Bâtiment d'archives

Bâtiment d'archives

Un bâtiment d'archives est un édifice dédié à la conservation et à la consultation de fonds et de documents d'archives. De la structure, des matériaux et des équipements dun bâtiment darchives dépendent les bonnes conditions de conservation des documents darchives. Les bâtiments darchives font donc lobjet de normes très précises. Mais selon le Conseil international des archives, les bâtiments darchives, comme toute œuvre, répondent à des problèmes liés à larchitecture, à lesthétique, à lémotion, à lenvironnement et à la construction[1] ».

Sommaire

Statuts et droit

Une structure adaptée aux contraintes

Les principales fonctions dun bâtiment darchives sorganisent autour de principes que l'on trouve déjà définis par Philippe le Bel lorsqu'il confie à Pierre dÉtampes la garde de ses archives en 1309 : « quil voit, examine, mette en ordre et range dans les armoires les lettres, chartes et privilèges, afin de les conserver le mieux possible pour quils soient le plus sûrement et le plus facilement utilisables lorsquil sera nécessaire. Et quil fasse tout ce quil faut pour les conserver sûrement et les retrouver rapidement [2] ».

Les bâtiments dun service darchives doivent répondre à une triple mission : la conservation physique des documents, leur communication au public et leur mise en valeur scientifique et culturelle. Plus précisément, le service doit pouvoir assurer la réception, le traitement éventuel, le tri, le conditionnement, linventaire, la communication, la reproduction et la restauration des documents quil a la charge de conserver.

Lensemble des locaux et des équipements permettent de mener à bien ces missions. Les bâtiments respectent ainsi une séparation structurelle entre trois types despaces :

  • les locaux de traitement et de conservation des documents : magasins, quai de déchargement, salle de dépoussiérage et de désinfection, salle de tri, salle de classement, salle de conditionnement, locaux de déchiquetage, ateliers de microfilmage ou de numérisation, ateliers de restauration.
  • les locaux réservés au personnel : bureaux, salles de réunion, salle informatique, locaux sociaux (éventuellement salle de restauration, salle de repos) et sanitaires.
  • les locaux ouverts au public : hall dentrée, vestiaires, salle de lecture, salles dexposition ou de conférence et sanitaires.

Un bâtiment darchives comporte également des parkings, parfois des espaces verts et éventuellement des logements de fonction.

Le seul lieu le public, le personnel et les documents sont réunis est la salle de lecture. En-dehors de cette salle, en aucun cas, la circulation du public ne doit recouper celle des documents ou du personnel. Cette règle nécessite de sécuriser les accès des bâtiments et dy prévoir des doubles circulations.

Malgré ces contraintes importantes, les bâtiments darchives adoptent une typologie très variée selon quil sagit de bâtiments conçus à cet effetet présentant ainsi toute les caractéristiques techniques obligatoires, ou quil sagit de bâtiments réinvestis et qui ont fait lobjet daménagements pour répondre à ces mêmes caractéristiques.

Des normes de construction

Les bâtiments darchives, quelle que soit leur architecture, font lobjet de normes très précises. Leur élaboration est régulièrement lobjet de nouvelles réflexions, menée par des organismes internationaux parmi lesquels on peut citer la Fédération Internationale des Associations de Bibliothécaires et des Bibliothèques (IFLA) et le Conseil international des archives (ICA). Au milieu du XXe siècle, pendant près de trois décennies, lensemble de ces organismes a élaboré des normes climatiques universelles. Basées sur des expériences pragmatiques, ces normes sont adaptées, depuis les années 1990, aux lieux, aux climats et à lensemble des conditions locales. Ainsi, au sein de l'ICA, deux comités travaillent en parallèle sur les questions de conservation préventive dans les pays tempérés (ICA/CPTE) ou dans les pays tropicaux (ICA/CPTR).

Dune manière générale, les bâtiments darchives doivent être sains et propres (absence de germes, champignons, poussière), protégés de lhumidité et de la chaleur par une aération correcte, si possible à labri de la lumière directe du soleil et sécurisés et fermés à clefs. Les normes de conservation imposent également des mesures contre lincendie ou linondation, ou garantissant la sécurité des personnes.

Lensemble des normes de conservation est édités dans la norme ISO 11799 « Prescriptions pour le stockage des documents darchives et de bibliothèques ». La première contrainte concerne le choix du terrain. Un site accueillant un service darchives doit être aisément accessible, sain, sec, non inondable, non exposé aux risques de glissement de terrain, éloigné de tout voisinage dangereux (comme un site classé seveso ou susceptible de devenir un objectif stratégique en cas de conflit).

La superficie du terrain doit également permettre une extension future du bâtiment équivalent au moins à son doublement (au minimum 3000m²).

La structure recommandée pour les bâtiments modernes est un plancher et des poteaux en bétons sans système autoporteur. En France, les structures métalliques autoporteuses, longtemps fréquemment adoptées, comme encore aux Archives départementales du Var en 1972, sont interdites pour les constructions de plus de trois étages depuis la catastrophe du collège Édouard-Pailleron en 1974. La dangerosité de ces structures sest encore récemment démontrée lors de leffondrement en mars 2009 des archives municipales de Cologne en Allemagne[3].

Les liaisons verticales entre les différents niveaux doivent être assurées au minimum par un monte-charge, un escalier de service et un escalier de secours.

Il existe enfin plusieurs recommandations propres à chaque type de risque auxquels sont exposés les locaux darchives : la lutte contre lincendie (planchers et portes coupe-feu, détecteurs et alarmes), contre les dégâts des eaux, contre le vol et leffraction (accès sécurisés par badges), contre les insectes et les rongeurs, contre la poussière.

