Marguerite-Éléonore Clotilde de Vallon-Chalys de Surville

Marguerite-Éléonore Clotilde de Vallon-Chalys de Surville

Marguerite-Éléonore Clotilde de Vallon-Chalys, dame de Surville (née vers 1405 à Vallon-Pont-d'Arc, morte vers 1498) est une poétesse française. Ses poésies, publiées seulement au début du XIXe siècle (Poésies de Marguerite-Éléonore-Clotilde de Vallon-Chalys, depuis Madame de Surville, poète français du XVe siècle, Paris, Henrichs, 1803) soulevèrent l’enthousiasme avant d’être soupçonnées de supercherie littéraire.

Sommaire

Sa vie

À peine âgée de onze ans, elle traduisit en vers, et avec un talent précoce, une ode de Pétrarque. Les malheurs qui suivirent la démence de Charles VI ayant fait quitter la capitale à un grand nombre de familles, elles vinrent chercher un asile sur les rives du Rhône, de l'Isère et de la Durance, où le Dauphin comptait beaucoup de partisans. Clotilde eut pour compagnes plusieurs Parisiennes, dont l'esprit et le goût contribuèrent positivement à former le sien. En 1421, elle connut et aima Bérenger de Surville, jeune homme de vingt-deux ans, et l'épousa la même année, malgré la perte encore récente de sa mère. À peine marié, Bérenger fut obligé d'aller rejoindre l'armée de Charles VII, alors Dauphin. C'est pendant cette absence que Clotilde composa sa première héroïde, dans laquelle on trouve la violence des feux de Sapho. On prétend que cette pièce ayant été montrée au célèbre Alain Chartier, il dit que l'auteur « n'aurait jamais l'air de la cour ». On ajoute que de ce jugement naquit l'antipathie et le mépris de Clotilde pour le poète royal.

Pendant les sept années de son union avec Bérenger, elle s'occupa de refondre le grand poème qu'elle avait commencé sous le titre de Lygdamir et le fit entrer dans le plan de sa Phélypeïde. Elle entreprit aussi le roman héroïque et pastoral du Chastel d'amour. Ayant perdu son époux au siège d'Orléans, un fils unique, encore en bas âge, lui resta pour la consoler. Tout entière à l'éducation de cet enfant, elle s'occupa de revoir ses premiers ouvrages et de les corriger. On croit même qu'à cette époque elle dut commencer des mémoires qui sont perdus, et dont les premiers livres contenaient l'histoire de l'ancienne poésie française.

Vers 1450, elle maria son fils à Héloïse de Goyon de Vergy, qui mourut en 1468. Ce fils suivit de près son épouse au tombeau, et Clotilde n'eut plus alors de consolation que dans la société de sa petite-fille Camille, qui ne l'abandonna jamais et renonça pour elle au mariage. Camille mourut à quarante-cinq ans, et Clotilde, plus qu'octogénaire, résolut d'aller respirer pour la dernière fois l'air pur du lieu de sa naissance. C'est là qu'elle apprit la nouvelle de la victoire de Fornoue et qu'elle composa son chant royal adressé à Charles VIII. Depuis cette époque, elle n'a plus rien écrit. Clotilde était âgée de plus de 90 ans quand elle mourut. On croit que ce fut à Vesseaux, et qu'on l'y inhuma dans la même tombe qui renfermait les cendres de son fils, d'Héloïse et de Camille.

Le mystère de l'authenticité des œuvres

Le manuscrit des poésies de Clotilde serait alors passé de génération en génération jusqu'aux mains de Joseph Etienne, marquis de Surville, royaliste, fusillé au Puy en octobre 1798. En 1803, un écrivain, qui fit partie plus tard de l'Académie des inscriptions, Charles Vanderbourg publia un volume renfermant, après une longue et curieuse préface, une quarantaine de pièces de vers, inspirées les unes par un sentiment tendre et maternel rempli de grâce et de douceur, les autres par des pensées patriotiques et belliqueuses. L'admiration fut générale, la louange fut unanime ; mais divers critiques autorisés doutèrent de l'authenticité de ces vers charmants. Selon eux, on trouvait dans ces poèmes des idées modernes, des efforts toujours sensibles, parfois malheureux, pour imiter le style du XVe siècle, des similitudes frappantes avec des œuvres modernes.

