Ṛgvedá

Ṛgvedá

Rig-Véda

Articles principaux : Védisme et Véda.
Manuscrit du Rig-Véda en devanāgarī (début du XIXe siècle)

Le ऋग्वेद Rig-Véda[1] est d'abord un Véda, puissance agissante de l'intuition de sages ṛṣis[2] qui rend évidentes les manifestations du numineux, et les met en lumière en favorisant la brillance de nombreux devas. Cette « évidence » fut ensuite transmise oralement dans différentes écoles de brahmanes, les śākhās[3], qui y joignirent une méthode rituelle pour influencer ces devas[4].

Le Rig-Véda est un mode d'expression du Veda en stances (les ṛkās[5]) composées de un ou de plusieurs traits (sūtras). Chaque bénédiction (sūkta, « bien dit ») comprend en moyenne dix stances. Les premiers traducteurs européens nomment « hymnes » ces sūktas[6].

On peut supposer que la tradition orale des premiers sūktas du Rig-Véda, en langue védique (un sanskrit archaïque), s'est développée à une époque où les Aryens étaient encore sur les plateaux d'Asie centrale, dans la région de l'Oxus. Ces voeux en forme de louanges furent progressivement couchés par écrit à partir du douzième siècle av. J.-C., en caractères devanāgarī tels ceux de l'image ci-contre. Ce recueil de bénédictions est le texte védique le plus ancien et aussi le plus important du védisme. Ce corpus forme aujourd'hui une collection (saṃhita) de 1028 sūktas rassemblés en dix cycles (maṇḍalas)[7].

Cette Rigveda-saṃhita fondamentale traverse les époques successives de l'histoire de l'Inde, et reste respectée par l'hindouisme ancien et contemporain. Le sens du texte, progressivement réinterprété selon les traditions successives de l'hindouisme[8], exige une étude scientifique, philosophique et historique poussée si l'on veut l'insérer dans la Weltanschauung de l'homo vedicus de l'antiquité.

Sommaire

Origine

Le védisme considère le Véda comme une manifestation éternelle de pouvoirs numineux, l'évidence de ces puissances agissantes est par elles donnée aux premiers hommes inspirés, les ṛṣis, au début de chaque cycle cosmique. L'hindouisme reprend à son compte cette ancienne croyance[9].

L'écrit n'est qu'un aide-mémoire, et ces textes ne reprennent tout leur pouvoir d'évocation que prononcés à très haute voix par des officiants brahmanes au cours d'un rituel complexe[10].

La Rigveda-saṃhita fournit les noms de quelques ṛṣis, tels Vishvamitra, Uddalaka, Gritsamada, Atri, Vasi’stha, Bhrigu. Bien que la tradition hindouiste les présente comme des demi-dieux vivant hors du temps et de l’espace, ces personnages semblent mythiques.

La datation des hymnes pose problème : ces textes sont rédigés en un sanskrit très archaïque, que la comparaison philologique avec les autres langues indo-européennes invite à situer au début du IIe millénaire av. J.-C.. Toutefois, certaines stances peuvent avoir été composées bien avant, tandis que beaucoup d’autres datent du Ie millénaire av. J.-C.. La compilation définitive a probablement dû se faire vers l’an mille avant l'ère courante, car son canon était clos lors de l’apparition du bouddhisme (VIe siècle av. J.-C.).

Samhitas

Une संहिता Saṃhita est une collection, un recueil de textes. L'ensemble des textes du Véda est souvent référé comme le « Triple Véda » qui comprend les Rigveda-saṃhita, Sâmaveda-saṃhita, et Yajurveda-saṃhita. La quatrième saṃhita de textes, la Atharvaveda-saṃhita ne fut acceptée que beaucoup plus tard dans le corpus du Véda, car son contenu à usage domestique n'est pas utilisé au cours du sacrifice védique, le yajña.

Samhita principale

La ऋग्वेद संहिता Rigveda-saṃhita (ou Riksaṃhita ; ou, par abréviation, Rig-Véda) est la collection de textes les plus importants et les plus anciens de la tradition védique. Ils ignorent des coutumes de l'hindouisme postérieur tels le culte des images, la construction de temples et de statues, l'aspiration des yogi à la libération (moksha), les mariages précoces et surtout la division radicale en castes exclusives[11].

Division

À deux systèmes traditionnels de division du texte s'ajoute un système hybride inventé par Alexandre Langlois (1788-1854) dans la première moitié du dix-neuvième siècle de l'ère courante.

