Beguine

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Une béguine est, dans son acception actuelle, une femme membre d’une communauté religieuse aux règles moins strictes que celles d’un monastère. Au Moyen Âge, les Béguines était un courant spirituel et politique de femmes qui se vouaient à Dieu, sans entrer au couvent.

Sommaire

Histoire

Des femmes pieuses

Au temps des Croisades, à une époque où l’on quitte le système féodal, on constate une surpopulation de femmes. Les couvents étaient alors surpeuplés, alors que certaines d'entre elles souhaitaient embrasser la vie religieuse (un numerus clausus fut d'ailleurs fixé par le concile de Latran de 1213).

C'est pourquoi, au XIIe siècle, en Flandre et dans le nord de l’Europe, on voit alors se constituer plusieurs communautés de femmes seules dites « Béguines » (leurs homologues masculins étaient appelés « Béguins » ou « Beggards », mais leur présence a toujours été très minoritaire), institutions semi-monastiques, laïques, vivant de l’autogestion et non prosélytes. Elles furent été ainsi nommées, selon Louis Moréri, d'après Lambert Le Bègue, prêtre liégeois qui les aurait fondées en 1170 ; suivant d'autres d'après sainte Bègue, ou Begga, sœur de sainte Gertrude et liégeoises également, qui aurait fondé la communauté dès 692. On a fait enfin dériver ce nom du vieil allemand beggen signifiant : « demander », « prier ».

Dès leur constitution, les béguines furent les premières femmes à s'émanciper. N'ayant fait vœu d'appartenance à aucun ordre religieux, elles n'avaient donc pas accès au couvent mais s'installaient souvent à proximité en communauté, pour se protéger, s'entraider et surtout vivre leur dévotion. Cependant, il arrivait qu'elles puissent tout aussi bien vivre dans leur famille, voire avec un époux[1].

Bien que se réunissant souvent en petites communautés, parfois dans des béguinages, elles se proclamaient religieuses mendiantes et menaient une vie spirituelle très forte. Leur caractéristique était l’absence de règle : elles pouvaient choisir de faire un vœu, souvent de chasteté (avec l’accord de leur époux si elles sont mariées), parfois de pauvreté, exceptionnellement d’obéissance (c’est le cas de Douceline de Digne).

À l’origine, beaucoup de béguines travaillent pour gagner leur vie et l’argent de leurs aumônes. Elles possédaient parfois leurs propres ateliers, notamment de tissage mais aussi de poterie et la copie de livres. L’emploi comme domestique, notamment dans les hôpitaux, en raison du dévouement aux pauvres et aux malades exigé, était aussi fréquent chez elles. La quasi-sainteté de leur mode de vie attirait aussi des femmes plus riches et cultivées, qui faisaient administrer leurs biens de manière à distribuer en aumônes leurs revenus. Parmi les béguines les plus instruites, citons : Sybille de Gages, latiniste renommée ; la poétesse Ida de Léaud ; et Mechthild de Magdebourg, auteur du premier ouvrage pieux en langue populaire.

Ce mouvement se développa surtout dans le nord de l'Europe, à Liège dès 1180, puis en 1202 à Tirlemont, en 1212 à Valenciennes, puis à Douai, Gand, Anvers et de là se répand rapidement dans toutes les grandes villes de la France de langue d'oïl et d'Allemagne. Ce mouvement de piété fut favorablement accueilli : saint Louis leur lègua une somme d’argent, la comtesse Jeanne de Flandre et sa sœur Marguerite furent également généreuses à leur égard.

Réticences de l’Église

Les béguines, ne prononçant pas de vœux, restent laïques, donc hors de la tutelle de la hiérarchie ecclésiastique. Celle-ci voit d'abord d'un bon œil cette expression de la piété et cette pauvreté voulue et assumée, mais le clergé séculier et les ordres monastiques se sentent concurrencés et s'estiment dépossédés des donations et legs reçus par les béguines. De plus, ils se méfient des libertés acquises par ces femmes (liberté religieuse, liberté sociale, liberté économique, etc...).

Cette appréhension est plus importante où elles sont plus nombreuses : elles imposent aussi une charge plus importante aux moines (visites, confessions aux couvents masculins voisins) qui sont ainsi détournés de leurs occupations régulières, et menacent, en se mêlant aux moines, la fidélité de ces moines à leur vœu de chasteté[2].

La mendicité paraissait dans certains cas injustifiée car elles étaient valides (le critère autorisant la mendicité était notamment l'invalidité physique). Les réticences ne sont pas issues que de la hiérarchie ecclésiastique : voyant en elles des concurrentes, la corporation des tisserands de Diest leur interdit le tissage[3]. En certaines villes, leurs métiers à tisser furent confisqués.

En 1139, plusieurs décrets du IIe concile du Latran s’élèvent contre les femmes qui vivent sans règle monastique, mais se font passer pour moniales, renouvelle l’obligation de vie selon une règle, et leur interdit de se mêler aux moines. La crainte de voir les moines rompre leur vœu de chasteté suscite une redéfinition plus sévère de la clôture au chapitre de Cîteaux en 1218, restrictions renouvelées en 1228 (ce qui laisse penser qu’elles ne furent pas ou mal suivies[2]).

Mais les réticences vont au-delà : la vie sans règle précise, la liberté de ces femmes, paraît aberrante aux clercs de l’Université, dont Guillaume de Saint-Amour[4].

Les persécutions

Comme beaucoup d'autres mouvements de l'époque (cathares, vaudois, mais aussi franciscains, Libre-Esprit et autres), les béguines prônent un idéal de pauvreté évangélique.