Pourtant, aucun bâtiment nest à labri des sinistres, depuis lincendie de la bibliothèque dAlexandrie en 640 jusquau séisme de 2010 à Haïti. Pour venir en aide aux institutions culturelles victimes des catastrophe naturelles ou des conflits armés, le Comité international du Bouclier bleu (CIBB), depuis mars 1996, élabore des plans de prévention des risques ou fait intervenir des équipes durgence sur les lieux des sinistres afin de sauvegarder le patrimoine.

Des normes de conservation

La réflexion sur les conditions de conservation sest souvent faite de façon empirique. Dans les faits, il ny a pas réellement de normes de conservation en France avant les années 1970. Toutefois, le souci de la conservation nest pas nouveau : aux Archives nationales à Paris, les « grands dépôts » construits sous Napoléon III, rue des Quatre-Fils, ont été construits en pierre avec des gaines daérations dans lépaisseur des murs afin de lutter contre lhumidité ; pour garantir lincombustibilité du bâtiment, les planchers et les combes ont été édifiées en fer et lensemble du bâtiment est entouré de trottoirs en granite. C'est encore aujourd'hui l'un des dépôts dont l'hygrométrie est la plus stable dans l'ensemble des bâtiments parisiens des Archives nationales.

Les magasins des Archives régionales de l'Université Charles-Sturt en Australie.

Les normes de conservation concernent en premier lieu les magasins sont stockés les documents d'archives. Ils doivent être sains, maintenus dans certaines conditions climatiques et également aveugles, car la lumière provoque des dégradations sur les documents. De même, la qualité des matériaux de construction doit être contrôlée : la teneur en eau du béton, par exemple, sans procédure de séchage appropriée, peut provoquer des problèmes dhumidité.

Pour garantir l'inertie thermique des bâtiments, on peut faire le choix de la climatisation mais un entretien souvent coûteux, sans compter les dangers que représentent les pannes pour la conservation, pousse de plus en plus, dans les constructions récentes, à adopter le concept de la « double-peau », comme aux Archives municipales de Lyon (en 2001) ou aux Archives départementales des Yvelines (en 2004). Il sagit de construire le bâtiment avec une double paroi créant un vide sanitaire qui permet de maintenir linertie thermique et hygrométrique des espaces. Dès lors, un système de soufflerie permet de renouveler lair à lintérieur des bâtiments.

En France, peu de services ont adopté la conservation en magasins souterrains : construits en sous-sols, ils sont certes à labri de la lumière, mais trop souvent soumis aux infiltrations. Les Archives départementales dEure-et-Loir ont fait ce choix dans un bâtiment neuf inauguré en 2006. La plupart du temps, le choix de magasins souterrains est dicté par linstallation des services dans un bâtiment ancien réadapté aux besoins de la conservation des archives. Cest le cas notamment des bâtiments des Archives nationales à Fontainebleau édifiés sur un ancien quartier général de lOTAN, du Centre national du microfilm et de la numérisation installé au château dEspeyran, des Archives départementales de la Somme dans un ancien couvent, celles de lEssonne dans un château ou encore les Archives municipales de Toulouse installées dans un ancien réservoir deau.

En principe, pour éviter les dégâts des eaux, toute canalisation est interdite dans les magasins : si elles ne peuvent être évitées pour des raisons techniques impérieuses, toutes les précautions doivent être prises pour éviter les dommages aux collections.

La superficie des magasins est calculée en mètres linéaires (ml: selon les prescriptions du Service interministériel des archives de France qui adapte en France les normes internationales, un magasin peut accueillir jusqu'à 1150ml de rayonnages fixes ou 2100ml en rayonnages mobiles. La taille d'un magasin ne peut ainsi dépasser 200m², avec une résistance au sol allant de 850kg à 1450kg par m² selon qu'il s'agit de rayonnages fixes ou mobiles.

Afin de diminuer les risques d'incendie ou d'infestation, les rayonnages doivent être en métal. Leur hauteur maximale est fixée à 2,20m, ce qui impose une hauteur sous plafond, pour les bâtiments neufs, de 2,50m afin de garantir la circulation d'air. Les rayonnages ne doivent pas non plus être appuyés contre le mur, ce qui permet de lutter contre l'humidité, la chaleur ou la montée éventuelle de termites.

Pour éviter que les rayonnages ne fléchissent ou se déforment, la longueur maximale des épis est de 10m, la largeur des tablettes étant adaptée à la nature des documents. Les allées, enfin, doivent permettre le passage et la manœuvre des chariots et mesurent entre 0,80m et 1,20m selon qu'il s'agit d'allées principales ou de circulation entre les épis.

Les différents locaux

Les bâtiments des services publics d'archives sont divisés en plusieurs zones : les locaux de traitement et de conservation des documents, les locaux réservés au personnel et les locaux ouverts au public.

Les locaux de conservation des documents reflètent le circuit des documents lorsqu'ils sont déposés dans un service d'archives. Tous les documents provenant de l'extérieur doivent, après leur arrivée au quai de déchargement, séjourner en local de désinfection afin de détecter les documents infectés ou procéder à un nettoyage et un dépoussiérage. Selon leur importance et leur état de classement, les fonds passent en salle de tri les documents sont classés, mis en conditionnement et cotés. Après le classement, les documents devant être éliminés sont envoyés dans les locaux de destruction. La destruction des documents d'archives, une fois autorisée par le chef de service, a lieu soit par déchiquetage sur place, soit par traitement par un prestataire spécialisé. Les locaux des services publics d'archives accueillent également des ateliers techniques : salles de microfilmage, de photographie ou de numérisation, salles de restauration ou de reliure des documents.

Les locaux réservés au personnel comptent, outre les bureaux et salles de réunion, des cafétérias, salle de restauration ou de repos. Les locaux réservés au public regroupent le hall d'accueil, les espaces d'exposition et d'action éducative, parfois un auditorium, les vestiaires et les sanitaires. La salle de lecture, se consulte l'ensemble des fonds (archives et bibliothèque), fait généralement l'objet d'un règlement spécial et de dispositifs permettant de lutter contre le vol.