L'élément de base est la ṛkā[12], qui correspond à ce que le français nomme un verset, un vers, un distique. La ṛkā est de longueur variable. Exemple d'une ṛkā courte : « Nous implorons le secours des Adityas, ces guerriers nobles et bienfaisants »[13]. Exemple d'une ṛkā longue : « Partagez les plaisirs de la maison de Manu, et donnez à votre chantre une opulence accompagnée d'une forte famille. Que notre sacrifice soit pour vous un tîrtha aux ondes agréables. Eloignez de nous cet ennemi insensé qui se place sur la route comme un poteau, pour nous surprendre »[14].

Le premier système de division regroupe de trois à huit versets (ṛkās) en un varga, mot qui signifie « regroupement ». Au niveau supérieur une lecture, adhyaya, contient environ une trentaine de regroupements vargas. Enfin, huit ashtakas (huitièmes) renferment chacun huit lectures adhyayas. L'ensemble de ces huit ashtakas constitue la Rigveda-samhita. Dans ce système la samhita (collection) contient huit ashtakas (huitièmes), contenant chacun huit adhyayas (lectures), qui regroupent chacune une trentaine de vargas (regroupements), composés chacun de trois à huit ṛkās (versets).

Un second système de division regroupe un nombre variable de versets (ṛkās) en une sukta, une bénédiction (littéralement « bien-dit »). Un nombre variable de suktas constitue une anuvaka (mot signifiant répétition ou récitation). Et l'ensemble des anuvakas se répartit en dix cycles, dix mandalas. Dans ce système la samhita (collection) contient dix mandalas (cycles), contenant chacun des anuvakas (récitation) qui rassemblent des suktas (bénédictions) composées de ṛkās (versets).

Pour sa traduction française de la Rigveda-saṃhita, Alexandre Langlois, Membre de l'Institut, divise le texte du Rig-Véda en huit sections (ashtakas) divisées chacune en huit lectures (adhyayas), s'inspirant en celà du premier système décrit ci-dessus. Il divise néanmoins chaque lecture en un nombre variable d'hymnes (suktas) contenant chacun un nombre variable de versets (ṛkās), s'inspirant cette fois du second système expliqué ci-dessus. La référence à un verset du Rig-Véda dans la traduction française de A. Langlois s'effectue donc ainsi : (RV 4, 7, 5, 3) et se lit « Rig-Véda, section 4, lecture 7, hymne 5, verset 3 »[15].

Contenu

Les sections les plus importantes, celles qui sont chargées de la plus grande efficacité spirituelle, sont les Samhitas où sont recueillis les poèmes : la poésie (chandas) est, en effet, un charme en elle-même.

Chaque poème est dédié, soit à un deva (Indra, Agni, Varuna...), soit aux devas jumeaux que sont les Asvins, parfois à plusieurs divinités (on y rencontre des hymnes « à tous les dieux »).

Il existe également un petit nombre de ballades et quelques poèmes spéculatifs (cosmogonies, louange de la Parole divine, de la Concorde entre les hommes).

Les mètres utilisés sont relativement nombreux, les plus courants étant l’anu’stubh (stance de quatre vers octosyllabiques), la trishtubh (quatre vers hendécasyllabiques) et la gayatri (trois vers octosyllabiques), dont on dit qu’elle est sacrée entre toutes (sans doute parce que la prière initiatique dite savitri, « l’incitatrice », est une gayatri extraite d’un hymne au Soleil du Rig-Véda).

La majorité des stances qui figurent dans le Sâmaveda et dans le Yajurveda sont issues de la Rig-Véda-samhita, qui paraît donc au cœur de la culture védique[16].

Emploi

Article détaillé : Yajña.

Le hotṛ est le brahmane officiant qui verse au feu les libations et y pose les offrandes destinées aux devas. Les voeux et les louanges qu'il utilise au cours de ses fonctions rituelles proviennent tous de la Rigveda-samhita. Il prononce ces sûtras d'une voix forte dont la puissance participe à celle du yajna, le sacrifice central du système védique. Coutsa loue ainsi les Asvins : « La puissance avec laquelle vous avez rendu Soutchanti riche et puissant; avec laquelle vous avez apaisé en faveur d'Atri le brillant et fortuné Agni; avec laquelle vous avez sauvé Prisnigou et Pouroucoutsa, montrez-la encore, ô Asvins, et secourez-nous! »[17].

Samhita dérivées

Articles détaillés : Sama-Véda et Yajur-Véda.

De ce recueil initial dérivent deux autres collections de strophes (sûktas), la Samaveda-samhita qui sert de manuel au chanteur, et la Yajurveda-samhita qui contient, outre les formules tirées du Rigveda, des descriptions de rites, et des formules de dédicaces en prose (les yajus) qui donnent son nom à ce troisième corpus. Ces trois recueils suffisaient à l'organisation des sacrifices védiques[18].

