- La Barbe
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La Barbe est un groupe d'action féministe fondé en 2008 en France. Ses militantes dénoncent l'absence ou la sous-représentation des femmes dans des instances de pouvoir économiques, politiques, culturelles et médiatiques.
Dans la lignée du mouvement féministe des années 1960-1970, elles pratiquent un militantisme basé sur le coup d'éclat et l'ironie. Lors de leurs actions inopinées, elles interpellent des assemblées en majorité masculine en portant des barbes postiches. D'abord menées en région parisienne, les actions s'étendent en province à partir de 2010, à la faveur d'initiatives locales, comme dans l'Ouest et le Sud-Ouest.
Sommaire
Histoire
Les débuts du groupe
Le groupe a commencé à se constituer lors de la campagne pour l'Élection présidentielle française de 2007, avec des personnes militant pour Ségolène Royal, qui ont été choquées par des allusions sexistes à l'égard de la candidate socialiste[1]. Il se forme autour de Marie de Cenival, ancienne militante d'Act Up-Paris, avec des femmes qui n'ont pour la plupart jamais participé à une association ou à un mouvement féministe. En octobre 2008, « une vingtaine de membres actives, une trentaine de sympathisantes », selon Libération, participait au groupe[2]. En mars 2010, une cinquantaine de membres actives était recensée[3]. Le nom du groupe fait à la fois référence à la barbe, comme symbole de la pilosité masculine, et à l'interjection familière « La barbe ! » qui signifie « Cela n'a que trop duré ! »[4].
Leur première manifestation publique a lieu le 28 février 2008, lors d'une séance de dédicaces du journaliste et écrivain Eric Zemmour à Paris au Drugstore Publicis[5]. Mais selon Le Nouvel Observateur, La Barbe se forme officiellement le 8 mars 2008[6] à l'occasion de la Journée internationale des droits de la femme. Le groupe défile alors à Paris aux côtés de Act Up-Paris et des Panthères Roses, et colle une barbe à l'une des statues de la Place de la République[7].
Un contexte de renaissance du féminisme
Le groupe apparaît dans les années 2000, marquées par une nouvelle génération de féministes avec la création des associations Ni putes ni soumises en 2003 et Osez le féminisme en 2009 ou du collectif Les TumulTueuses en 2010[8]. Dans la presse écrite, la création du magazine Causette en 2009 témoigne également de ce renouveau du féminisme[9]. Pour l'écrivain Joy Sorman, « des mouvements comme La Barbe ont su faire évoluer l'image des féministes : ces collectifs témoignent du renouveau du militantisme politique dans la jeune génération »[10]. Par son sens de la dérision, La Barbe participe aussi à un mouvement plus général du « rire militant » aux côtés des collectifs L'Appel et la pioche, Génération précaire, Jeudi noir, Sauvons les riches et les Clowns à responsabilités sociales[11].
Ligne idéologique
La Barbe s'inscrit dans la lignée du Mouvement de libération des femmes, dont elle a commémoré les quarante ans, avec les Chiennes de garde et Osez le féminisme, le 26 août 2008[12]. Dans une tribune publiée sur Eco89, La Barbe énonce l'un des principes du groupe : « Rendre visible et ridicule l'absence des femmes dans tous les lieux de pouvoir, politique, économique, culturel »[13]. Le groupe fait également valoir l'inscription dans la Constitution française du principe de la parité professionnelle homme-femme depuis le 23 juillet 2008[14].
Dans son manifeste, La Barbe précise avoir « décidé d'investir barbues tous les hémicycles, toutes les antichambres, tous les lieux de pouvoir des hommes »[6]. Les militants mènent leurs actions en mettant des barbes postiches[1], un geste qui vaut notamment à ce groupe d'être qualifié de « militantisme décalé »[15] par le journal Le Monde ou de « forme alternative de féminisme »[16] par Ouest-France. Sociologue à l'Inserm, Natacha Chetcuti évoque ainsi « une mise en scène publique de leur action » d'une génération de féministes qui sait davantage comment capter l'attention des médias, à l'image d'Act Up-Paris[17].