Les tiers-archiveurs

Il existe également des entreprises qui proposent des prestations en matière de conservation, voire de gestion, des archives. En France, ces professionnels de larchivage, lorsquils sont choisis pour conserver les archives de certaines administrations (ce que le code du patrimoine autorise sous certaines conditions), font lobjet dinspections réalisées par le Service interministériel des archives de France. Ils doivent ainsi respecter les mêmes normes et sont soumis à la même réglementation que les bâtiments des services publics darchives.

Histoire

Dans l'Antiquité

Les documents darchives, parce quils sont également des documents juridiques, ont été conservés précieusement. Dans lAntiquité, les temples ou les palais des rois sont les lieux privilégiés de conservation des archives, car ce sont aussi les lieux sexerce le pouvoir. Cest le cas dans les temples égyptiens, le temple de Jérusalem ou le palais dAssurbanipal à Ninive. Les cités de la Grèce antique conservent également les archives de leurs magistratures dans des temples, comme à Delphes par exemple. Athènes est toutefois la première cité à instituer, vers 360 avant J.-C., un véritable dépôt darchives centrales de lÉtat au Métrôon, dans le temple de Cybèle. Ces archives, accessibles à tous, avaient valeur dauthenticité.

A Rome, à partir de la fin du IVe siècle, les archives de la République sont conservées avec le trésor installé par le Sénat dans lÆrarium au sein du temple de Saturne. En 78 avant J.-C., un local spécifique leur est attribué sur le Capitole. Ce dépôt, le Tabularium, est toutefois loin dêtre unique. En 70, lincendie du Capitole détruisit les archives diplomatiques et lempereur Vespasien dut faire reconstituer près de 3 000 tablettes de bronze.

Dans lEmpire romain, la plupart des cités des provinces possèdent leurs propres dépôts darchives. Mais il faut attendre lempereur Justinien (527-565) pour voir se mettre en place un réseau systématique et un enrichissement régulier de ces dépôts. Ceux dÉgypte, notamment, sont les mieux organisés. Les documents impériaux encore conservés aujourdhui sont souvent issus de ces dépôts réorganisés sous le règne de Justinien.

Au Moyen Âge et à l'époque moderne

Au Moyen Âge, les archives sont ambulantes : les rois et les seigneurs transportent leurs archives lorsquils se déplacent. Cest en partie pour cette raison quil ne reste rien des archives des rois barbares dEurope. Les capitulaires carolingiens, par exemple, ne sont connus que par des compilations ; aucun original nen est conservé. Cependant, avant le XIe siècle, la civilisation médiévale fit peu de part à lécrit, ce qui peut aussi expliquer le faible nombre darchives conservées.

En réalité, avant le XIIe siècle, les seules épaves darchives sont ecclésiastiques. Lécriture est une activité importante des moines. La règle de saint Benoît, établie au VIe siècle, fait notamment une place à larchivistique dans lactivité monastique. Les archives de labbaye de Cluny, par exemple, existent probablement dès la fin du Xe siècle, même si la première mention explicite date de 1375. Dès le début du XVe siècle, les archives de Cluny sont installées dans lune des deux tours du portail de lavant-nef, celle du sud, appelée la turris privilegiorum (la « tour des privilèges » ou « tour des archives »). A lépoque, léglise abbatiale est la plus grande de toute lEurope chrétienne ; cet emplacement est donc tout à fait symbolique.

Pour les municipalités également, la conservation des archives est un enjeu important car ces dernières constituent la preuve des droits et des privilèges de la communauté. Souvent, les documents peuvent être laissés à la garde dun consul ou dun échevin. Enfermées dans un coffre, elles peuvent également être conservées dans une salle de la maison commune ou une chapelle de léglise paroissiale. Aux XIVe et XVe siècles, cest le cas à Lyon, les archives municipales sont dissimulées dans un pilier de la chapelle Saint-Jacquême de léglise Saint-Nizier ; cette chapelle, aujourd'hui détruite, accueillaient également les assemblées du conseil municipal. De la même manière, les archives de la ville de Nice sont conservées, dès 1204, dans la cathédrale Saint-Marie sur la colline du château de Nice. Saisies par le duc de Savoie en 1436 lors de la rébellion de la ville, elles sont ensuite déménagées dès 1438 au palais communal.

En France, les archives de lÉtat cessent dêtre itinérantes après la défaite de Philippe Auguste en 1194 à Fréteval : venu avec son trésor sur le champ de bataille, le roi perd également lensemble de ses archives. Elles sont reconstituées par les scribes de la Chancellerie royale et les nouveaux registres sont désormais conservés au Louvre, qui constitue le premier dépôt darchives de lÉtat en France. Sous saint Louis, le trésor des chartes est déplacé dans la salle haute de la sacristie de la Sainte-Chapelle.

Pour autant, le maître-mot de la conservation des archives en France est celui de « décentralisation » : alors que les correspondances des souverains sont conservées dans les chartriers, les différents organes de gouvernement conservent eux-mêmes leurs propres archives, pour des raisons de commodité. Jusquau XVIIIe siècle, les offices nont pas toujours dattribution précise et les officiers mélangent facilement archives publiques et correspondances personnelles. Dès lors, les archives sont en général transmises à leurs héritiers (et non à leurs successeurs). Il faut attendre 1688, date de la création du dépôt des archives de la Guerre par le marquis de Louvois, secrétaire dÉtat de Louis XIV, pour voir un début de constitution par lÉtat darchives gouvernementales centralisées en France. Ce nest que pendant la Révolution, avec la loi du 7 messidor an II, que sorganisent les archives nationales.

