- Bande dessinée et Shoah
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La bande dessinée s'est intéressée tardivement à la Shoah contrairement aux histoires mettant en scène des héros ou des militaires, comme celles d'Hugo Pratt ou encore d'Hubinon[1].
Sommaire
Un sujet peu traité après 1945
L'album La bête est morte ![2] publié en 1944 avant la fin du conflit, est la première BD française sur la Seconde Guerre mondiale, racontée sous forme d'histoire animalière. La Shoah n'est évoquée que brièvement, sur deux cases de l'album, la prise de conscience de sa spécificité et de son ampleur n'ayant pas encore eu lieu au moment de la parution fin 1944. Il s'agit cependant de sa première représentation dans une bande dessinée : les deux cases mettent en scène des déportations de familles et des exécutions de civils, et l'étoile jaune apparaît dans un détail de l'un des dessins[3]. Le texte évoque le massacre de « certaines tribus d’animaux pacifiques que nous hébergions et à qui nous avions bien souvent ouvert nos portes pour les abriter contre la fureur de la Bête déchaînée » et le « plus atroce plan de destruction des races rebelles, dispersant les membres de leurs tribus dans des régions lointaines, séparant les femmes de leurs époux, les enfants de leur mère, visant ainsi l’anéantissement total de ces foules inoffensives ».
Le thème demeure cependant peu abordé en bande dessinée dans les années qui suivent immédiatement le conflit et il faut attendre 1985 pour en retrouver une mention dans un BD française[4]. Le journal catholique Cœurs vaillants raconte en 1945, sous forme de bande dessinée, un épisode de la vie d’un curé à Buchenwald sans que les Juifs ne soient même mentionnés.
La prise de conscience
États-Unis
Le magazine Impact no 1 publié en 1955 par EC Comics présente une histoire dessinée par Bernie Krigstein sur un scénario de Al Feldstein. Elle raconte la rencontre fortuite d’un ancien détenu des camps et de l’un de ses bourreaux. Cette courte histoire (8 pages) dont le titre est The Master Race[5] est une leçon de bande dessinée par sa maîtrise narrative, et un magnifique hommage aux victimes juives[6].
Les années 1980 voient paraître le premier chef d'œuvre de bandes dessinées consacré à la Shoah. Il s'agit de Maus d'Art Spiegelman que l'auteur ébauche dès 1972 et met près de vingt ans à terminer[7]. Cette œuvre sans précédent de plus de 250 pages est à la fois le récit du génocide des juifs de Pologne (les juifs sont représentés comme des souris, les nazis comme des chats et les Polonais comme des porcs) et l'histoire des relations difficiles entre l'auteur, jeune intellectuel new-yorkais, et son père, rescapé d'Auschwitz, les deux trames narratives étant étroitement mêlées[8]. L’auteur montre la vie dans les camps, le comportement des populations civiles, ce que doivent faire les fugitifs pour survivre[6]. Tant en Europe qu’en Amérique, l’œuvre a été saluée par la critique : des dessins originaux sont exposés dans divers musées du monde. Art Spiegelman a reçu le prestigieux prix Pulitzer (1992), attribué pour la première fois à une bande dessiné[9].
Entre novembre 2008 à mars 2009, est parue la mini-série Magnéto : Le Testament qui, sous prétexte de retracer la jeunesse du méchant des X-Men, offre en fait un récit historique détaillé et très réaliste sur la Shoah, entre 1935 et 1945 (scénario : Greg Pak ; dessin : Carmine di Giandomenico).
Japon
Une autre œuvre a marqué l'histoire de la BD, L'Histoire des 3 Adolf d'Osamu Tezuka[10]. Cet auteur de bande dessinée, reconnu dans son pays, mélange l'histoire de trois personnages au même prénom, Adolf Hitler lui-même, Adolf Kamil, un Juif habitant au Japon et Adolf Kaufmann, dont la mère est japonaise et mariée à un dignitaire nazi[6] dans une série de mangas en quatre volumes et plus de 1 200 pages. L'auteur évoque en outre Richard Sorge et les bombardements américains sur le Japon.
