctions d'Alamín de la Valldigna en 1479 (l' alamín est le représentant de la communauté musulmane devant l'autorité chrétienne (ici)[10])[5]. Il faisait partie des Bisquert de Gebalcobra[7].
- Abd Allah al-Biškartī était un scribe valencien du XVe siècle[5].
- Miquel et Berthomeu Bisquert firent partie en 1381 des gens qui repeuplèrent la ville de Xàbia après le départ des musulmans du Royaume de Valence. Il semblerait qu'ils soient les premiers Bixquert chrétiens connus à ce jour[11].
- Joan Bixquert était un mercenaire valencien du Moyen Âge vivant à Xàbia (València), il reçut une certaine somme d'argent pour avoir décapité trois corsaires arabes[12].
- Juan Vixquert, selon Viciana, épousa au XVe siècle une des filles de Francisco Vives, seigneur de Vergel.
- Joannes Bisquert, notaire de Gavarda, reçoit après l'Expulsion des Morisques d'Espagne une maison et des terres à Alberique d'un montant de 1202,15 livres[13].
- Antonio Bisquert (Valence 1596 - Teruel 1646) était un peintre et disciple de Francisco Ribalta (1565-1628). Il devint actif à Teruel à partir de 1620. En 1628, il termina un retable de sainte Ursule et une Pietà. Une autre Pietà lui est attribuée, celle-ci conservée au Musée du Prado et qui passait pour être une œuvre de Ribalta[3].
- Sebastián Vixquert ou Bisquert (dit le bienheureux) était un religieux valencien mentionné dans un livre publié en 1599. L'ouvrage relate que le jour de sa mort, les religieux du couvent de Llutxent virent une procession de lumières célestes dans lesquelles apparut le religieux[14].
- Tomàs Bisquert était mostassaf de la ville de Benigánim en 1615[15]. Le mostassaf était une personne de l'administration municipale qui visait à protéger les intérêts économiques des consommateurs et des producteurs. Il garantissait également l'équité dans le commerce et adoptait de mesures afin de prévenir les pratiques commerciales déloyales.
- Sebastià Bisquert et son épouse Joana Ana Soldevila i de Bisquert, habitants de Vergel (Royaume de Valence), sont mentionnés dans un document daté de 1615 où ils revendiquent la part d'héritage d'un certain Nofre Martorell qui leur est due[16].
- Marcos Miró Bixquert Alberola y Soler fut, à partir de 1655, Greffier du Tribunal du Saint-Office de l'Inquisition[18].
- Andrés Miró Bixquert Oliver y Ferrer natif de Pego (Alicante) fut Commissaire du Saint-Office de l'Inquisition en 1644[18].
- Domingo Bisquert et Gerónimo Amirato, de Denia, sont mentionnés dans un document de 1733 pour avoir pénétré de nuit et sans permission sur un navire de voile anglaise[19].
- José Tiburcio Bisquert de La Barrera (Rengo 1835 - Santiago du Chili 1895), était un homme politique et avocat chilien fils de don José Luis Bisquert de la Reina et de doña María Inés de la Barrera.
- Antonio Bisquert (1906 – 1990) était un peintre valencien du XXe siècle.
- Antonio Soto Bisquert fût maire de Valence en 1976.
Héraldique
Les Vixquert de Xàbia : D'azur à l'arbre (terrassé au naturel ?)[21].
Certains émettent l'hypothèse que les Vixquert dits de Xàbia ont choisi de placer un arbre sur leur blason en référence à l'arbre qui figure sur celui de Biscaye. En effet, ils auraient pu croire à tort être originaires de cette province seulement en raison de la ressemblance phonétique entre le patronyme et le lieu.
Origine et Signification
- Comme on l'a vu plus haut, les musulmans valenciens parlaient de Bixquert sous le vocable arabe Biskart. Il serait donc logique d'établir un lien entre Biskart et la famille musulmane Bani-Biskart qui selon J. Sanchis Civera, aurait donné son nom à la ville de Benipeixcar (aujourd'hui quartier de Gandía). Il est extrêmement courant que les alquerías valenciennes aient pour origine un nom de famille arabe (commençant entre autres par beni/bani, autrement dit fils de) car ces alquerías portaient le nom des familles qui les possédaient. Voici quelques exemples :
Beniopa (de Bani-Ubba ou Bani-Uqba), Benifaió (de Beni-Hayyén), Benirredrà (de Bani-Rida ou Bani-Reduan), Benaguasil (de Bani-Wazir, fils du Vizir), Benagéber (de Ben-Geber fils de l'homme), Benavites (de Ibn Abidis), Beneixida, Benetússer, Beniarjó, Beniatjar, Benicolet, Benicull de Xúquer, Benifairó de la Valldigna, Benifairó de les Valls, Beniflá, Benigànim, Benimodo, Benirredrà, Benisanó, Benissoda, Benisuera, etc.