Le château de Simancas, accueillant les archives de la couronne de Castille

Dans le reste de lEurope pourtant, la centralisation des archives de lÉtat est déjà ancienne. La Castille, en effet, possède un dépôt unique dès 1545 sous le règne de Charles Quint : les Archives générales de Simancas (AGS) sont les premières archives officielles de la Couronne. Elles sont installées dans un château fortifié de seconde moitié du XVe siècle, à quelques kilomètres de Valladolid, mis en travaux par l'architecte Juan de Herrera pour accueillir les archives. Elles y demeurent encore aujourdhui. Les papiers de la couronne britannique sont conservés, à partir de 1578, au sein du State Paper Office. En 1618, et jusquen 1759, les archives sont conservées à la fois au palais de Whitehall, à Holbein Gate, et dans plusieurs maisons du voisinage. Quant au Vatican, il installe à Rome les Archivium secretum Vaticanum en 1611.

Du XIXe siècle aux années 1960

Que les dépôts soient centralisés ou non, dans la plupart des États européens, les archives sont, dans un premier temps, conservées dans des bâtiments qui nétaient, à lorigine, pas prévus pour cet usage.

En Espagne, les archives générales de la Couronne de Castille sont installées en 1561, très peu de temps après leur création, au château de Simancas, près de Valladolid. Ce château avait été choisi pour sa position stratégique et centrale dans la péninsule ibérique. Pour autant, cette position de lancienne forteresse médiévale a pu constituer un danger pour la conservation des archives, car elle fut un enjeu militaire lors des conflits de la guerre dindépendance espagnole en 1808 et 1814. En 1844, sont créées les Archives générales de l'administration à Alcalá de Henares. Puis, un autre dépôt des archives espagnoles est dabord installé dans un bâtiment réadapté. Il sagit des Archives historiques nationales, créée à Madrid en 1866, déposées à lAcadémie royale dhistoire.

Les Archives nationales de France, façade de l'hôtel de Soubise

En France, les Archives Nationales sont créées par décret révolutionnaire du 7 août 1790. Pendant près de vingt ans, elles restent installées dans plusieurs dépôtson en compte jusquà 12 en 1794parmi lesquels figurent le Louvre, les dépôts de la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie ou des Grands Augustins, la Sainte-Chapelle, le palais de Justice et le domicile de divers particuliers. En 1808, lhôtel de Soubise, dans le Marais, est racheté spécifiquement pour y installer les Archives nationales en un seul dépôt. Des bâtiments précaires restent installés dans la cour jusquen 1846.

Ces réinstallations savèrent souvent peu satisfaisantes. En France, le premier projet de bâtiment neuf consacré aux archives nationales date de Napoléon Ier. Lempereur, à chaque campagne européenne, fait venir à Paris les archives : de Vienne arrivent 3 139 caisses de documents, dEspagne 30 voitures, dAllemagne 35 000 cartons, du Piémont, de Florence, Sienne, Pise, Parme, Plaisance ou Rome près de 450 voitures transportant 12 147 caisses et lensemble des collections de monnaies du Vatican. Lhôtel de Soubise est rapidement trop petit. Un grand projet de construction est adopté en mars 1812. Limmense « Palais des archives », comportant près de 100 000 m3 despace de conservation, doit sinstaller sur lîle aux Cygnes, près des quais de Seine entre Invalides et Iéna. Il est prévu de construire le bâtiment en pierre et en fer, matériaux ignifuges. La première pierre est posée en août mais les revers militaires de lempereur empêchent la construction. Le projet de Napoléon est définitivement abandonné en février 1815. Les Archives nationales de France restent dans le quartier du Marais. Quant aux archives des royaumes, elles seront peu à peu restituées à leurs pays dorigine.

Les grands dépôts des Archives nationales de France.

Pour la construction de magasins spécifiquement conçus pour la conservation darchives, il faut attendre la décision de Louis-Philippe, en 1848, de faire édifier un nouveau bâtiment, rue des Quatre-Fils. Ce sont les fameux grands dépôts de Napoléon III, construits en pierre, fer et granite.

En Angleterre, la construction de bâtiments darchives neufs saccélère également dans la seconde moitié du XIXe siècle. En 1759, Holbein Gate était dans un tel état de délabrement quil a fallu la démolir et déménager les archives à la Tour de Londres, à labbaye de Westminster ou dans une maison de Scotland Yard, elle-même tout à fait ruinée dès les années 1820. Dès lors, la décision est prise de concevoir le premier bâtiment entièrement dédié à la conservation darchives du pays. Ladoption du Public Record Office Act, en 1838, accélère les choses et le déménagement dans un bâtiment neuf est dès lors programmé. La réalisation de ce nouvel édifice, construit sur Duke Street, dans le quartier de Mayfair, entre 1851 et 1858 est confiée à larchitecte victorien James Pennethorne. Une seconde phase de travaux entre 1895 et 1902 permet son agrandissement.

En Espagne également, les Archives historiques nationales quittent en 1896 les locaux de lAcadémie royale dhistoire pour être transférées dans un bâtiment neuf qui leur est propre, le Palais des Bibliothèques et Musées, aujourdhui siège de la bibliothèque nationale dEspagne.

Dans lensemble des pays dEurope, la réinstallation de services darchives dans des bâtiments anciens non prévu à cet effet correspondait, au début du XIXe siècle à une situation générale commune à lensemble des institutions : il fallait sinstaller il y avait de la place. Les premières décennies du XIXe siècle européen, cependant, sont également celles de lémergence de la notion de patrimoine : la mise en œuvre de procédure de sauvegarde, quil sagisse de patrimoine artistique, monumental ou documentaire, est de plus en plus fréquente. Cest aussi lépoque la profession darchiviste sorganise : en France, lÉcole nationale des Chartes est créée en 1821 ; en Angleterre, le Public Record Office Act de 1838 réorganise en profondeur les procédures professionnelles et lorganisation des archives nationales. Et cest justement à cette période que lon commence à prendre en compte les besoins spécifiques de la conservation de documents darchives.

