Psychologie politique

Psychologie politique

La psychologie politique est de retour depuis quelques années dans les milieux universitaires, notamment aux États-Unis et en Amérique latine. Moins visible en Europe, car les clivages universitaires traditionnels résistent à l’évolution des frontières disciplinaires. Un rapide survol - in fine – permettra d’éclaircir ses antécédents historiques et dégager ses orientations actuelles et, enfin, envisager les nouveaux « chantiers » d’urgence.

Aucune définition canonique ne semble convenir à cette approche tant les sources d’inspiration, remontant à l’invention de la politique, et les doctrines interprétatives, ancrées dans les anciennes sciences humaines, ont trouvé des niches d’implantation dans les nouveaux champs disciplinaires ouverts à la fin du XIXe siècle. Pourtant, la psychologie politique n’est pas seulement une branche de la psychologie ni de la sociologie ni de la politologie, elle reste un carrefour des connaissances en quête d’un paradigme fédérateur et d’une place indépendante au cœur des sciences sociales et des sciences politiques. Son mérite premier est la tentative d’articuler plusieurs approches: l’histoire des civilisations, les questions de philosophie politique, la sociologie compréhensive, le ré-examen de la psychologie sociale collective, l’anthropologie socioculturelle, l’économie politique critique. Quant au fil conducteur méthodologique c’est une posture a-dogmatique dans la diversité et l’unité de l’humain. D’autant que les chantiers de recherche rappellent une vision élargie dans le temps et dans l’espace.


Sommaire

Les psychologies politiques dans le monde

La fondation de la «Société Internationale de Psychologie Politique» (ISPP) en janvier 1978, aux Etats-Unis, marque le retour de la discipline dans les milieux universitaires. Ses membres sont d’origines composites : des psychologues, des politologues et, en moindre nombre, des représentants de disciplines voisines : la sociologie, le droit, l’anthropologie, l’histoire, la philosophie politique. La revue Political Psychology (depuis 1979) et la réalisation d’un congrès international annuel témoignent d’une grande vitalité dans l’espace anglophone. Dans les années 90 des groupements et des associations nationales se sont créés dans divers pays européens et latino-américains : Argentine, Allemagne, Brésil, Espagne, France, Grèce, Mexique, Roumanie. La publication de la revue « Psicologia politica » (à Valencia en Espagne) et des revues électroniques en Argentine, Brésil et France jouent un rôle dynamique dans les milieux hispanophones et francophones. Aussi, de manière encore balbutiante, des groupes issus des sciences humaines et sociales (SHS) s’incorporent progressivement au mouvement dans les pays d’Europe orientale et d’Asie. En quelques mots le sceau original de ces approches est la prise en compte de l’intégralité de l’être humain et le caractère «holiste» des études psychopolitiques, le dépassement de la dualité rationaliste et du monisme épistémologique, la tolérance méthodologique, l’engagement personnel à l’égard de l’objet d’étude et le caractère historique des critères de vérité.


Repères historiques de la psychologie politique

Tout au long du XIXe siècle les liens entre le psychologique et le politique se trouvent fortement impliquées dans la formation de diverses « écoles de pensée » dont la psychologie politique contemporaine est l’héritière.


Toutefois, c’est à la fin des années cinquante que se détachent plusieurs domaines qui formeront plus tard l'arrière-fond des études de psychologie politique. Parmi ceux-ci, la dynamique des groupes et les études sur les sources du pouvoir; la psychologie de l’autoritarisme (avec les études sur la personnalité autoritaire de Theodor Adorno et l'expérience de Milgram), l’influence sociale et la persuasion, le leadership dans les organisations, la personnalité des hommes politiques et les déterminismes socioculturels, les communications de masses et les processus électoraux (étudiés en particulier par Seymour Martin Lipset). Ces analyses ont récemment été complétés par les travaux de Christopher Lasch et de Richard Sennett.


