- Commerce transsaharien
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Le commerce transsaharien désigne le commerce à travers le Sahara entre les pays méditerranéens et l'Afrique subsaharienne. L'apogée de ce commerce caravanier et chamelier s'est étendue du XIIIe siècle jusqu'à la fin du XVIe siècle.
Sommaire
Les premiers échanges transsahariens
Formé entre le Ve et le IIe millénaire av. J.‑C., le désert du Sahara s'est dressé comme une gigantesque barrière pour les hommes entre le Nord et le Sud du continent africain. Malgré les difficultés pour le traverser, les disparités de ressources entre ces régions aux climats contrastés ont constitué un grand attrait pour le commerce[1]. Le IXe siècle av. J.‑C. voit l'émergence d'un premier commerce transsaharien, activés par les comptoirs phéniciens sur la rive sud de la Méditerranée[2]. Grecs, Phéniciens puis Carthaginois et Romains commercent avec l'Afrique centrale pour obtenir ivoire, plumes d'autruche et esclaves à travers le Sahara[3]. Les Romains profitent d'une piste reliant l'Afrique proconsulaire : de Leptis Magna et Tacapae, elle passe par les oasis du Kaouar pour déboucher sur le lac Tchad. La savane est alors à plus de 2 000 kilomètres de la côte mais la désertification étant moins avancée qu'aujourd'hui, la traversée est plus facile. L'aridité s'accentue à la fin du Ier millénaire av. J.‑C. mais elle est compensée par l'arrivée du dromadaire[4].
Le commerce caravanier
L'ère du chameau
Au Moyen Âge et jusqu'au XIXe siècle, le commerce transsaharien était caravanier et reposait sur l'utilisation du dromadaire. Ainsi, le commerce « transsaharien » est également « caravanier » et « chamelier ». Il relie le « pays des noirs » (Bilal-al-Soudan en arabe) au Maghreb et de là à la Méditerranée et à la mer Rouge[5].
Domestiqué en Arabie aux environs de 2000 av. J.-C., introduit en Afrique depuis au moins le Ve siècle av. J.‑C., le dromadaire n'a été utilisé à grande échelle pour le transport qu'à partir du Ier siècle. Cet usage ouvre pour le Sahara la « période du chameau »[6]. Élevé dans les pâturages du Maghreb ou du Sahel, il était engraissé pendant des mois avant le voyage. Parfaitement adapté au milieu, il permet aux nomades pasteurs, en particulier les Berbères du Nord de l'Afrique, de se spécialiser dans le commerce. Les nomades des régions correspondant à la Mauritanie et au Sahara occidental actuels se spécialisent dans l'élevage de dromadaires pour les caravanes dans lesquelles ils peuvent servir de conducteurs ou de guides.
Le commerce était géré par des communautés souvent familiales mais pour les longs voyages les marchands se groupaient en caravane parfois gigantesques (plusieurs milliers de dromadaires) pour se prémunir des accidents ou des attaques (rezzou) des pillards. Les familles devaient s'organiser en réseau d'information pour connaître les fluctuations de prix d'un bout à l'autre du Sahara. Une caravane faisait l'objet de plusieurs mois de préparation et devait prévoir des pertes, les dromadaires exténués par leurs énormes charges ne faisaient souvent qu'un voyage[7]. Il fallait deux mois de marche pour franchir de 1 500 à 2 000 kilomètres[8].
« L'âge d'or du Sahel »
Les marchandises du commerce caravanier étaient très variées : le Sud fournissait de l'ambre, de la gomme arabique, des peaux ; le Nord des bijoux, du tissu, des dattes et du blé. Mais les principales furent l'or, le sel et les esclaves[9].
Au VIIIe siècle, les Arabes échangent l'or du Ghana contre du sel produit dans le Sahara central[10]. Ce flux commercial est repris au siècle suivant par les Berbères Zénètes et Sanhadja. Des puits sont creusés le long des pistes. Ce fructueux trafic entraîne l'éclosion de cités comme Sijilmassa et Aoudaghost.