Pour Marie de Cenival, fondatrice de La Barbe, le fait de porter une barbe postiche lors des actions permet un « effet miroir »; elle précise dans Mediapart : « Les hommes ciblés se regardent entre eux, confondus, honteux d’être pris ainsi en flagrant délit de non-mixité »[18]. Ces pratiques du « coup d'éclat » et de la « dérision », selon L'Express[19], sont aussi assimilées à une forme de « happening » féministe, dans la tradition des Guerrilla Girls américaines[20]. Certaines activistes de Guerrilla Girls ont porté des masques de gorille, tout comme les militantes de La Barbe une fausse barbe, entre autres afin de rester anonymes[21].
Principales actions
Pointant une absence ou une sous-représentation des femmes dans des instances de décision, La Barbe mène régulièrement des actions touchant les secteurs de la politique, de l'économie, des médias et de la culture.
- Le 29 mai 2008, La Barbe manifeste devant le Palais Brongniart, place de la Bourse à Paris, à l'occasion de l'assemblée générale des actionnaires du groupe Casino[22].
- Le 17 novembre 2008, alors que le monde est en pleine crise financière, La Barbe s'attaque au milieu de la finance, au théâtre Marigny à Paris, au cours de la remise des « BFM Awards »[23].
- Le 16 avril 2009, une dizaine de militantes ont occupé l'entrée de l'assemblée générale de L'Oréal pour dénoncer la faible proportion de femmes dans le conseil d'administration du groupe[24],[25].
- La Barbe a interrompu, le 7 février 2010, un débat à l'initiative de l'hebdomadaire Nouvel Observateur et de la radio France Culture[6].
- Le Conseil d'orientation des retraites fut leur cible le 18 novembre 2010, à l’institut Océanographique de Paris. Associée à l'association Génération Précaire, La Barbe perturbe le Conseil, soulignant que parmi les 36 représentants, il n'y avait qu'« une femme et zéro précaire »[26].
- Le 7 décembre 2010, La Barbe invite à un rassemblement devant la Maison de Radio France afin de dénoncer le fait qu'aucune femme ne figure parmi les huit nominés au titre de « personnalité culturelle de l’année 2010 », selon un sondage établi pour la radio de service public[27],[28].
- Le 24 février 2011, une action a lieu loin de Paris, à Montauban. Quatre femmes se réclamant de La Barbe s'introduisent au conseil général de Tarn-et-Garonne, composé exclusivement d'hommes[29].
- Le 21 mai 2011, une dizaine de jours après le début de l'affaire Dominique Strauss-Kahn, La Barbe initie avec Osez le féminisme ! une pétition publiée dans Le Monde, où elles dénoncent « le déferlement quotidien de propos misogynes tenus par des personnalités publiques »[30]. Celle-ci est notamment signée par Audrey Pulvar, Clémentine Autain, Florence Montreynaud, Annick Coupé, Annie Ernaux et Florence Foresti. Deux jours plus tard, la Barbe participe à une manifestation féministe à Paris, qui réunit 2000 personnes[31].
Influence
Né à Paris, le mouvement La Barbe s'étend progressivement dans les provinces françaises. Ainsi les actions symboliques décalées de La Barbe ont d'abord inspiré un groupe féministe, le PAF ! (Pour une Alternative Féministe), dans le Pays Basque. Dans son édition du 17 juillet 2009, Le Journal du Pays Basque se fait l'écho d'une statue de Marianne affublée d'une barbe par le PAF ! à Anglet[32]. A Nantes, des femmes affublées de fausse barbe interviennent elles aussi dans les lieux de pouvoir locaux (la Barbe à l'Ouest). Dans le Sud-Ouest, en juillet 2011, La Barbe essaime à Toulouse, à l'instigation de Michèle Horlaville, une ex-porte-parole de l'association Droit au logement[33].
A l'étranger, un groupe de féministes mexicaines s'est affublé de grosses moustaches (las Bigotonas), à l'image de la Barbe[34].
