Césaire Nivière

Césaire Nivière
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Césaire Nivière
Nom de naissance Césaire-Enthelme-Alexis Nivière
Naissance 27 août 1799
Peyzieu, Arbignieu
Département de l'Ain
Décès 1879 (à 80 ans)
Nationalité Drapeau de France France
Profession Agronome

Césaire-Enthelme-Alexis Nivière, le 27 août 1799 à Peyzieu (aujourd'hui sur la commune dArbignieu dans lAin) et mort en 1879, est un agronome français.

Il est connu pour être le fondateur de lÉcole régionale dagriculture de la Saulsaie en Dombes et pour être un précurseur de lenseignement supérieur agronomique en France. Il est également un des pionniers de laménagement des plans deaux et de la réduction des zones marécageuses.

Sommaire

Naissance dun projet

Les étangs « brouilleux » de la Dombes, peu profonds, contiennent des herbes aquatiques (Glyceria fluitans) très prisées des bovins qui nhésitaient pas à brouter le ventre dans cette eau organique et insalubre

Césaire Nivière est à Peyzieu, commune dArbignieu dans lAin. Arrière-petit fis de médecin, fils et petit-fils davocats, il entreprend des études de Droit. Attiré par les choses de la terre, il décide dexploiter la propriété familiale de Peyzieu acquise en 1752 et pour cela de « quitter une position que des études et aussi quelques bonheur avaient commencé à lui faire dans le monde, pour venir lutter avec la petite culture »[1].

« La tristesse, la solitude, la fièvre et la misère, voilà la Dombes »

— M. DubostLa Dombes, 1859

A cette époque la Dombes est une région de grandes exploitations dont le sol imperméable est propice à létablissement détangs poissonneux, source de profit depuis le XVIe siècle. La région attire les immigrés inconscients des risques sanitaires liés en particulier à la présence du paludisme à Plasmodium vivax à côté de diverses fièvres, diarrhées et autres dysenteries[N 1]

« Nous devons nous promettre de faire tout ce qui dépendra de nous pour quil soit mis fin à une industrie qui consiste à nourrir des poissons avec des hommes »

— Le Duc Decazes, ministre de Louis XVIII

Pour réorienter lagriculture locale, lÉtat doit démontrer que le dessèchement des étangs est une opération rentable. A la même époque, Nivière considère comme dépassé lassolement triennal (blé-blé-jachère) ou celui de la Dombes constitué davoine ou blé pendant un an (« lassec ») puis détang pendant deux ans (« lévolage »). Très tôt il rend compte de ses expériences agricoles dans des communications à la Société royale dAgriculture de Lyon. Ses écrits sont novateurs ; il recommande en particulier dabandonner les prairies permanentes et de les remplacer par des prairies artificielles à base de trèfle, luzerne ou ray-grass (1841). Doutant de la véracité des faits relatés, Nivière reçoit au domaine le 7 août 1838 une commission composée de sept membres de la Société qui formule des conclusions très favorables bien que prémonitoires[1] :

« En définitive, Messieurs, nous restons persuadés, quel que soit notre étonnement pour le revenu net de la propriété rurale de M. Nivière, que ce domaine peut passer aujourdhui pour une ferme modèle très remarquable »

Les voyages détude

En 1839 Nivière est chargé dun cours dagriculture à Lyon. La même année, il sollicite lautorisation et le soutien du Comte de Gasparin, alors ministre par intérim de lAgriculture, pour un voyage en Allemagne afin dy étudier les réalisations dans le domaine de la recherche et de lenseignement agronomique. À partir du 16 juillet 1839, au cours dun séjour de deux mois et demi, il visite les principaux Instituts et Écoles dagronomie : Hohenheim dans le Würtemberg, Eldena, Tharandt et Moëglin dans les landes du Brandebourg Albrecht Daniel Thaer avait fait fortune dans la distillation des pommes de terres, lélevage des moutons et la culture des lupins. Avant son retour, il se fait remarquer du roi de Prusse et prend la parole au congrès agricole de Potsdam. Dès lors, il naura de cesse dadapter ce quil a vu lors de ce voyage : suppression totales de la jachère, production densilage, utilisation des betteraves et pommes de terre dans lalimentation animale[1]

Pour parfaire ses connaissances des techniques dassainissement, Nivière se rend en Angleterre en juillet-août 1842 et en mai 1853 il accompagne alors M. Dehansy qui est chargé par le gouvernement dune mission détude sur lassainissement des sols.

