Loi n°73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France

Loi n°73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France
Loi du 3 janvier 1973
Titre Loi n°73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France
Abréviation Loi n°73-7
Pays Drapeau de France France
Type Loi ordinaire
Législature IVe législature de la Ve République française
Gouvernement Gouvernement Pierre Messmer I
Texte Texte sur Légifrance

La Loi n°73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France (aussi appelée loi Pompidou-Giscard), est une loi votée en France sous l'impulsion de Valéry Giscard d'Estaing, alors ministre de l'Économie et des Finances, sous la présidence de Georges Pompidou.

L'article 25 de cette loi est le suivant : "Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l'escompte de la Banque de France."[1]

Cette loi a été abrogé le 1er janvier 1994[1] puisque reprise par l'article 104 du traité de Maastricht puis par l'article 123 du traité de Lisbonne[2]. Par facilité de langage on parle parfois d'abroger cette loi, ce qui revient soit à réviser les traités de l'Union Européenne soit à en sortir.

D'autres pays, tels la Suisse ou l'Allemagne, ont inscrit une disposition similaire directement dans leurs textes constitutionnels[3],[4].

Loi et conséquences

Cette loi modifie l'organisation de la Banque de France et affaiblit les droits du Trésor Public par rapport à celle-ci. L'article 25 interdit en effet au Trésor Public d'emprunter directement à la Banque de France à un taux d'intérêt faible ou nul, comme il en avait jusqu'alors le droit[5]. Les gouvernements français devront dès lors trouver d'autres sources de financement, principalement en empruntant à des taux d'intérêts plus élevés aux banques privées ou encore par des emprunts nationaux. Cette loi empêche donc de mettre en œuvre des stratégies inflationnistes de type assouplissement quantitatif (politique appliquée notamment par la Réserve fédérale américaine) et empêche donc la dévaluation progressive de la monnaie corrélative à l'augmentation de l'endettement étatique[6]. L'Allemagne a défendu la politique monétaire de la BCE, marquée historiquement par l'hyperinflation de la République de Weimar dans les années 1920.

Un emprunt national sera d'ailleurs émis juste après la création de cette loi. En 1973, Valéry Giscard d'Estaing met en place l'Emprunt Giscard, emprunt national à un taux d'intérêt de 7 % indexé sur l'or qui sera particulièrement coûteux pour la France[7],[8],[9],[10],[11],[12] : les dévaluations successives du franc dans les années 1980, conjuguées à la montée des cours du métal précieux et un taux d'intérêt élevé, conduiront à ce que pour les 7,5 milliards de francs empruntés l'État dut rembourser (en intérêts et capital) plus de 90 milliards de francs[9].

Interrogé en 2008, Valéry Giscard d'Estaing déclara que « La réforme des statuts de la Banque de France, adoptée sous le mandat de Georges Pompidou et lorsque j'étais ministre des Finances, est une réforme moderne qui a transposé en France la pratique en vigueur dans tous les grands pays : il s'agissait à l'époque de constituer un véritable marché des titres à court, moyen et long terme, qu'il soit émis par une entité privée ou publique »[13] et évitant ainsi "une situation d'inflation monétaire permanente".

Plusieurs personnalités politiques ont dénoncé cette loi comme un endettement volontaire de la France au bénéfice des banques privées[14],[15],[16], le Trésor Public devant emprunter aux banques privées à des taux d'intérêts plus élevés que ceux pratiqués par la Banque centrale (Banque de France puis BCE)[17], augmentant depuis lors la dette publique de la France.

L'essayiste altermondialiste André-Jacques Holbecq estime que, par cette loi, l’État a transféré son droit régalien de création monétaire sur le système bancaire privé[18]. Nicolas Dupont-Aignan affirme[17]: « Comment pouvons-nous accepter d'avoir transféré la création monétaire au secteur privé, c'est-à-dire aux banques privées ? […] Est-il normal, pour construire une autoroute, pour financer le haut débit, d'emprunter à 3 % à des banques ou par des obligations alors que la banque centrale publique prête à 1 % ? […] Alors même que l'on pourrait, comme la France l'a fait jusqu'en 73, avec la plus forte croissance de l'Occident, financer à un taux abordable nos équipements publics. » En réponse, des critiques lui ont reproché de confondre les taux d'intérêt au jour le jour, et les taux d'intérêt sur dix ans[19].