Enfin, les courants hispanophones dont les postures théoriques hétérogènes et la portée critique comptent ce panoramique de sources. Ici, le questionnement des dictatures militaires est l’élan précurseur. C’est au début des années 70 que commence à se manifester en Amérique latine un désir de lier les connaissances en sciences humaines et la praxis politique. Parallèlement en Espagne et au Portugal la transition démocratique ouvre la voie à un renouveau de la réflexion sur les faits politiques et l’importance des idéologies.


Les traces de la psychologie politique en France

En France la poussée est restée paradoxale. Après une longue absence, l’essentiel des contributions en psychologie politique se situent à l’ombre des courantes universitaires dominantes, notamment de la psychologie sociale et les sciences politiques.

La fondation de l’Association française de psychologie politique (AFPP) à l'Université de Caen le 22 novembre 1999 est une première tentative pour élargir la perspective, et rendre possible la construction des passerelles avec d’autres disciplines concernées. La publication depuis 2002 de la revue Les C@hiers de psychologie politique, (en ligne) est l’effort d’un groupe d’universitaires, pour maintenir le dialogue et la proposition d’une vision partagée sur la question politique. Or, le cloisonnement institutionnel entre les disciplines rend l’articulation difficile et lente.

Les principaux chantiers de la psychologie politique

La psychologie politique se nourrie de la praxis des situations de crise. D’où l’importance des enjeux concrets. Car les grands chantiers qui forment la psychologie politique actuelle ne sont pas figés, mais en mouvement. Un inventaire rapide de ces chantiers tiendra compte des urgences et une bibliographie abondante existe, bien que peu visible.

  • Premier chantier : les diagnostics de la crise des sociétés démocratiques.
  • Deuxième chantier : les enjeux idéologiques dans la lecture de la réalité politique contemporaine.
  • Troisième chantier : la construction de la mémoire socioculturelle.
  • Quatrième chantier : les discours politiques et les stratégies persuasives.
  • Cinquième chantier : le biais machiavélique de la démocratie.
  • Sixième chantier : le rôle des leaders charismatiques et les avatars du populisme.
  • Septième chantier : l’économique et ses effets psychologique.
  • Huitième chantier : l’impact du religieux dans la sphère du politique.
  • Neuvième chantier : les nouvelles formes de militantisme politique.
  • Dixième chantier : Le rôle de la propagande et les masse medias.
  • Onzième chantier : la critique du modèle libérale et les manipulations mentales.
  • Douzième chantier : L’influence de la technologie dans les nouvelles formes de gouvernance.
  • Treizième chantier : violences et terrorismes.
  • Quatorzième chantier : citoyenneté, idéologies et organisations politiques.

De l’utilité de la psychologie politique

Dans un premier temps la psychologie politique est perçue par ses initiateurs (notamment G. Le Bon) sous l’angle utilitaire de l’art de gouverner. Plus tard, les connaissances sur les phénomènes psychologiques (individuels) et les phénomènes politiques (collectifs) forment un base solide à la constitution d’une discipline à part entière. D’où sa place transversale dans les sciences humaines et sociales SHS, et son besoin de réaffirmer ses options, à la fois, épistémologique et méthodologique, dont l’analyse holiste des problèmes de la société contemporaine et de l’homme comme un tout dans un projet heuristique de l’œuvre sociétale.