La mystification fait la quasi unanimité

L'histoire racontée par Vanderbourg de la découverte des manuscrits de Clotilde fut traitée de fable ; on ne vit dans ces compositions que des productions toutes récentes. Des défenseurs s'élevèrent ; Vanderbourg maintint énergiquement ses assertions ; il fut appuyé par un écrivain ingénieux, mais trop ami du paradoxe, Charles Nodier (Questions de littérature légale [1812-1828], éd. critique Genève, Droz, 2003). Mais les savants les plus accrédités se prononcèrent contre l'authenticité de l'œuvre, tout en mêlant parfois à leurs jugements des affirmations erronées dues à ce que la situation vraie des choses ne leur était pas bien connue.

Raynouard (Journal des savants, juillet 1824) mit les poésies de Clotilde de Surville au même rang que celles que Thomas Chatterton avait voulu faire passer comme l'œuvre d'un vieux poète inconnu nommé Bowley ; il ne vit dans ces vers qu'un jeu d'esprit, une fraude habile, et sans rien préciser, il donna à entendre que c'était à Vanderbourg qu'il fallait s'en prendre d'un tort bien excusable, puisqu'il ajoutait des richesses nouvelles à la poésie française.

Quelques années plus tard , Villemain, reprenant cette question dans le cours de littérature qu'il professait (Cours de littérature française, Paris, 1830, t. II, p. 243), signalait le volume publié en 1803 comme une habile supercherie, et il ajoutait : « Le monument est curieux ; mais c'est une petite construction gothique élevée à plaisir par un moderne architecte ». Il attribuait l'ouvrage à Joseph Étienne, marquis de Surville, un descendant de Clotilde. En 1839, le savant et judicieux Dannou, lisant à l'Institut une notice sur Vanderbourg (mort depuis douze ans), discutait les choses et se prononçait pour reconnaître dans l'ancien membre de l'Académie des inscriptions l'auteur des poésies de Clotilde : « les meilleurs morceaux du recueil étaient sortis de sa plume, et personne ne pouvait lui reprocher une fiction à laquelle on devait une lecture agréable et quelquefois profitable ».

Finalement, l'authenticité partielle semble prouvée

À la fin du XIXe siècle, Antonin Macé (Études nouvelles, suivies de documents inédits, Grenoble, Prudhomme, 1870) entreprit de débrouiller ce curieux problème. Il a apporté des éléments nouveaux, ayant entre les mains ce qu'on n'avait pas eu jusqu'alors, une volumineuse correspondance où figuraient vingt et une lettres écrites par Vanderbourg à la veuve de l'infortuné marquis de Surville. Il a établi que Vanderbourg avait été de bonne foi dans toute cette affaire, qu'il n'était l'auteur d'aucune supercherie et qu'il n'avait pas composé une seule des pièces dont il était l'éditeur. Dans la première des lettres adressées à madame de Surville, Vanderbourg dit qu'il a connu le marquis en Allemagne, qu'il a obtenu la communication de quelques-unes des pièces de vers que l'officier émigré lisait parfois comme faisant partie d'un volume de poésies composées par une de ses aïeules ; il offre à madame de Surville d'être l'éditeur de ces poésies ; elle conservera tous les bénéfices que pourra donner cette publication. Madame de Surville ne possédait aucun manuscrit de son mari jusqu'en 1802 lorsque Jeanne-Marie Claudine Jourda de Vaux de Chabanolles lui adressa 3 volumes de poésies, sous le nom de Clotilde, entièrement écrits de la main du marquis. Ce fut en effet à ladite dame de Chabanolles que le marquis avait confié ces manuscrits lorsque celle-ci lui donna asile en son château de Chabanolles à Retournac (Haute-Loire). Madame de Surville les remit alors à Vanderbourg. Celui-ci s'occupa avec activité et intelligence de leur publication ; elle donna lieu à bien des difficultés, qui furent enfin surmontées et dont les lettres de l'éditeur retracent toute l'histoire.