Notes et références
- (fr)A chacune son féminisme, sur libération.fr, consulté le 9 février 2011
- (fr)Le gang des postiches, sur next.liberation.fr, consulté le 14 février 2011
- (fr)Pas de rasoir à l'espace Simone-de-Beauvoir - Nantes, sur ouest-france.fr, consulté le 11 février 2011
- Dictionnaire de l'Académie, neuvième édition
- (fr)la barbe eric zemmour, sur YouTube, consulté le 14 février 2011
- (fr)"La barbe" contre "la domination masculine", sur tempsreel.nouvelobs.com, consulté le 9 février 2011
- (fr)Une Journée des femmes tendue et "barbue", sur tetu.com, consulté le 11 février 2011
- (fr)Journée de la femme: la relève veut donner un nouveau souffle au féminisme, sur lexpress.fr, consulté le 11 février 2011
- (fr)Mathilde Blottière, « Les nouvelles féministes mettent les poings sur les “i” » sur telerama.fr, 25 juillet 2011. Consulté le 5 août 2011
- (fr)http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/07/15/l-emancipation-des-femmes-passera-par-celle-des-hommes-appeles-a-se-debarrasser-de-leurs-stereotypes-et-a-refuser-les-assignations-de-genre_1549131_3232.html, sur lemonde.fr, consulté le 20 juillet 2011
- (fr)Les partisans du rire militant, sur lemonde.fr, consulté le 11 février 2011
- (fr)Paris: commémoration des 40 ans du MLF, sur lefigaro.fr, consulté le 9 février 2011
- (fr)Salon des entrepreneurs : une affaire d'hommes !, sur eco.rue89.com, consulté le 9 février 2011
- (fr)Le collectif féministe "La Barbe" invité dans "Le Buzz", sur blog-lci-est-a-vous.lci.fr, consulté le 10 février 2011
- (fr)Le militantisme décalé des féministes de La Barbe, sur lemonde.fr, consulté le 9 février 2011
- (fr)Une forme alternative de féminisme : les femmes à barbe, sur ouest-france.fr, consulté le 9 février 2011
- (fr)"Aujourd'hui chaque groupe féministe défend ses intérêts propres", sur lexpress.fr, consulté le 14 février 2011
- (fr)Etre femme, sur blogs.mediapart.fr, consulté le 11 février 2011
- (fr)Qui sont les nouvelles féministes?, sur lexpress.fr, consulté le 11 février 2011
- (fr)Les milieux culturels sont aussi sexistes que les autres, sur observers.france24.com, consulté le 11 février 2011
- (en)The world needs more feminists masked avengers, Guerrilla Girls say, sur browndailyherald.com, consulté le 11 février 2011
- (fr)Des femmes à (fausses) barbes dénoncent l'absence de femmes à la tête de Casino, sur actu.ma, consulté le 11 février 2011
- (fr)Les femmes à barbe veulent mettre les hommes à la corbeille, sur rue89.com, consulté le 11 février 2011
- (fr)Les "barbues" font le siège de l'Oréal, sur lefigaro.fr, consulté le 11 février 2011
- (fr)Des féministes «barbues» chez L'Oréal, sur leparisien.fr, consulté le 11 février 2011
- (fr)Synthèse de l’actualité 19 novembre 2010, sur solidarite.gouv.fr, consulté le 11 février 2011
- (fr)La personnalité culturelle 2010 ne sera pas une femme, sur next.liberation.fr, consulté le 9 février 2011
- (fr)Personnalité culturelle 2010 :pas de femme en lice, sur info.france2.fr, consulté le 9 février 2011
- (fr)Des femmes à barbe (postiche) interrompent un conseil général 100% masculin, sur lepoint.fr, consulté le 25 février 2011
- (fr)Sexisme : ils se lâchent, les femmes trinquent, sur lemonde.fr, consulté le 20 juillet 2011
- (fr)Manifestation féministe contre le sexisme tenu autour de l'affaire DSK, sur elle.fr, consulté le 20 juillet 2011
- (fr)Un nouveau groupe féministe en Pays Basque, sur lejpb.com, consulté le 11 février 2011
- (fr)Collectif La Barbe : "Notre mode d'action c'est l'humour", sur ladepeche.fr, consulté le 20 juillet 2011
- http://www.egalite-infos.fr/2011/05/03/las-bigotonas-les-filleules-mexicaines-moustachues-de-la-barbe/
Lien externe
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