Parallèlement, sorganise également laccès à ces documents qui ont une forte valeur historique. Peu à peu, les archives souvrent au public et les bâtiments, dabord conçus pour la conservation des documents, accueillent de nouveaux locaux. En Angleterre, les premières salles de lecture sont ouvertes en 1866, même si laccès aux documents est fortement encadré. En France, bien quune salle soit accessible aux chercheurs dès 1847, la première véritable salle de lecture des Archives Nationales est construite en 1902. Elle comporte 52 places.

Les bâtiments darchives au jusquà la fin des années 1960 : lexemple français

Le bâtiment « Archives I » du NARA, à Washington

Au XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle, outre les grands bâtiments nationaux qui peuvent être des constructions neuvescest notamment le cas de « Archives I », le premier bâtiment des archives nationales des États-Unis, construit en 1935 à Washington ou du centre des Archives Historiques Nationales de Madrid déménagé en 1953 –, la majorité des dépôts darchives sont simplement installés dans des locaux préexistants, aménagés pour loccasion.

En France, le mouvement commence dès la Révolution. Le réseau des archives départementales est créé par la loi du 5 brumaire an V (1796). La nationalisation des biens de lÉglise et les saisies révolutionnaires libèrent nombre de locaux : les Archives départementales de Maine-et-Loire sinstallent ainsi dès 1796 dans lancienne abbaye Saint-Aubin dAngers. Au cours du siècle, de nombreux dépôts sont de la même manière organisés dans danciens bâtiments religieux : les Archives départementales de lHérault dans une ancienne chapelle de Récollets, celles du Lot dans un ancien couvent de Capucins, celles de la Corrèze dans les combles de lancienne église du couvent des Feuillants qui accueille la préfecture de Tulle dès 1790, celles de la Sarthe successivement à labbaye de la Couture (en 1838) puis à labbaye Saint-Vincent (en 1911), au Mans. Le premier dépôt des Archives de la Haute-Marne reste quelques années dans un ancien couvent des Ursulines à Chaumont puis dans une dépendance dun couvent de Carmélites. Les Archives départementales du Puy-de-Dôme sont restées dans une chapelle des Cordeliers de Clermont-Ferrand jusquen 1990. En 1818, les Archives départementales de la Gironde, qui occupaient des locaux de la préfecture, elle-même ancien palais épiscopal, sont déménagées dans un ancien couvent de Carmes à Bordeaux. Les Archives du Loiret,longtemps logées à la préfecture du département, sont déménagées en 1913 au petit séminaire Sainte-Croix dans un ancien couvent de Minimes, récupéré en 1905 après la loi de séparation de lÉglise et de lÉtat. Les Archives départementales d'Eure-et-Loir profitent également de locaux laissés vacants par la loi de 1905 et prennent place, en 1935, au Grand Séminaire de Chartres. En 1959 encore, les Archives départementales de la Dordogne sont installées dans un ancien collège de Jésuites. Sans compter les Archives départementales du Vaucluse, encore aujourd'hui hébergées au Palais des papes d'Avignon.

Dautres services sont aménagés dans des locaux administratifs qui ont perdus ou sont détournés de leur utilité dorigine. Au XIXe siècle, les Archives municipales de Douai sont installées dans une salle de lHôtel de Ville, équipée, selon les goûts de lépoque, détagères en bois et de hautes échelles ; elles y restent jusquen 1999. Les Archives départementales du Tarn-et-Garonne sont dans une ancienne école normale de garçons de Montauban. Celles de la Seine-et-Oise (aujourdhui département des Yvelines) restent dans la grande écurie du Roy à Versailles jusquen 1960. Les archives de lEssonne sont installées dans les communs dun ancien château du XVIIe siècle dont les façades sont classées monuments historiques.

En réalité, jusquen 1950, les bâtiments neufs sont lexception en France. Il y a très peu de constructions au XIXe siècle. Ainsi, les Archives départementales de la Seine-Maritime sont réunies en un seul dépôt dans un local acquis par la préfecture en 1825. Dans lEure, un édifice spécifique est construit en 1859. Dans le Calvados, les archives, dabord installées dans lancienne abbaye aux Hommes à Caen, sont transférées en 1877 dans un bâtiment neuf édifié à cet effet près de la préfecture. Installée depuis près de cent ans dans les bâtiments du parlement de Bretagne, les Archives départementales de Rennes déménagent à lhôtel Saint-Melaine en 1885. La plus importante construction reste toutefois, à Bordeaux, celle de lhôtel des Archives de la Gironde, avec près de 5kml de rayonnages, inauguré en 1866, une salle de lecture ouvre dès 1877.

Entre 1918 et 1939, à peine une douzaine de dépôts darchives ont été élevés, pour la plupart sur un plan étriqué. Cest le cas notamment des Archives départementales du Pas-de-Calais, installées dans un nouveau bâtiment construit à Arras en 1924, après la destruction par les bombardements de 1914 du palais Saint-Vaast qui les accueillaient alors. Les Archives départementales de lAude sont construites pendant la seconde guerre mondiale. Parallèlement, on continue de réhabiliter danciens bâtiments pour y installer les archives : en 1936 encore, les Archives départementales de la Sarthe sont déménagées dans une ancienne prison militaire du Mans.

Après la guerre, le réseau des archives français se porte mal. Dune manière générale, les dépôts sont trop étroits, souvent mal conçus. De plus, beaucoup de bâtiments ont été détruits, à linstar des Archives départementales de la Manche : conçu en 1845, lédifice de Saint- est détruit par un bombardement en 1944. Dès lors, les archives sont transportées de dépôts en dépôts, de lécole normale de jeunes filles de Coutances (1944-1953) aux sous-sols de la préfecture (1953-1964). Le dépôt des Archives départementales du Loiret, lancien couvent des Minimes dOrléans, est lui aussi entièrement brûlé après des bombardements en 1840.

