- Courant continu haute tension
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Le courant continu haute tension (CCHT), en anglais High Voltage Direct Current (HVDC), est une technologie d'électronique de puissance utilisé pour le transport de l'électricité en courant continu haute tension. A noter qu'en toute rigueur, les convertisseurs ne peuvent pas être dissociés des équipements connexes, en particulier les transformateurs. De même, les câbles isolés branchés aux convertisseurs présentent des caractéristiques propres à cette technologie.
On parle parfois d'autoroute électrique pour ce principe. Les convertisseurs mis en œuvre dans ces installations représentent probablement le summum de l'électronique de puissance : les puissances unitaires se comptent couramment en gigawatts.
Sommaire
Technologie
Une liaison haute-tension à courant continu est, la plupart du temps, insérée dans un système de transport en courant alternatif. Elle est donc constituée de trois éléments :
- un redresseur,
- une ligne de transport,
- un onduleur.
Généralement, le redresseur et l'onduleur sont symétriques et réversibles (c'est-à-dire qu'ils peuvent échanger leur rôle).
Historiquement, le redresseur et l'onduleur ont d'abord été réalisés avec des ampoules à vapeur de mercure. De nos jours, ils sont majoritairement réalisés avec des thyristors, en remarquant que les IGBT connaissent une popularité grandissante en raison de la grande souplesse d'exploitation qu'ils procurent. En effet, contrairement au thyristor, le transistor peut être commandé en blocage ce qui fait des convertisseurs à transistors des convertisseur autonomes. L'excursion dans les 4 quadrants du plan (P,Q) est possible, alors que pour un convertisseur assisté (c'est le réseau alternatif qui commute les thyristors) en structure dodécaphasée, Q=0,6.P.Usage
Ces systèmes de transport de l'énergie électrique sont utilisés pour trois principales raisons ;
Pour transporter des puissances très importantes sur de longues distances aérienne
Une liaison à courant continu en haute-tension permet de transporter, sur de longues distances, des puissances souvent supérieures à 1 000 MW. Il est dans ce cas technico-économiquement préférable d'utiliser du courant continu plutôt qu'alternatif classique (HVAC).
Le coût élevé de l'électronique de puissance est compensé par deux avantages décisifs :- deux conducteurs sont nécessaires au lieu de trois en tension alternative (voire un seul, si l'on utilise la terre ou l'eau de mer comme deuxième conducteur), ce qui peut compenser le surcoût pour des liaisons longues ;
- au-delà d'une certaine distance, (50 à 100 km environ pour des liaisons souterraines ou sous-marines, 500 à 1 000 km pour les lignes électriques aériennes), l'importance du courant capacitif rend peu intéressant le transport d'électricité en courant alternatif. A noter que ce critère est très souple : il existe des liaisons souterraines ou sous-marines très longues (70 ou 80 km) à des tensions entre 200 et 300 kV en courant alternatif, sans que cela pose de difficulté insurmontable ; les exploitants doivent s'interroger sur le plan de tension, la compensation éventuelle aux extrémités et/ou au milieu, la puissance de court-circuit, le matériel de coupure, etc.
Le courant capacitif résiduel du réseau est caractéristique de la capacité totale à la terre du réseau C0, où C0 est la capacité existant entre une phase du réseau et la terre. IC est le module du courant dans cette capacité lorsque la tension simple du réseau est appliquée à ses bornes. Sa définition est : IC = 3C0ωV
En Chine, l'utilisation de ces liaisons se généralise, notamment pour transporter l'électricité produite à l'intérieur du pays (barrage des Trois-Gorges par exemple), vers les régions côtières, principales zones de consommation du pays. La ligne construite par Siemens de 1400 km devrait avoir fin 2010 une capacité de 5000 MW (record du monde en 2010). Un transformateur CCHT de 800 kV destiné au futur système chinois d'une capacité de 6400 MW (soit l'équivalent de la production de 12 centrales au charbon de taille moyenne transportée sur 2000 km)En 2009, la plus longue liaison HVDC du monde, Cahora Bassa (1 420 km), relie le Mozambique et l'Afrique du Sud.