Dans ce cas là le bani/beni aurait disparu au moment de sa transcription pour christianiser le mot comme cela a été le cas pour les villes valenciennes de Faura (de l'arabe Bani-Hawra), de Sedaví (de l'arabe Banī Sīdabī), ou de Salem (de l'arabe Abdu-s-Saläm).
- Certains ont remarqué la proximité phonétique entre le mot Bixquert, et le nom de certains lieux tels que Biscaye et Bizkarreta-Gerendiain au Pays basque, Biscarrosse dans les Landes, Biscarrués en Aragon etc. qui viennent tous du basque Bizcar qui signifie dos, colline, hauteur. L'ancien lieu-dit de Bixquert dont parle le Llibre del Repartiment se situe justement sur les versants d'une colline rocheuse (dominée par le château de Xàtiva)[22].
Autres
La Porte de Bixquert (dite aussi del Socorro, du secours) est un passage du château de Xàtiva qui donne sur la vallée de Bixquert. Elle est mentionnée en tant que telle dans le très connu Llibre d'Antiquitats (première partie du XVe siècle). C'est dans ce passage qu'a été assassiné le valencien Diego Crespí de Valldaura, seigneur de Sumacàrcer et de L'Alcúdia de Crespins durant les Germanías. Un bon nombre de grands personnages et nobles valenciens empruntèrent ce passage durant cette révolte, dont le vice-roi d'Aragon Diego Hurtado de Mendoza y de La Cerda.
La Porte de Bixquert est également mentionnée une bonne dizaine de fois dans le Libro quarto de la Crónica de la ínclita y coronada ciudad de Valencia y de su reino, du chroniqueur Rafael Martí de Viciana (XVIe siècle).
Le Puerto ou Col de Bixquert (qui doit lui aussi son nom à l'alquería) est une crête qui sépare la Peña Roja du Mont Vernissa. Elle fut autrefois armée de fortifications immenses et inexpugniables. Leur solide construction avait peu souffert de l'action comminative des siècles, mais lorsque l'armée française fit la conquête de ce pays en 1812, on les fit sauter par la ruine[23].
Le Puerto de Bixquert est traversé par un chemin taillé dans la roche, lui aussi appelé de Bixquert.
La Tour de Bixquert était une tour du château de Xàtiva encore en construction en 1398[24]. Elle semble avoir aujourd'hui disparu.
Notes et références
- Transition in crusader Valencia: years of triumph, years of war, 1264-1270, Robert Ignatius Burns
- Universitat de València
- Gran Enciclopedia de la Comunidad Valenciana
- Toponímia Arábica del País Valencià, Alqueries i Castells, Carme Barceló Torres
- Un asesinato en la Valldigna, Carme Barceló Torres
- La Heráldica en Jávea, José Caruana i Reig, Barón de San Petrillo
- La vall de les sis mesquites : el treball i la vida a la Valldigna medieval, Ferran García-Oliver
- Nomenclator, J. Sanchis Sivera
- Archives des Ducs d'Osuna, Traslado de la licencia concedida en Valencia el 14 septiembre 1461 por Luis de Vich, Caballero de la ciudad de Valencia, como procurador del Monasterio de Santa María de Valldigna, a Abdala Bisquert, del lugar de Taberna, y Azina Munzat, de Cimat, para vender y cargar censales.
- Mudéjares y Moriscos en la sociedad aragonesa, María José Cervera Fras
- Els Fundadores del Regne de València, Enric Guinot
- El ocaso cuatrocentista de València en el tumultuoso Mediterráneo, 1400-1480, Andrés Díaz Borrás
- Moriscos, nobles y repobladores : estudios sobre el siglo XVII en Valencia, Eugenio Císcar Pallarés
- Historia de la Provincia de Aragón de la Orden de Predicadores, desde su origen y principio hasta el año 1600, Francisco Diago
- Archives du Royaume de Valence. Mestre Racional, número 11.738 (11)
- Archives du Royaume de Valence. Manaments i Empares, a. 1615, Libro 7, mano 60, ff. 44 r- 44v
- Genealogía de los Cruañes de Xàbia, G. Cruañes
- Enciclopedia heráldica y genealógica hispano-americana, Volume 57 - Page 167, Arturo García Carraffa
- Archives du Royaume de Valence. Bailia, Letra PI, número 1629
- Visita senyorial a l'estat de Sogorb (1765) i al marquesat de Dénia (1766), Baltasar Venero de Valera & Antoni Grau
- Diccionario hispanoamericano de heráldica, onomástica y genealogía, Volume 28, Endika de Mongrobejo & Alberto García Carraffa
- Onomasticon Cataloniae, Joan Corrominas & Josep María de Casacuberta
- Annales générales des sciences physiques, Volume 7. Publié par Bory de Saint-Vincent (Jean Baptiste Geneviève Marcellin, M.), Pierre Auguste Joseph Drapiez, Jean Baptiste van Mons
- Crónica de la España musulmana, Leopoldo Torres Balbás
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