Le commerce entraîne la prospérité des transporteurs nomades mais aussi des États du Sud du Sahara : ce que l'historien Bernard Lugan appelle « l'âge d'or du Sahel »[8]. Le premier à émerger est le Ghana à l'issue de la route transsaharienne la plus à l'Ouest. Le commerce transsaharien le pousse à la conquête d'Aoudaghost en 990. Le Mali au XIIIe siècle et l'empire de Gao au XVe siècle lui succèdent. La priorité de ces États est la « défense des carrefours sahariens et le maintien du monopole des transactions entre l'Afrique du Nord et le Sahel »[8]. Au Moyen Âge et jusqu'à sa prise par les Marocains en 1591, Tombouctou est un pôle commercial majeur mais son rôle de carrefour en fait aussi une capitale religieuse et intellectuelle dont le rayonnement suit les pistes du désert[11].
La traite transsaharienne a commencé dès l'antiquité. L'Islam la développe car la religion interdit de réduire les musulmans en esclaves, contrairement aux Africains « infidèles » qui vivent au sud du Sahara. Cette traite suit un axe sud-nord mais aussi ouest-est, depuis la région des Grands Lacs, du bassin du Congo et de la vallée du Zambèze jusqu'au Caire et à Bagdad, plus tard vers Zanzibar. Le royaume du Kanem-Bornou prospère grâce à ce trafic jusqu'au XVIIIe siècle. Du VIIe et XIXe siècles av. J.-C., entre 7 et 8 millions d'esclaves auraient ainsi été vendus[12].
Au XVIe siècle, face à la concurrence des navigateurs européens sur la côte atlantique puis à l'abolition de l'esclavage[13] et de la traite, l'activité décline à l'Ouest entraînant un appauvrissement des caravansérails, oasis et cités caravanières auparavant « brillantes et prospères »[5]. Le trafic caravanier s'oriente alors vers l'Est de la Méditerranée, la mer Rouge et l'océan Indien par Zanzibar, le commerce est encore actif au XIXe siècle et particulièrement florissant dans les années 1860 et 1870[14].
La parenthèse coloniale
Dans la première moitié du XXe siècle, les colonisations européennes réorganisent les flux commerciaux à l'intérieur de leurs empires et tentent de contrôler les déplacements et les nomades, le commerce transsaharien connait une éclipse[15].
Renaissance et continuité après la décolonisation
Depuis les années 60, le commerce transsaharien se poursuit, essentiellement par camion bien que le dromadaire soit encore utilisé[16]. Comme autrefois, « le Sahara est aujourd’hui traversé par quelques grands axes nord-sud » qui mettent en « relation des villes parfois très éloignées, (…) siège des réseaux marchands »[17]. Les marchandises sont alimentaires (dattes, bétail, arachides, etc.) ou manufacturées (appareils électroniques, tissus, cigarettes, etc.). Autre élément de continuité, les commerçants sont pour la plupart d'origine arabe, qu'ils soient d'Algérie, de Libye, du Niger ou du Mali[17]. Certaines familles et tribus spécialisées dans les caravanes au Moyen Âge poursuivent l'activité au début du XXIe siècle. En 1998, la Libye, le Mali, le Niger, le Soudan et le Tchad ont créé la communauté des États sahélo-sahariens dont l'un des principaux objectifs est la facilitation et l'accroissement du commerce transsaharien[18].
Notes et références
- Nantet 2008, p. 83
- Nantet 2008, p. 243
- Nantet 2008, p. 122
- Nantet 2008, p. 143
- Anne Hugon, Vers Tombouctou, Gallimard, 1994, p. 23
- Nantet 2008, p. 88
- Nantet 2008, p. 170
- Lugan 2001, p. 73
- Lugan 2001, p. 72
- Nantet 2008, p. 164
- Lugan 2001, p. 93
- Marcel Dorigny, Atlas des esclavages, Autrement, 2006, pp. 10-11
- 1841 dans la régence de Tunis et 1855 dans celle de Tripoli
- Jean-Louis Miège, « Le commerce transsaharien au XIXe siècle », dans Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, no 32, 1981
- Johnny Egg, Échanges transfrontaliers et intégration régionale en Afrique subsaharienne, Éditions de l'Aube, 1998, p. 92
- Collectif, Le voyage inachevé, éditions Ird, 1998, pp. 255-262
- Migrations et circulations transsahariennes », Université Ouverte de Besançon, 9 mars 2010 [PDF] Emmanuel Grégoire, «
- Qu'est ce que c'est la cen sad ?, CEN-SAD. Consulté le 1er janvier 2011
Annexes
Articles connexes
Bibliographie
- Bernard Nantet, Histoire du Sahara et des Sahariens : Des origines à la fin des grands empires africains, Ibis Press, 2008
- Bernard Lugan, Atlas historique de l'Afrique, Le Rocher, 2001
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