Au concile de Mayence (1233), l’inquisiteur Conrad de Marbourg les dénonce. En 1298, la décrétale Periculoso de Boniface VIII étend aux chartreuses et aux cisterciennes l’obligation de clôture stricte. Soupçonnées d’hérésie, les béguines sont parfois persécutées, comme Marguerite Porete, brûlée vive en 1310. Son ouvrage Le Miroir des simples âmes est également victime d’un autodafé. En 1311, le concile de Vienne les condamne, pour fausse piété, et hérésie, avec les béguins, frères du libre-esprit, fraticelles. Seuls les Tiers ordres des ordres mendiants sont exclus de cette condamnation.

Béguinage de Courtrai

Jean XXII protège néanmoins les béguines du Brabant, organisées en vastes béguinages, qui subsistent. Mais leur entrée est de plus en plus limitée aux femmes et filles de la noblesse et de la grande bourgeoisie[5]. Des ordres de béguines se créent au XVIe siècle, mais ils sont strictement cloîtrés. Il subsiste encore au XIXe siècle en Allemagne et surtout en Belgique des maisons appelées béguinages (ou parfois fermes de béguines), où vivent ces femmes à la fois religieuses et laïques.

Dans chaque pays

En Espagne

Le mouvement des béguines peu développé, se confondit rapidement avec celui des Alumbrados.

En France

Les béguines, appelées filles-Dieu, furent supprimées par Louis XI, et remplacées par des sœurs du tiers-ordre de Saint François, auxquelles le vulgaire appliqua aussi le nom de béguines.

En Allemagne

S'éloignant des campagnes, les béguines étaient actives dans de petites fermes proches des villes et en ville même, dans tous les métiers n'exigeant pas la force (tels que la maçonnerie, la ferronnerie, la charpenterie, ...). Elles copiaient, enseignaient, soignaient ... et priaient beaucoup. En Thuringe, si elles délaissent le filage, elles tissent, teignent et commercent ... Ainsi les archives de la ville d'Erfurt relèvent au moins neuf béguinages actifs du XIIe siècle au XIVe siècle siècle.

Mais bientôt, comme en France, leur succès économique provoque la jalousie des puissantes Corporations, alors que leur mode de vie non-patriarcal éveillait la crainte des Politiques et des Eglises.

En Belgique

Influences

Le mouvement béguinal et celui du Libre-Esprit influenceront la Mystique rhénane et Maître Eckhart, ce dernier ayant probablement connu l'œuvre de Marguerite Porète.

Les béguines aujourd’hui

En 1998, à Tännich, en Thuringe, à 30 km au sud d’Erfurt et de Weimar, s’est créée la ferme de "Lieselotte", béguinage moderne, où des femmes de tous âges et conditions, peuvent vivre en communauté pour s’entraider et échanger leurs expériences et leur pratiques.

Si le premier but est économique, visant l’autonomie par la création d’entreprises dans le domaine manuel, social, gastronomique et/ ou éducatif, ce centre de béguines est également un lieu de retraite et de protection pour des femmes et leurs enfants. Là, elles trouvent les moyens de se ressourcer et se détendre.

Béguines célèbres

Voir aussi

Bibliographie

  • SIMONS Walter, Cities of Ladies: Beguine Communities in the Medieval Low Countries, 1200-1565, Philadelphie: University of Philadelphia Press, 2001.
  • VANDENBROECK Paul, Le jardin clos de l'âme. L'imaginaire des religieuses dans les Pays-Bas du Sud, depuis le 13e siècle, Bruxelles-Gand, 1994.
  • VAN AERSCHOT Suzanne & HEIRMAN Michiel, Les béguinages de Flandre. Un patrimoine mondial, Bruxelles: éditions Racine, 2001.
  • COOMANS Thomas, "Saint-Christophe à Liège: la plus ancienne église médiévale du mouvement béguinal", Bulletin monumental, 164/4, 2006, p. 359-376.
  • DE CANT Geneviève, MAJÉRUS Pascal & VEROUGSTRAETE Christiane, A World of Independent Women: From the 12th Century to the Present Day: the Flemish Beguinages, Riverside: Hervé van Caloen Foundation, 2003.
  • MACDONNELL Ernest W., The Beguines and Beghards in Medieval Culture: With Special Emphasis on the Belgian Scene, New York: Octagon Books, 1969.
  • REICHSTEIN Frank-Michael, Das Beginenwesen in Deutschland, Berlin, 2001.

Liens externes

Sources

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Régine Pernoud, Les Saints au Moyen Âge - La sainteté d’hier est-elle pour aujourd’hui ?, Plon, Paris, 1984, 367 p. , p 170-181

Notes

  1. Régine Pernoud, Les Saints au Moyen Âge - La sainteté d’hier est-elle pour aujourd’hui ?, Plon, Paris, 1984, 367 p. , p 170
  2. a  et b Régine Pernoud, Les Saints au Moyen Âge - La sainteté d’hier est-elle pour aujourd’hui ?, Plon, Paris, 1984, 367 p. , p 176
  3. Régine Pernoud, Les Saints au Moyen Âge - La sainteté d’hier est-elle pour aujourd’hui ?, Plon, Paris, 1984, 367 p.  p 173
  4. Régine Pernoud, Les Saints au Moyen Âge - La sainteté d’hier est-elle pour aujourd’hui ?, Plon, Paris, 1984, 367 p. , p 177
  5. Régine Pernoud, Les Saints au Moyen Âge - La sainteté d’hier est-elle pour aujourd’hui ?, Plon, Paris, 1984, 367 p. , p 178
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