Création dune école dagriculture

Mais le projet de Nivière est la création dune grande école dagriculture, véritable école dapplication :

« Il faut créer sur la limite du Pays dEtang, seulement le dessèchement volontaire est possible, non loin de Lyon, cest-à-dire sous les yeux des propriétaires de la Dombes, une Ferme-école dont la mission serait non seulement de donner lexemple dune culture productive sans étangs, mais de former sur le sol des Dombes, et pour les Dombes […], de jeunes fermiers actifs et intelligents… »

Ayant lappui des notables locaux, il obtient une subvention du Conseil général de lAin alors préoccupé par linsalubrité de la région. Le 10 février 1842, Nivière sollicite dans une lettre laide du Gouvernement pour la prise en charge du traitement du directeur, des professeurs et des frais denseignement tandis que lexploitation serait à la charge du propriétaire à linstar de Grand-Jouan ou de Grignon. Par le décret du 2 mars 1842, le ministre de lagriculture et du commerce Laurent Cunin-Gridaine officialise le statut de lInstitut dont Nivière devient le Directeur[1].

LInstitut agricole de la Saulsaie

Institut de La Saulsaie à Montluel

Peu avant, Nivière avait acquis le domaine de la Saulsaie, issu du démembrement du domaine initial de 1100 ha dont 32 étangs, et composé de trois lots principaux représentant 340 ha. Dans le même temps les acheteurs des autres parties du domaine dorigine (760 ha) sengagent à vider leurs étangs. Pourtant lensemble reste insalubre du fait dun périmètre encore trop restreint. Nivière propose alors aux propriétaires des parcelles voisines inondées, de devenir leur fermier en prenant à sa charge les travaux dassainissement et de chaulage. Pour emporter laccord des propriétaires, il propose de fixer le loyer à 4 % de la valeur du foncier, travaux inclus[N 2]. À partir de 1850, les domaines de lÉcole représentent 467 ha dun seul tenant tandis que 1600 ha seront assainis autour de lÉcole. Ces travaux se révèlent efficaces comme en atteste la diminution significative des jours de maladie parmi le personnel de la Saulsaie[1].

Pour entrer à lInstitut il faut être âgé de 17 à 23 ans et avoir de bonnes connaissances en français, arithmétique, géométrie et physique. En 1842, le programme détude sétale sur quatre ans :

  • première année : travail manuel
  • deuxième année : travail avec bœufs et chevaux
  • troisième année : études théoriques
  • quatrième année : direction dune exploitation

Les élèves vivent à linternat, ils portent luniforme de lécole et doivent assister à la messe.

Larrêté du 27 décembre 1844 permet dharmoniser et détoffer les programmes denseignement dans les divers Instituts agricoles, Fermes-écoles et autres établissements denseignement agricole. Par la loi du 3 octobre 1848, la Deuxième République élève lInstitut agricole de la Saulsaie au statut dÉcole régionale dagriculture au même titre que Grignon et Grand-Jouan. LÉtat augmente sa participation. Lavenir semble maintenant assuré[1].

Les années noires

Les tentatives pour installer des productions rémunératrices se soldent toutes par des échecs : fabrication de sucre de betterave, production de lait, élevage de moutons. En 1844, 14 chevaux font tous les jours le trajet entre la Saulsaie et Lyon, sept dentre eux acheminent paille et fourrage vers les relais de poste et casernes, tandis que sept autres ramènent sur lexploitation le fumier acheté aux mêmes adresses. Cette même année les froments versent du fait dune trop grande vigueur. En 1845, larmée prévoit de mettre 200 chevaux de la garnison de Lyon en pension à la Saulsaie mais ce projet ne verra jamais le jour[1].

Inexorablement Nivière, qui assume seul les frais de culture, se ruine alors quavec lavènement du Second Empire lespoir dobtenir de providentielles subventions séloigne. Le 4 février 1853, Monsieur Fontaine, agent comptable de la Saulsaie est démis de ses fonctions et le 17 février le ministre de lIntérieur, de lAgriculture et du Commerce accepte la démission de Nivière. Les terres de la Saulsaie appartenant encore au Directeur sont placées sous séquestre judiciaire et la propriété familiale de Peyzieu doit être vendue. A 54 ans Nivière se retire au domaine de Romanèche chez lun de ses fils[1].

Les causes dun échec

Ouvriers posant des tuyaux de drainage. Les merveilles de la science vol 3, Louis Figuier, 1869

Les rendements céréaliers de cette époque atteignent difficilement 10 à 15 quintaux/ha, ce qui nest guère supérieur à ceux que pouvaient obtenir les Romains, et Nivière naura pas de meilleurs résultats que Mathieu de Dombasle à Roville ou Auguste Bella à Grignon. En réalité on est à la fin dun monde dans lequel les performances de lagriculture autarcique sont limitées : il faudra attendre lutilisation des engrais chimiques à partir de 1880 pour lever ce véritable blocage. Dans ce contexte, la clé de la production céréalière est lutilisation du fumier, ce qui nécessite dentretenir du bétail et donc de disposer de prairies pour le nourrir. Nivière sinscrit complètement dans ce courant de pensée et considère que la meilleure façon de valoriser les étangs asséchés est de les transformer en prairies artificielles. Pourtant il est probable que, dans le contexte régional, cette idée nétait pas des plus pertinente : enrichir en fumier des sols gras et humides nétait pas vraiment nécessaire[1].