La réalisation de liaisons souterraines ou sous-marines par câble sur de longues distances (typiquement plus de 50 km) en courant alternatif peut imposer de compenser l'effet capacitif des câbles, faute de quoi la tension de ce câble est mal maîtrisée. À cet effet, on installe dans les liaisons classiques des réactances de compensation à des points intermédiaires (postes électriques) de la liaison. Dans une liaison sous-marine, on ne peut pas envisager un poste électrique à un point intermédiaire (sous la mer). En courant continu, cet effet capacitif n'existe pas, et justifie le recours au courant continu pour ce type de liaison. De futures grandes installations au large pourront ainsi mieux exporter leur courant électrique.
Changement de fréquence
Interconnecter des réseaux électriques non synchrones ou présentant des fréquences différentes (50 Hz ou 60 Hz dans la presque totalité des cas) nécessite un dispositif spécifique, et l'insertion de convertisseurs est la réponse la plus courante. Par exemple, l'Arabie saoudite et le Japon utilisent les deux fréquences.
Le projet d'interconnexion des pays du golfe Persique, majoritairement en 50 Hz, prévoit une liaison HVDC de 1800 MW avec ce pays. C'est aussi le cas de la France et du Royaume-Uni, qui bien que tous deux à 50 Hz, ne sont pas synchrones d'une part, et présentent deux plages légales d'excursion de la fréquence différentes (49,95 à 50,05 en France et 49,8 à 50,2 au Royaume-Uni).
Réglage du flux de puissance
Le troisième intérêt des HVDC est le pilotage du flux de puissance entre deux parties d'un réseau électrique. Les équipements HVDC destinés à cette application ne comportent généralement pas de ligne de transport, et les deux extrémités sont sur le même site : on parle de HVDC tête-bêche (dos-à-dos en traduction mot-à-mot de l'anglais back to back). Dans certains cas ces équipements peuvent être en parallèle avec une liaison alternative.
En fait une grande partie des convertisseurs HT ou THT en service dans le monde sont des installations tête-bêche. Des grands pays, comme la Chine, l'Inde, les États-Unis par exemple, présentent plusieurs « régions électriques » difficilement interconnectables entre elles, bien que synchrones. Dans le passé, la RFA et la RDA étaient reliées électriquement par des convertisseurs.
Le Québec utilise généralement des convertisseurs tête-bêche pour ses interconnexions avec les réseaux voisins de l'État de New York, de la Nouvelle-Angleterre et du Nouveau-Brunswick. La présence de ces interfaces a permis à Hydro-Québec de maintenir le service — à l'exception de cinq centrales hydroélectriques qui étaient directement branchées sur le réseau ontarien — alors que 50 millions de personnes dans les réseaux voisins de l'Ontario et du nord-est des États-Unis étaient privées d'électricité pendant la panne de courant nord-américaine du 14 août 2003. Il en va de même pour la ligne HVDC de 1 480 km qui relie les centrales du projet de la Baie-James au poste Sandy Pond, près de Groton au Massachusetts[1]. Une nouvelle interconnexion back to back de 1 250 MW est présentement en construction au poste Outaouais, situé à la frontière du Québec et l'Ontario. Elle entrera en service au cours de l'année 2010[2].