Selon Marine Le Pen, « depuis une loi de 1973, confirmée par les Traités européens, les marchés et les banques ont le monopole du financement de l’Etat. Notre dépendance de plus en plus forte vis-à-vis des marchés vient précisément de là : parce que c’est à eux exclusivement qu’on peut emprunter, parce qu’ils ont un monopole et qu’ils peuvent nous imposer leurs conditions, nous imposer des taux d’intérêt élevés »[20]. Elle propose de sortir de cette loi.

Notes et références

  1. a et b http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=C14140127CB26781674ED75C10C5C2C6.tpdjo04v_2?cidTexte=JORFTEXT000000334815&dateTexte=19931231&categorieLien=id#JORFTEXT000000334815
  2. Journal officiel de l'Union européenne, « Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne ». Consulté le 6 novembre 2011
  3. Banque nationale suisse, « Indépendance, obligation de rendre compte et relations avec la Confédération ». Consulté le 2 novembre 2011
  4. Art. 88 Grundgesetz
  5. legifrance.gouv.fr
  6. Selon l'agence Reuters « To date, the ECB has distinguished itself from the U.S. Federal Reserve and the Bank of England by refraining from embarking on a policy of 'quantitative easing' -- code for printing more money. » Selon Klaas Knot, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, c'est cette politique de quantitative easing que le traité de Maastricht a proscrit (ECB policymakers reject bigger crisis role for bank, Reuters, 11 novembre 2011).
  7. Cinq manières de diminuer vraiment les dépenses de l'Etat, L'Expansion, 1997 (page 5)
  8. Le Monde L'emprunt national, une opération plus "politique que financière", 1er Juillet 2009: « Les précédents historiques en France ont montré que les grands emprunts ont été très coûteux pour l'Etat, notamment l'emprunt Giscard.  »
  9. a et b L'Express Emprunt: Le Joker de Balladur, 27 mai 1993 « L'emprunt Giscard 7 %, 1973. Indexé à partir de 1978 sur le cours du lingot d'or. D'un montant de 6,5 milliards sur quinze ans, il a coûté à l'Etat, en 1988, 92 milliards (capital et intérêts), soit, en francs constants, plus de quatre fois et demie sa valeur d'origine »
  10. Marianne "L'Emprunt national, un grand classique", 24 juin 2009. « Il y a eu ensuite l’emprunt Giscard, un emprunt genre Pinay, indexé sur l’or aussi, donc très favorables aux rentiers, et qui, comme les précédents coûte très cher aux contribuables, parce que l’Etat rembourse beaucoup plus qu’il ne paye.  »
  11. Le Point Un nouveau plan de relance déguisé, 23 juin 2009, « "L'emprunt Giscard était indexé sur l'or et cela a coûté très cher", rappelle Philippe Waechter »
  12. Les Echos, Emprunt Sarkozy : quels avantages pour les épargnants ?, 28 juin 2009 « L'emprunt Giscard d'Estaing de 1973, qui rapportait du 7 % l'an et qui était lui aussi indexé sur l'or a été particulièrement onéreux pour les finances publiques. »
  13. Vge-europe.eu "Réponse de VGE", par Valéry Giscard d'Estaing le vendredi 25 juillet 2008, 14:26
  14. Parti de Gauche Chronique intitulée "Loi Pompidou-Giscard".
  15. Front National discours du 27 février 2009 pour l'abrogation de l’article 25 de loi 73-7 du 3 janvier 1973.
  16. LePost.fr Article du 4 février 2010.
  17. a et b Site de Nicolas Dupont-Aignan, commentaire vidéo du 25 septembre 2010 à 10:59, intitulé "Retraites et création monétaire"
  18. La dette publique, une affaire rentable, André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder (préface d'Étienne Chouard) - éditions Yves Michel 2008
  19. « Il faudrait un livre d’introduction à l’économie pour expliquer à quel point cette affirmation est ridicule mais restons simples : 1 %, c’est le taux que payent les banques commerciales à la BCE pour des emprunts sur une journée (c’est un taux « au jour-le-jour ») et 3 %, c’est le taux que paye l’État pour des emprunts à dix ans. »« La théorie du complot de Dupont-Aignan », Contrepoints.org, 15 mai 2011
  20. Front National Conférence exceptionnelle de Marine Le Pen sur la Crise du 11 août 2011

Voir aussi


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