- Extension linéairement disjointe
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En mathématiques, deux sous-extensions d'une extension de corps sont dites linéairement disjointes lorsqu'elles sont linéairement indépendantes en un certain sens. Cela permet de déduire des propriétés sur leur compositum ou leur produit tensoriel.
Sommaire
Définition
On fixe une extension de corps (commutatifs) Ω / K. Deux sous-extensions E,F sont dites linéairement disjointes sur K si toute base (vectorielle) {ei}i de E sur K est libre par rapport à F, c'est-à-dire que si une somme finie
∑ fiei i dans Ω est nulle avec les , alors ces derniers sont tous nuls. Contrairement à l'apparence immédiate, cette condition est symétrique par rapport à E,F.
La linéaire disjoinction implique que , mais la réciproque est en général fausse.
Exemples:
- Dans l'extension , les sous-extensions et sont linéairement disjointes sur .
- Les sous-extensions et où j = e2iπ / 3, ne sont pas linéairement disjointes sur . En effet, la base {1,j21 / 3,(j21 / 3)2} de vérifie la relation linéaire (j21 / 3)2 + (j21 / 3) + 21 / 3.1 = 0 dans avec coefficients dans .
- Si est transcendant sur K, alors E: = K(t) et toute sous-extension algébrique F de Ω sont linéairement disjointes.
DémonstrationSi {fi}i est une base de F sur K et si on a une relation
∑ hifi = 0 i avec des fractions rationnelles à coefficients dans K, on peut multiplier par un polynôme convenable et supposer que les . En écrivant
∑ hifi i comme un polynôme en t avec des coefficients dans F, on voit que les coefficents sont tous nuls (car sinon t serait algébrique sur F, donc algébrique sur K). Maintenant les conditions sur les coefficients impliquent facillement que tous les coefficients des hi sont nuls. Donc tous les hi sont nuls.
Caractérisation
On fixe des sous-extensions E,F comme ci-dessus.
- E,F sont linéairement disjointes sur K si et seulement si l'application canonique qui envoie sur ef est injectif (son image est toujours égale au compositum EF).
- Si l'une des extensions est algébrique, la propriété d'être linéairement disjointe est équivalente à ce que le produit tensoriel d'algèbres est un corps.
- Si E / K est une extension finie, la propriété est équivalente à [EF:F] = [E:K].
- Si E,F sont des extensions finies, la propriété est équivalente à [EF:K] = [E:K][F:K], ce qui est automatiquement vérifié dès que les degrés [E:K],[F:K] sont premiers entre eux.
- Si E est une extension galoisienne de K (et F / K quelconque), la propriété est équivalente à .
DémonstrationOn suppose la condition sur l'intersection vérifiée (l'inverse étant vraie en général). On écrit E = K[θ] et P(T) le polynôme minimal de θ sur K. Si P(T) a un facteur irréductible unitaire , alors car P(T) se décompose complètement dans E. Il suit que . Donc f(T) = P(T) et ce dernier est irréductible sur F. Par conséquent, est un corps.
Une application en géométrie algébrique
Soit X une variété algébrique intègre sur K. Soit Ω une clôture algébrique du corps des fonctions rationnelles K(X) de X, et soit F la fermeture algébrique de K dans Ω. C'est un corps algébriquement clos. Alors X est géométriquement intègre (i.e. la variété XF obtenue par changement de base est intègre) si et seulement si K(X) et F sont linéairement disjointes sur K. Si K est parfait, F est galoisienne (éventuellement infinie) sur K. La caractérisation plus haut s'applique encore, et X est géométriquement intègre si et seulement si (autrement dit, K est algébriquement fermé dans K(X)).
Références bibliographiques
N. Bourbaki: Algèbre, (Chapitre V), Masson, 1981.
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