Brève bibliographie

En français

  • Ansart P. (1983) : La gestion des passions politiques. L’âge de l’homme. Paris.
  • Barus-Michel J. Giust-Desprairies F. et Ridel L. (1996) : Crises: Une approche de psychologie sociale clinique. Desclée de Brouwer (Paris).
  • Barus-Michel J. (2007) : Le politique entre les pulsions et la loi. Eres. Paris.
  • Baugnet L. et al ( 2003) : Constructions identitaires et dynamiques politiques. Lang. Bruxelles.
  • Beauvois J.L. (1994): Traité de la servitude libérale. Paris. Dunod.
  • Beauvois J.L. (2005) : Les illusions libérales, individualisme et pouvoir social. PUG. Grenoble.
  • Boutmy, Emile (1901). - Essai d'une psychologie politique du peuple anglais au XIXe siècle. Paris : A. Colin.
  • Boutmy, Emile (1902.) : Eléments d'une psychologie politique du peuple américain : la nation, la patrie, l'Etat, la religion. Paris . A. Colin,
  • Boutmy, Emile (1904): A propos de la souveraineté du peuple. Paris : A. Picard,
  • Braud Ph. (1991) : Le jardin des délices démocratiques. PSP. Paris
  • Braud Ph. (1996) : L’émotion en politique. PSP. Paris.
  • Barus-Michel J. Giust-Desprairies F. et Ridel L. (1996) : Crises: Une approche de psychologie sociale clinique. Desclée de Brouwer (Paris).
  • Barus-Michel J. (2007) : Le politique entre les pulsions et la loi. Eres. Paris.
  • Cevipof (1990) : L’électeur français en question. Presses FNSP. Paris.
  • Dorna A. et Ghiglione R. (l990) : Psychologies Politiques. Psychologie Française. T. 35-2. Paris.
  • Dorna A. (1996) : Personnalité machiavélique et personnalité démocratique. Hermès n°19. Paris.
  • Dorna A. (1998) : Fondements de la psychologie politique. Paris. PUF.
  • Dorna A. (2004) : De l’âme et de la cité. L’Harmattan. Paris
  • Dorna A. et Georget P. (2004) : La démocratie peut-elle survivre dans le XXIe siècle ? In presse. Paris
  • Dorna A. (2006) : Pour une psychologie française. Paris. In Press.
  • Dorna A. et Sabucedo J.M. (2006) : Etudes et chantiers de psychologie politique ; L’Harmattan. Paris ;
  • Dorna A., Quellien J. Simonnet S. (2008) : La propagande : images, paroles et manipulation. L(Harmattan. Paris.
  • Enriquez E. (1991) : Les figures du maître. Arcantere. Paris.
  • Elster J. (1990): Psychologie politique. Minuit. Paris.
  • Fournier L. (2006) : Les mères de la patrie. PUC. Caen.
  • Ghiglione R. et al. (l989) : Je vous ai compris. Colin. Paris
  • Grawitz M. et Leca J. (l985) : Traite de sciences politiques. PUF. Paris
  • Hamon A. (1894) : Psychologie du militaire professionnel. Rosez. Bruxelles.
  • Hamon A. (1895) : Psychologie de l’anarchiste socialiste. Stock. Paris.
  • Le Bon G. (1895-1986): Psychologies des foules. Flammarion. Paris.
  • Le Bon G. ( 1911): la psychologie politique et la défense nationale. Amis de G. Le Bon. Paris
  • Moscovici S. (1979) : Psychologie des minorités actives. PUF. Paris.
  • Moscovici S. (1981) : L’âge des foules. Paris. Fayard.
  • Moscovici S. (1988) : La machine à faire des dieux. Fayard. Paris.
  • Montero M. (1990) : La psychologie politique latino-américain: une discipline du social. Psych. Française. Vol.35,n°2. Paris.
  • Namer G. (2003) : Le contretemps démocratique. L’Harmattan. Paris
  • Niqueux M et al (2007) : Le caractere national : mythe ou réalité ? PUC. Caen
  • Niqueux M et al (2005) : Religion et Nation. PUC. Caen
  • Pages M. et al (2003) : La violence politique. Eres. Ramonville.
  • Rouquette M.L. (1989) : Psychologie politique. PUF. Paris.
  • Rouquette M.L. (1994) : Sur la connaissance des masses. PUG. Grenoble.
  • Sperber M. (1938) : Psychologie du pouvoir. Jacob. Paris. 1995.
  • Tarde G. (1890) : Les lois de l’imitation. Alcan. Paris.

En anglais

  • Geoffrey Vickers (en) (1965), The Art of Judgment : A Study of Policy Making

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Psychologie politique de Wikipédia en français (auteurs)

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