Cherchant à comprendre les raisons de son échec, Nivière écrit en 1855 « Quelle cause a produit linsuccès de ces cultures ? Lexcès deau de pluie retenue dans lintérieur de notre sol, et lignorance nous étions encore, avec bien dautres, des merveilleux effets du drainage ». En 1859 dans le journal dagriculture pratique, Nivière écrit « Le fardeau du dessèchement, partagé entre plusieurs, neût été pour chacun quune charge insignifiante, il devait mécraser en portant sur moi tout seul ».

Enfin le coût de la main dœuvre locale savère un sérieux handicap pour Nivière.

« Les salaires, voilà la grande plaie de la Dombes. Leur quotité absolue ou leur part dans la production est beaucoup trop considérableon voit quils absorbent plus de la moitié de la production ou 60 pour cent environ du produit brut »

— M. Dubost, ancien élève de lInstitut agronomique de Versailles - 1859

Lhéritage de Nivière

Le ministre de lAgriculture envoie à la Saulsaie un de ses meilleurs agents, Charles-Victor Pichat mais ce dernier ne parvient pas à redresser financièrement lÉcole. Entre 1862 et 1870, l'État se désengage progressivement en résiliant les différents baux des domaines affermés. Devant lémotion que suscite la fermeture programmée de létablissement, lÉtat prétend le déplacer vers le sud au prétexte que les régions méditerranéennes nont pas dInstitut de formation agricole : cest lacte de fondation de lÉcole nationale supérieure agronomique de Montpellier. Transporté loin de ceux qui le connaissent et le soutienne, lInstitut aurait disparaître rapidement. Cétait sans compter sur Camille Saintpierre, nouveau directeur qui développa rapidement linstitution sur fond de reconstitution du vignoble après la crise phylloxérique, fort du succès de ses brillants collaborateurs « américanistes »[1].

Césaire Nivière engloutit sa fortune personnelle dans son projet, celle de sa femme et de ses neuf enfants ; son dévouement au progrès de la Science agronomique comme sa chute silencieuse ne manquent pas de grandeur. Mais la Saulsaie aura surtout marqué les esprits des agriculteurs, des spécialistes du dessèchement, des professeurs dAgriculture qui en auront retenus toute sorte de leçons dont la première est lintérêt pour la santé humaine de laménagement des plans deau et de la réduction des zones marécageuses[1].

Au milieu du XIXe siècle, Nivière aura montré lintérêt dune école dagriculture de haut niveau consacrée à la mise en valeur des terres humides. En ce sens, même si la postérité ne la pas vraiment retenu, il est bien lun des fondateurs de lenseignement supérieur agronomique en France aux côtés de Mathieu de Dombasle, Auguste Bella, Jules Rieffel ou encore Eugène Tisserand.

Principaux écrits de Césaire Nivière

  • 1839-1860 Conférences agricoles faites à Lyon 1839-1840 et 1860, 200 pages environ. Nivière résume ces conférences dans un ouvrage de 128 pages, publié en 1860 qui est une sorte de cours déconomie agricole appliquée à la Dombes et dans lequel il cherche à démontrer que la suppression des étangs peut-être rentable.
  • 1839-1852 Divers notes dont
    • Droit dentrée sur le bétail étranger, 55 p
    • Choix dun assolement, 63 p
    • Amélioration du sol, 11p
    • De létablissement dune École dagriculture, 32 p
    • Conditions dadmission à la Saulsaie, 17 p, 1842
    • Règlement de la Saulsaie, 19 p, 1843
    • Programme de la Saulsaie, 66 p, 1845
    • Exposé général de lenseignement agricole supérieur et des cultures suivies à la Saulsaie, 29 p, 1852
    • Condition dadmission, 11 p, 1852
  • 1840 Rapport à Monsieur le Ministre de lAgriculture et du Commerce sur un voyage entrepris par ses ordres dans lAllemagne du Nord pour en étudier les cultures et les méthodes denseignement agricole. Accompagné de la brochure publiée en Allemagne sous le titre de « question aux agriculteurs de lAllemagne », 120 p

Articles annexes

Notes et références

Notes

  1. « Un grand étang restait au milieu et une colonie belge, appelée par M. Nivière, a été frappée tout entière. Les belges étaient alors ses principaux instruments de culture, il a donc fallu les suppléer par dautres obtenus avec peine et à grands frais » Puvis, juin 1844
  2. A cette époque les loyers en Dombes sont de 0,5 % du prix dachat soit 30 F pour un hectare dont la valeur est de 6000 F

Références

  1. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j et k Jean Boulaine, Jean-Paul Legros, D'Olivier de Serres à René Dumont, portraits d'Agronomes

Bibliographie

  • (fr) Jean Boulaine et Jean-Paul Legros, D'Olivier de Serres à René Dumont. Portraits d'agronomes, TEC & DOC Lavoisier, 1998 (ISBN 2-7430-0289-1)

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Césaire Nivière de Wikipédia en français (auteurs)

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