Une des circonstances les plus curieuses de tout ceci, c'est que l'imprimeur Didot, trouvant des passages qui lui semblaient empreints de royalisme, craignit de se compromettre et il fit demander l'approbation du ministre de l'intérieur Chaptal. Celui-ci, n'osant prendre sur lui de trancher la difficulté, en référa au premier consul, Napoléon Bonaparte mais c'était au moment de la rupture de la paix d'Amiens, et le chef de l'Etat avait en tête bien d'autres affaires. Joséphine de Beauharnais intervint, et les poésies parurent sans retranchements. Le succès fut complet mais bien des voix s'élevèrent pour nier l'authenticité de ces vers.

Vanderbourg fut fort piqué de ces critiques. Il ne doutait pas de l'existence de Clotilde de Surville ; mais il admettait cependant que le marquis avait mis du sien dans le recueil qu'il avait laissé à Retournac. il y voyait « un excellent tableau original retouché par des mains habiles ». Macé croit que c'est là en effet le dernier mot de la question. Ses recherches ont démontré combien on se trompait en présentant Vanderbourg comme l'inventeur de Clotilde et il n'a pas écrit un seul des vers publiés sous ce nom. On pourrait penser que le marquis de Surville est l'unique auteur de l'œuvre qui excite tant de débats mais deux arguments puissants s'opposent à cette hypothèse : d'abord la nullité du talent poétique du marquis, trop bien constatée par les essais que conserve sa famille et qui sont au-dessous du médiocre ; ensuite par la lettre qu'il a écrite la veille de sa mort dans laquelle de Surville se préoccupe, avec la plus vive sollicitude, pour l'honneur de sa famille, des « œuvres immortelles » de son aïeule.

D'après Macé, il n'est plus permis de mettre en doute l'existence, au XVe siècle, d'une femme ayant composé des vers inspirés par l'amour maternel, l'affection conjugale et de nobles sentiments patriotiques ; mais on ne saurait prétendre que ces vers nous sont parvenus dans leur originalité, dans leur rudesse primitive. Ils ont été retouchés, embellis, gâtés. De Surville a parfois rajeuni, parfois vieilli. Qu'a-t-il conservé ? qu'a-t-il fait disparaître ? Personne ne saurait le dire. Une lettre, écrite par un de ses amis, de Brazais, qui joua un rôle dans la publication de 1803, dit que le marquis lui avait fait part de son projet d'édition, lui avait demandé de corriger certains morceaux, ajoute que Surville avait prêté à Clotilde de vieux mots insignifiants et lui avait quelquefois donné une élégance trop moderne.

Un second recueil des vers de Clotilde fut publié, en 1826, par Charles Nodier et de Roujoux, sous le titre de Poèsies inédites et la supposition est ici manifeste. Ce ne sont pas seulement des idées modernes qu'on prête à Clotilde, ce sont encore des connaissances parfaitement étrangères au XVe siècle. Dans un poème sur la Nature et l'univers, on voit Clotilde prendre la défense du système astronomique de Copernic (il était à peine né), réfuter Lucrèce (dont l'œuvre ne fut imprimée qu'après l'époque où on fait vivre Clotilde), et, ce qui est plus fort, mentionner les sept satellites de Saturne, qui n'ont été découverts que bien après le XVe siècle. Le volume de 1826 est surtout rempli par des notices de pure imagination sur des femmes poètes qui n'ont pas existé. Cette malencontreuse publication fit le plus grand tort à la cause de Clotilde. Son juste discrédit frappa d'un fâcheux contrecoup le volume de 1803. Malgré les efforts de Macé, on peut dire que le problème n'est pas complètement résolu.

Vanderbourg est définitivement exclu de toute part dans la composition des poésies de Clotilde ; mais l'existence de cette femme en tant qu'auteur littéraire, dont nul écrivain du XVe siècle et du XVIe siècle n'a prononcé le nom, n'est pas encore bien démontrée.

Bibliographie

  • Jean-François Jeandillou, Supercheries littéraires. La vie et l'œuvre des auteurs supposés [1989], Genève, Droz, 2001, p. 45-77.
  • Dr A. Tourette, Quelques mots sur Vals et ses environs
  • Abbé Hippolyte Colly, Retournaguet et la paroisse de ce nom, pages 44 à 51, Le livre d'histoire, Paris 2007 (réédition du titre de 1882).

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