Installations
Installations existantes
Voir aussi: Liste des installations de HVDC
Installations Nom Puissance (MW) Tension (kV) Distance (km) Commentaire Liaison à courant continu Italie-Corse-Sardaigne 300 200 118+304 câble sous-marin et ligne aérienne IFA 2000 (interconnexion France-Royaume-Uni) 2000 ±270 78 câble sous-marin Itaipu (Brésil) 6300 ±600 785//805 ligne aérienne, changeur de fréquence
le plus puissant du mondeCahora Bassa (Mozambique-Afrique du Sud) 1920 533 1420 ligne aérienne Baltic-Cable (Allemagne-Suède) 600 400 170 Kontek (Allemagne-Danemark) 600 400 170 GK Dürnrohr (Autriche) 600 160 back to back transit de puissance GK Wien-Südost (Autriche) 600 160 back to back transit de puissance GKK Etzenricht (Allemagne) 600 160 back to back transit de puissance Chandrapur (Inde) 1000 205 back to back transit de puissance Radisson (Baie James) - Nicolet - Des Cantons - Sandy Pond (Québec-Massachusetts)[3],[4] 2000 ±450 1480 câble sous-marin et ligne aérienne Poste Châteauguay (Québec) [5],[6] 1000 140 back to back transit de puissance Poste Outaouais (Québec) [7] 1250 175 back to back transit de puissance Fenno-Skan (Suède-Finlande) 500 400 233 câble sous-marin et ligne aérienne NorNed (Norvège-Pays-Bas) 700 ±450 580 câble sous-marin le plus long au monde Cross Sound Cable (États-Unis) 330 ±150 40 câble sous-marin Liaison à courant continu Lyon-Moûtiers (France) 330 ±75 200 utilisé de 1906 à 1936 Projets en cours
De nombreux projets sont en cours de réalisation dont BritNed[8] entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas, des projets en Inde et en Chine.
Le promoteur canadien Transmission Developers International propose la construction du projet Champlain Hudson Power Express, un câble sous-marin d'une capacité de 1000 megawatts qui relierait la région de Montréal à la région métropolitaine de New York. Le câble serait mis en service en 2015[9]. Le projet a été approuvé par la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) et est présentement en instance devant la commission des services publics de l'État de New York.
Projets futurs
- RTE et Terna ont un annoncé un projet de liaison à courant continu entre la France et l'Italie, qui passerait par la galerie de service du Tunnel du Fréjus[10]
- La nouvelle liaison entre la France et l'Espagne devrait se réaliser par câbles souterrains à courant continu[11].
- le projet DESERTEC de la Trans-Mediterranean Renewable Energy Cooperation implique plusieurs liaisons HVDC pour transporter l'électricité produite dans le désert dans plusieurs pays africains et jusqu'en Europe.
Notes et références
- (en) U.S.-Canada Power System Outage Task Force, Final Report on the August 14, 2003 Blackout in the United States and Canada: Causes and Recommendations, Washington/Ottawa, avril 2004 [lire en ligne], p. 102
- Hydro-Québec, « Poste de l’Outaouais à 315-230 kV. Déroulement des travaux », juin 2007. Consulté le 20 mars 2009
- Assemblée nationale - Rapport sur l'apport de nouvelles technologies dans l'enfouissement des lignes électriques à haute et très haute tension
- The HVDC Transmission Québec - New England ». Consulté le 9 mai 2009 The ABB Group, «
- Poste Châteauguay (1984) ». Consulté le 8 mai 2009 Siemens, «
- Châteauguay back-to-back upgrade ». Consulté le 9 mai 2009 The ABB Group, «
- Outaouais back-to-back ». Consulté le 9 mai 2009 The ABB Group, «
- documentation de présentation de BritNed
- (en) Transmission Developers International, « Project Details » sur Champlain Hudson Power Express, 2010. Consulté le 2010-08-02
- Communiqué de presse commun de RTE et TERNA du 30 novembre 2007
- décret du 23 octobre 2008
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (en) Un article sur les avantages des HVDC en termes de stabilité des réseaux
- (en) Rice University - HVDC Transmission:Part of the Energy Solution?[ppt] (Peter Hartley, mai 2003)
- « LIAISONS à COURANT CONTINU : Pièces maîtresses des réseaux de demain » (évoquant notamment les systèmes VSC (Voltage Source Converter). Par Norman MacLeod, AREVA, pour le Club Systèmes électriques, PES 18 Mai 2010 ; PowerPoint 28 diapositives.
- (en) - Solutions HVDC d'Alstom
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