France
La collection vécue chez Glénat, bien que traitant de sujet historique, a très peu abordé cette question. L'album de Patrick Cothias[11], qui est une adaptation du récit autobiographique de Martin Gray, évoque ce sujet. Plus tard, Pascal Croci se base sur les témoignages de survivants pour produire Auschwitz. Il y retrace l'histoire fictive de Kazik et Cessia, deux survivants d'Auschwitz, retournés en ex-Yougoslavie et destinés à l'exécution. Le graphisme de cette bande dessinée est basé sur celui de David Olère, survivant des Sonderkommandos ayant choisi le dessin et non l'écriture comme mode d'expression[12]. Une autre série, Sir Arthur Benton[13] aborde la question de la Solution finale de la question juive dans le tome 2, Wannsee, 1942, à travers un récit d'espionnage. Les personnages évoluent dans l'ombre de l'Abwehr et connaissent la réalité des camps, comme la plupart des services de renseignement des pays en guerre.
Voir aussi
Bibliographie complémentaire
- Laurent Galandon et Arno Monin, « L'envolée sauvage », tomes 1 et 2, Bamboo, coll. Angle de vue, 2007
- Jean-Marie Gourio et Philippe Vuillemin, Hitler = SS
- Eric Heuvel, La quête, 2002; BD néerlandaise pour raconter la Shoah aux enfants
- Miriam Katin, Seules contre tous, Seuil, 2006
- Bernie Krigstein, The Master Race, Impact n°1, 1955; version française disponible dans Les Meilleures histoires d’horreur, collection Xanadu, Humanoïdes Associés, 1994
- Joe Kubert, Yossel 19 avril 1943 (une histoire du soulèvement du ghetto de Varsovie), Collection Contrebande, éd. Delcourt (19 janvier 2005) (roman graphique)
- Art Spiegelman, Maus, Flammarion: témoignage sur la Shoah sous forme de bande dessinée (prix Pulitzer 1992)
- Tarek et Stéphane Perger, Sir Arthur Benton, Emmanuel Proust (Collection Trilogie)
- Opération Marmara - 2005
- Wannsee, 1942 - 2005
- L’Assaut final - 2006
- Osamu Tezuka, L'Histoire des 3 Adolf, Tonkam, 1983-1985
- David Vandermeulen, Fritz Haber
- L'Esprit du temps, Delcourt - 2005
- Les Héros, Delcourt - 2007
Articles connexes
- Europe sous domination nazie
- Crimes de guerre de la Wehrmacht
- Crimes de guerre nazis en URSS
- Crimes de guerre japonais
- Procès de Nuremberg
- Liste de récits de rescapés de la Shoah
- Liste d'essais sur la Shoah
- Espionnage dans la bande dessinée
- Bandes dessinées sur la Seconde Guerre mondiale
Liens externes
- (fr) Histoire de la Seconde Guerre mondiale au jour le jour
- (fr) La Seconde Guerre mondiale : De Nuremberg à Nuremberg
- (fr) La Seconde Guerre mondiale
Notes et références
- BDthèque. Voir la liste des ouvrages traitant de la guerre sur
- Edmond-François Calvo, Victor Dancette et Jacques Zimmermann, La bête est morte !, 1944, réédition Gallimard, 2007.
- [tt_news=7425&tx_ttnews[backPid]=2555&cHash=184a54b6a6 Quand la bande dessinée s’empare de la Shoah], Le Républicain Lorrain,31 décembre 2009
- Didier Pasamonik, « La Bête est Morte »,il y a soixante ans, ecrits-vains.com
- Disponible dans Les Meilleures histoires d’horreur, Humanoïdes Associés, collection « Xanadu », 1994
- « Il y a 60 ans, Auschwitz... », consulté le 8 juillet 2008.
- Pierre Alban Delannoy, Maus d'Art Spiegelman. Bande dessinée et Shoah, L'Harmattan, 2002, page 25.
- Dominique Petitfaux, Article Maus, encyclopaedia Universalis, DVD, 2007
- Dominique Petitfaux, Article Art Spiegelman, encyclopaedia Universalis, DVD, 2007.
- Osamu Tezuka, L’Histoire des 3 Adolf, Tonkam, 1983-1985
- Cothias et Paul Gillon, Au Nom de tous les Miens, Glénat, 1986.
- Emmanuel Proust éditions 2002, collection Atmosphères, ISBN 978-2848100005 Pascal Croci, Auschwitz,
- Emmanuel Proust éditions ; le premier cycle a fait l'objet d'une exposition au Mémorial de Caen en 2008 et le tome 1 à la grande synagogue de Strasbourg en 2006. Série de bande dessinée (2005-2009) qui évoque la Shoah dans le second tome publiée chez
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