Dans le contexte de laprès-guerre, larrivée de Charles Braibant à la tête des Archives de France en 1948 signale un renouveau dans la politique architecturale des bâtiments de conservation darchives. Pendant les onze ans que dure sa direction jusquen 1959, et encore sous la direction de son successeur, André Chamson, qui reste à la tête des Archives de France jusquen 1971, la France investit massivement dans la construction de locaux de conservation.

Dun point de vue architectural, lensemble de ces nouveaux bâtiments est représentatif dune époque. Les années 1960 sont en effet celles de lenthousiasme urbain : on rénove les quartiers anciens, on développe les périphéries urbaines, on conçoit de grands ensembles dhabitations, on crée des villes nouvelles. On vit un véritable enthousiasme des dimensions avec lélévation de grandes tours qui favorisent des matériaux tels que le béton ou le verre.

Dans les bâtiments darchives, on fait le choix des structures autoporteuses. Cest lâge des tours darchives. La première est inaugurée par Charles Braibant en novembre 1955. Elle abrite, à Toulouse, sur 25 kml de rayonnages, les Archives départementales de la Haute-Garonne. De fait, le béton brut est médiocre, le verre armé trop lumineux, le toit-terrasse pas tout à fait étanche. Mais le bâtiment initie une mode.

Les Archives départementales du Nord, en 1961, adoptent la structure autoporteuse et le verre armé. On inaugure les nouveaux bâtiments des Archives départementales du Calvados à la périphérie de Caen et ceux des Archives départementales de la Manche à Saint- en 1964. Lannée suivante est inaugurée la tour des Archives de Rouen : 27 étages, montant à 89m de hauteur, construits en béton armé sur une ossature de poteaux-porteurs avec revêtement en pierre dure. La même année, le bâtiment des Archives Nationales dOutre-Mer (ANOM), construit à Aix-en-Provence pour accueillir les archives restituées à la France après la décolonisation, est lun des plus spectaculaires. Ces nouvelles constructions font une place de plus en plus importante aux mesures de conservation préventive : en 1967, le nouveau centre des Archives départementales d'Ille-et-Vilaine accueille dans des magasins aveugles près de 29kml ; le bâtiment des Archives départementales du Morbihan, construit en 1971, est quant à lui totalement clos. En 1974 encore, une tour darchives est inaugurée : le Centre Mauhaut-dArtois, dit « tour de Dainville » abrite les Archives départementales du Pas-de-Calais, dans la banlieue dArras.

Depuis les années 1970

Les bâtiments darchives construits en France dans les années 1960-1970 sont toutefois rapidement saturés. Il est nécessaire de continuer à construire, mais le goût se transforme dans les années 1970 : on construit sur de plus petites échelles. A cela, plusieurs raisons. D'abord, lextraordinaire engouement pour les structures autoporteuses dans la construction de bâtiments darchives est remis en cause par linterdiction de ces mêmes structures pour les constructions de plus de trois étages en 1974. De même, après ladoption massive de magasins aveugles, on découvre les risques bactériologiques de ce type denvironnement, sans compter les coûts de climatisation. Cest lépoque sélaborent les premières normes : les « programmes-type » pour la construction des bâtiments darchives, édictés par la Direction des Archives de France, datent du milieu des années 1960. De plus, la crise pétrolière calme les ardeurs durbanisation.

Les grandes constructions cessent mais des bâtiments originaux continuent de voir le jour. Ils adaptent tous le programme-type de la Direction des Archives de France : à La Réunion et dans le Val-de-Marne en 1974, dans lHérault en 1979, dans les Alpes-Maritimes en 1981, dans le Val-dOise en 1985, dans le Doubs en 1986, les Archives de Paris en 1987-1989, celles de la Seine-et-Marne en 1988-1990, ou la Dordogne en 1992. Dimportants progrès sont faits en matière de conservation : mise en place de magasins et de rayonnages spécifiques pour les cartes et plans ou les documents hors-formats, de salles de préarchivage, datelier de restauration, de locaux de microfilmage, de photographie ou numérisation. Peu à peu, les bâtiments adoptent le visage quon leur connaît aujourdhui.

Le Centre d'accueil et de recherche des Archives Nationales de France (CARAN)

Mais avant tout, dans les années 1980, le problème de saturation est réglé par la construction dannexes-magasins ou dannexes éclatées. Les services restructurent et adaptent leurs bâtiments à Chartres, Amiens, Nanterre, Bobigny ou Cergy. Ils construisent des extensions et des annexes à Orléans (1974-1998), à Chaumont-Choignes (1975), à Fontainebleau (1983), à Aix-en-Provence (1985) ou à Cahors (1989-1992). Lune des constructions représentatives de ce mouvement est celle du Centre dAccueil et de Recherche des Archives Nationales (CARAN), commencée en 1985 et achevé en 1987. Cette construction reflète en effet les nouvelles tendances dans la conception des bâtiments darchives. De plus en plus, pour sadapter à la nouvelle affluence de public, les espaces dexposition, les salles de conférence ou de projection, les services éducatifs sont multipliés. La salle de lecture du CARAN, avec près de 300 places, témoigne de cette nouvelle ouverture au public.

Dans la droite lignée de la décennie précédente, les installations nouvelles sont souvent des réhabilitations danciens bâtiments, quil sagisse de bâtiments entiers ou dannexes. Les coûts de mises aux normes sont parfois importants, mais ce type de chantier a pour avantage de conserver des sites patrimoniaux. Les Archives départementales de la Savoie sinstallent dans un ancien garage. Danciens séminaires accueillent les Archives départementales de la Haute-Savoie en 1980 et celles de la Somme en 1983. Les Archives de la Gironde construisent une annexe dans un ancien chai de vin en 1985. La même année, les Archives départementales du Lot-et-Garonne et celles de lOise réhabilitent chacune un ancien hôpital. Une annexe de la Seine-Maritime investit une ancienne usine en 1986. Les anciens bureaux et entrepôts des coopérateurs de la Creuse accueillent les Archives du département en 1990. A Nouméa, les Archives territoriales de Nouvelle-Calédonie sont installées dans les anciens locaux dun journal depuis la fin des années 1990.