Article détaillé : Atharva-Véda.

La Atharvaveda-samhita est un quatrième recueil utilisé pour les rites domestiques par le purohita brahmane-protecteur d'une maisonnée. C'est un grimoire de magie qui mit du temps à être considéré comme partie intégrante du triple-véda rituel[19]

Traités en prose subséquents

Au fil du temps, annexés à chacune de ces samhitas furent rédigés des traités en prose relatifs à chacune des fonctions du rite, parole, chant, liturgie, et de même pour la fonction de magie domestique :

  • Brahmana : les textes liturgiques et de rituel ;
  • Aranyaka : la section théologique ;
  • Upanishad : la section spéculative.

A chacune de ces fonctions revient donc effectivement des parties en vers (nommés Samhitas, c’est-à-dire « collections »), des traités rituels, des commentaires exégétiques, des livres de sagesse, etc.

L'évolution de ces textes en prose (des brahmanas aux upanishads) accompagnent la transition , au long des siècles, du védisme à l'hindouisme.

Usages et interprétations

Bien que ces hymnes aient une destination exclusivement liturgique (il s’agit d’une littérature de techniciens du culte), ils ne manquent pas de valeur poétique : ferveur religieuse, hardiesse de la pensée et de l’expression, richesse du vocabulaire contribuent à retenir l’attention du lecteur malgré la monotonie de ces mille cantiques, qui sont tous de facture semblable et célèbrent uniformément les vertus divines.

Rappelons enfin que les hymnes ne sont pas tout le Rig-Véda, mais seulement la Samhita de ce corpus, lequel comprend aussi, comme il est de règle, des traités rituels (Kalpa-Sutras), tels ceux de l’école shankhayana, des Brahmanas (commentaires exégétiques), par exemple, l’Aitaréya-Brahmana et le Kau’sitaky-Brahmana, des Aranyakas et des Upanisads (ainsi, l’Aitaréya-Upanisad et la Kausitaky-Upanisad).

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

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Voir sur Wikisource : Rig-Véda.

Bibliographie

  • Alexandre Langlois, Rig-Véda ou Livre des hymnes, 646 pages, Maisonneuve et Cie, 1872, réédité par la Librairie d'Amérique et d'Orient Jean Maisonneuve, Paris 1984, ISBN 2-7200-1029-4
  • Louis Renou, Études Védiques et Paninéennes, 1955-1969.
  • Sayana (14th century), ed. Müller, 1849-75
  • Sri Aurobindo, Hymns of the Mystic Fire (Commentary on the Rig Veda), Lotus Press, Twin Lakes, Wisconsin ISBN 0-914955-22-5
  • Talageri, Shrikant, The Rigveda: A Historical Analysis, ISBN 81-7742-010-0 [1]
  • Lal, B.B. 2005. The Homeland of the Aryans. Evidence of Rigvedic Flora and Fauna & Archaeology, New Delhi, Aryan Books International.

Notes et références

  1. mot sanskrit, en devanāgarī ऋग्वेद, en IAST ṛgveda'.'
  2. prononcer [richis].
  3. prononcer [chakhas].
  4. Jan Gonda, Veda e antico induismo, page 41.
  5. prononcer [rikas].
  6. Alexandre Langlois, Rig-Véda ou Livre des hymnes, Paris, réédité en 1872.
  7. David M. Knipe, professeur à l'Université McMaster, USA, in The Perennial Dictionary of World Religions (Abingdon), page 623.
  8. Richard Waterstone, L'Inde éternelle, pages 8 à 24, Taschen, Köln, 2001, ISBN 3-8228-1337-0.
  9. H. Oldenberg, Aus Indien und Iran, p.19, Berlin 1899.
  10. Jan Gonda, opus citatum, page 42.
  11. Jan Gonda, op. cit., page 42.
  12. prononcé [rik] lorsque isolé, ou [rig] en contexte;
  13. Alexandre Langlois, op. cit., page 441, (RV 4,11,1).
  14. Alexandre Langlois, op. cit., page 536, (RV 8, 8, 13).
  15. Alexandre Langlois, op.cit., page 41, note 1 de la colonne de gauche
  16. Jan Gonda, op. cit., page 43 & 44.
  17. Alexandre Langlois, op. cit., page 109, hymne XVIII, verset 7.
  18. Jan Gonda, op. cit., page 43.
  19. Jan Gonda, op. cit., page 44.


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