Lexemple le plus symbolique de ce type de réhabilitation est celui des Archives nationales du Monde du Travail (ANMT), installée justement dans une ancienne usine. Lentreprise textile Motte-Bossut est installée à Roubaix, dans un bâtiment monumental construit entre 1864 et 1905 dont lentrée est encadrée de deux tours rondes crènelées. La façade en briques cache une structure en métal faite de poutres de fer et de colonnes en fonte sur cinq étages, conçue pour supporter le poids des métiers à filer. Le bâtiment est inscrit à linventaire des Monuments Historiques en 1978 mais lentreprise ferme en 1981. Les travaux de mise aux normes commencent en 1989 et les Archives nationales peuvent intégrer le bâtiment en 1993.

Le mouvement de réhabilitation touche aussi les services darchives municipaux ; les villes, en effet, nont pas toujours les moyens des conseils généraux et ne peuvent toujours investir dans une construction neuve. A Marseille, les Archives municipales sont installées dans une ancienne manufacture des tabacs construite dans les années 1930 et abandonnée en 1990. Entre 1994 et 1996, des travaux sont engagés dans lancien réservoir deau de Périole, construit à Toulouse en 1892 et désaffecté dans les années 1960, afin dabriter les Archives municipales. A Lyon, cest lancien centre de tri postal de Lyon Gare, construit en 1905 et fermé en 1993 avant dêtre utilisé comme dépôt darchives de la Poste jusquen 1999 qui accueille, depuis 2001, les services des Archives municipales.

Les bâtiments des National Archives à Kew.

Partout, le volume darchives conservé par les États saccroit. En Angleterre, le Public Records Act de 1958 a réformé les procédures de collecte : en 1977, il faut construire un nouveau bâtiment pour les archives publiques. Il est installé dans un ancien hôpital militaire de la première guerre mondiale à Kew, site qui accueille, dans le sud-ouest de Londres, les jardins botaniques royaux. Cest dans cette annexe quest conservé le Domesday Book, premier recensement de la population anglaise, réalisé en 1086. Ce bâtiment a été une nouvelle fois étendu en 1990. Désormais, lensemble des archives nationales britanniques y est conservé et lancien site néo-gothique de Chancery Lane accueille la bibliothèque du Kings College de Londres.

Le bâtiment« Archives II » du NARA, près du campus de l'Université du Maryland.

En 1994, cest au tour de l'administration nationales des archives des États-Unis (NARA) de construire un second bâtiment, dit « Archives II », près du campus de lUniversité du Maryland, à Washington.

Le Preservation Centre du LAC à Gatineau au Québec.

Au Canada, les Archives nationales, crées en 1872, sont réunies en 2004 à la Bibliothèque nationale pour former le LAC (Library and Archives Canada). Les services sont installés dans le « Preservation Center », bâtiment construit à Gatineau en 1997 : faisant la taille de deux terrains de football, il contient 48 magasins climatisés, des salles de restauration et l'ensemble des bureaux du personnel.

En définitive, depuis les années 1990, rien n'a changé dans les logiques de conception des bâtiments d'archives. En France, comme de plus en plus les musées ou les bibliothèques, les grands architectes sintéressent à ces bâtiments. Dominique Perrault, architecte de la Bibliothèque nationale de France notamment, a réalisé le bâtiment des Archives départementales de la Mayenne en 1993. Plus récemment, le Conseil général de lHérault a confié à Zaha Hadid la construction du bâtiment « Pierresvives » qui doit regrouper les archives départementales, la direction départementale du livre et de la lecture, et celle du sport, bâtiment qui devrait être livré en 2012 [4]. Laspect extérieur est devenu très important. En 1996, les Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence ouvrent un nouveau bâtiment de près de 4000m² entouré dun jardin zen accueillant des cariatides. En 2002, les Archives départementales de la Sarthe adoptent un plan en H. Danciens édifices sont également réhabilités suivant ce nouvel intérêt. Cest ainsi le cas de la tour des archives de Rouen qui fait lobjet, depuis 2007, dune mise en lumière qui combine nouvel éclairage et projections en couleurs. Pour le nouveau bâtiment des Archives nationales de France, confié à l'architecte italien Massimiliano Fuksas, prévu pour une ouverture en 2013 à Pierrefitte-sur-Seine, au nord de Paris, un bardage en aluminium brut doit assurer une intégration visuelle totale de lédifice au sein du paysage.

Ces préoccupations esthétiques ne sont pas pour autant dépourvues de concepts techniques innovants : à Marseille, le bâtiment qui accueille la bibliothèque et les Archives départementales des Bouches-du-Rhône adopte la forme dun gigantesque galet opaque conçu selon le principe de la double peau et garantissant donc une bonne inertie thermique [5]. Lensemble du projet joue ainsi à la fois sur la transparence et lopacité des matériaux tout en offrant un environnement hygrométrique stable.

La construction de bâtiments neufs ou dextensions continue tout au long des années 2000 : les Archives municipales de Montpellier sinstallent dans un nouveau bâtiment en 2000, les nouvelles Archives départementales de la Réunion ont réouvert en 2001, celles de lOise en 2002, celles des Yvelines en 2003, celles du Rhône en 2007. En 2011 sont encore prévus lextension et le réaménagement de lannexe de Choignes des Archives départementales de la Haute-Marne, de même que louverture des nouveaux centres des Archives départementales de la Gironde et de lArdèche ou de Mayotte.

Lensemble de ces édifices témoigne des nouvelles tendances dans la construction des bâtiments darchives. Les préoccupations climatiques, pour améliorer la conservation préventive et garantir un meilleur développement durable, sont la première de ces tendances. La solution se trouve dans les architectures passives, les façades à capteurs photovoltaïques, les terrasses végétalisées. Un bon exemple de ce type darchitecture passive est celui des archives du Landër de Schleswig-Holstein dans le nord de lAllemagne. Les archives sont installées dans lancien palais des princes du Schleswig-Holstein mais les magasins sont un bâtiment neuf : un mur de 86cm dépaisseur, contenant 51cm de briques a séché pendant trois ans ; depuis la construction lair na été renouvelé que par louverture des quatre portes dentrées. A Pierrefitte-sur-Seine, cest en prenant garde à la qualité des matériaux que lon sassure de bonnes conditions de climatiques : le bâtiment est construits avec des murs dune trentaine de centimètres dépaisseur dans un béton à faible quantité d'eau ; un système de soufflerie (et non de climatisation) est installé sur le toit. Lensemble doit permettre de réaliser jusqu'à 70% d'économie d'énergie. Dans le Gard, on a fait le choix dun bâtiment inerte, compact et isolé qui doit ouvrir en 2012. Dans le Nord, le nouveau bâtiment des Archives départementales, à énergie positive, doit également être livré en 2012.

Parallèlement, depuis 2003, une importante réflexion sur la conception des salles de lecture est menée, pour sadapter dune part aux progrès de la numérisation et de la mise en ligne des archives mais également pour favoriser la conservation de ces mêmes archives en développant, par exemple, le principe des « réserves consultables » pour éviter la manipulation et le transport des documents intransportables, souvent documents graphiques ou maquettes.

Bibliographie

  • Michel Duchein, Les Bâtiments et équipements d'archives, Paris, Conseil international des archives, 1966, 314 p.
  • Françoise Flieder et Michel Duchein, Livres et documents darchives : sauvegarde et conservation, UNESCO, Cahiers techniques : musées et monuments n°6, 1983, chapitre « Les bâtiments et la protection des documents », p. 43-68 (consultable en ligne).
  • Michel Duchein,Les bâtiments et équipements d'archives dans les pays tropicaux dans Peter Walne (dir.), Techniques modernes d'administration des archives et de gestion des documents: recueil de textes, 1985 (édition html).
  • Michel Duchein, Les Bâtiments d'archives, construction et équipements, Paris, Direction des archives nationales, la Documentation française, 1985, 256 p.
  • Direction des archives de France, Bâtiments darchives. Vingt ans darchitecture française. 1965-1985, 1986, 204 p.
  • Direction des archives de France, La Conservation des archives : bâtiments et sécurité (Colloque international de Vienne, 1985), Paris, Archives nationales, la Documentation française, 1988, 72 p.
  • La climatologie dans les archives et les bibliothèques (Actes des troisièmes journées sur la conservation préventive à Arles, 2 et 3 décembre 1998), Arles, Centre de conservation du livre, 2000, 224 p.
  • Sébastien Barret, La Mémoire et l'écrit : l'abbaye de Cluny et ses archives, Xe-XVIIIe siècles, Munster, Lit Verlag, 2005, 459 p.
  • Anne Georgeon-Liskene, Christian Hottin, Les bâtiments d'archives. Livraisons d'histoire de l'architecture et des artistes qui s'y rattachent, n° 10, Paris, Association Livraisons d'histoire de l'architecture, 2005, 183 p., dont :
  • Sébastien Barret, « La tour des archives de l'abbaye de Cluny », p. 9-17. (consultable en ligne).
  • Direction des archives de France, Bâtiments darchives 1986-2003, 2004, 126 p., fig., ill. en coul.
  • Susan Palmer, « Sir John Soane and the Design of the New State Paper Office (1829-1834) » dans Archivaria 60, 2005, p.39-70 (consultable en ligne).
  • Christopher Kitching, Archives buildings in the United Kingdom, 1993-2005, 2007.
  • Association des archivistes français, Abrégé darchivistique, deuxième édition revue et augmentée, 2007, chapitre VII « Conservation matérielle des archives ».
  • France Saie-Belaisch, Green archives buildings, compte-rendu dintervention lors du Congrès de lICA à Kuala Lumpur en 2008 (consultable en ligne).
  • Direction des Archives de France : Département de l'innovation technologique et de la normalisation, Règles de base pour la construction et l'aménagement d'un bâtiment darchives, Paris, 3e édition, Octobre 2009 (en ligne).

Le Conseil international des archives a élaboré une bibliographie consultable en ligne en français et en anglais.

Sources et références

  1. Études n°17 du Conseil international des archives, Les bâtiments darchives dans les pays à climat tropical et à ressources limitées, ALA, 2005 [1], consulté le 10 octobre 2011.
  2. Lettres de commission de Philippe le Bel à Pierre dÉtampes, 1309, cité par Jean Favier, La Pratique archivistique française, Paris : Direction des Archives de France, 1993.
  3. Cet effondrement eut pour cause le creusement d'un tunnel de circulation urbaine.
  4. http://www.herault.fr/pierresvives-services-publics-sein-d-un-nouveau-quartier-a-montpellier consulté le 12 novembre 2011.
  5. http://www.archives13.fr/archives13/CG13/cache/bypass/pid/88?allChapters=false&chapter=686, consulté le 11 novembre 2011.

Voir aussi

Liens externes

Normes de conservation dans les bâtiments darchives.

Études de cas de bâtiments d'archives publiée par le Conseil international des archives.

Compte rendu des Journées internationales dAnnecy sur les bâtiments darchives des 27 et 28 mai 2003.

Module de formation « Bâtiment et locaux darchives » sur le site du Portail International Archivistique Francophone.

Annuaire des services d'archives en France.


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