Émilien Dumas

Émilien Dumas
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Jean Louis George Émilien Dumas, né le 4 novembre 1804 près de Sommières et décédé le 21 septembre 1870 à Ax-sur-Ariège, est un érudit, un paléontologue et un géologue français.

Biographie

Issu d'une famille de la bourgeoisie protestante du Gard, Émilien Dumas baigne dès son enfance dans une atmosphère d'érudition et d'étude. Son père, un négociant reconverti dans l'agriculture, est un homme instruit. La région de Sommière propice aux découvertes archéologiques lui offre un premier terrain d'investigation auprès du docteur Marc Dax qui n'est autre que le précurseur de la théorie de la dominance de l'hémisphère gauche du cerveau humain dans le langage. Eloigné par son père en 1815 alors qu'il n'a que 11 ans, à cause de la terreur blanche qui voit les protestants menacés, le jeune Emilien étudie au bord du lac Léman où il commence son herbier, à Morges (Suisse), puis à Bâle, où sa passion pour les sciences naturelles, surtout la botanique, mûrit et se confirme auprès du grand théologien protestant Alexandre Vinet (1797-1847). Il regagne sa terre natale en 1824 lors du décès de sa mère.

Embrassant une véritable carrière scientifique, il gagne Paris et suit les cours du Collège de France, du Collège royal des mines et du Muséum national d'histoire naturelle, de Georges Cuvier (1769-1832), d'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844) et d'Adrien de Jussieu (1797-1853). On le voit, sa formation en science naturelle est complète, puisqu'il se plonge avec une égale passion dans la zoologie, la minéralogie et la botanique et se trouve au cœur des réflexions de l'époque qui oppose fixisme au transformisme de Lamarck (1744-1829).

En 1828, il regagne Sommières où il épouse une riche héritière d'Orange, Pauline Borel, fille d'un propriétaire de filature de soie. La même année, il met au jour le riche site paléontologique de Pondres (Gard) dont les éléments animaux et humains lui fournissent des arguments contre le fixisme, en particulier dans le domaine de l'archéozoologie. C’est à cette époque qu’Emilien Dumas fait une importante découverte dans la grotte de Souvignargues près de Sommières, site où se mêlent fossiles humains, poteries, rhinocéros etc. Le jeune savant avait déjà mis en doute que ce mélange, fréquent à d’autres endroits, fût le fruit d’une coïncidence. Il avait découvert avec son ami Jules de Christol en 1829 dans une grotte de Pondres, mêlés à des restes de poteries plus récentes, des ossements humains dans un dépôt argileux renfermant un gisement d’os de hyènes et de rhinocéros. Un an auparavant le conservateur du muséum de Narbonne Paul Tournal avait fait une découverte semblable dans la grotte de Bize. Celui ci avait fait observé que dans les grottes les ossements de rhinocéros ou de hyènes portaient les stigmates d’outils tranchants. Emilien Dumas connaît bien Tournal. Il effectuera avec lui une course à Clermont-Ferrand en 1833 ; Georges Cuvier dans son discours sur les révolutions de la surface du globe réagit violemment à cette annonce qu’il juge péremptoire et sans fondement : «'' on a fait grand bruit il y a quelques mois de certains fragments humains trouvées dans les cavernes à ossements de nos provinces méridionales, mais il suffit qu’ils aient été trouvés dans les cavernes pour qu’ils rentrent dans la règle ». En 1841 Emilien Dumas avait écrit ses «notes sur quelques monuments anciens de la période gauloise observée dans le département du Gard, illustrées de menhirs et dolmens. Emilien Dumas recense alors 24 dolmens qu’il a rencontrés dans 13 communes du Gard dont celle de Blandas où il exhume une "peyre cabucelade". Il fut le premier à réfuter l’hypothèse selon laquelle les dolmens étaient des autels sacrificiels: pour Emilien Dumas il s’agit de tombeaux où sont enterrés les chefs de ces peuplades très anciennes : à l’appui de sa démonstration, il fait comparaître les ossements humains exhumés à côté d’autres objets lors de fouilles…

Après s'être engagé dans les débats sur l’Homme préhistorique et protohistorique, Emilien Dumas se consacre à la géologie en cherchant à comprendre les origines de la Terre, à savoir comment et dans quel ordre chronologique les terrains avaient pu se former. Arpenteur d'une région chère à son cœur, il établit avec une patience et une grande ténacité, durant vingt ans, la carte géologique du département du Gard, première en son genre. En 1844 il publie le premier volet de sa carte géologique du département du Gard, arrondissement du Vigan et en 1845 le second volet pour l’arrondissement d’Alès. En 1846, il enchaîne avec sa notice sur la constitution géologique de la région Cévennique supérieure du département du Gard. L’année suivante il porte à la connaissance du public un ouvrage titré « altitudes ou hauteurs au dessus du niveau de la mer, mesures à l’aide du baromètre dans les arrondissements du Vigan et d’Alais.» Enfin en 1850 paraît le troisième volet de sa carte géologique du département du Gard, arrondissement de Nîmes qui constitue l’apogée de sa carrière de géologue. En 1852 il a achève sa carte d’Uzès qui ne sera pourtant publiée qu’après sa mort. « Statistique géologique, minéralogique, métallurgique et paléontologique du département du Gard » en 1856 clôt le cycle de ses rares publications. Collectionneur dans l'âme, il ne cesse de cultiver sa curiosité, et le Muséum d'histoire naturelle de Nîmes conserve une grande partie de ses nombreuses collections touchant l'antiquité grecque, la botanique, la géologie. Emilien Dumas peut-être considéré comme l'un des pères de la géologie en tant que science empirique, à une époque où la recherche du charbon comme moteur de la Révolution Industrielle, offre de grandes opportunités aux minéralogistes. Profitant de ce contexte favorable, le savant travaille pour de grands capitaines d'industrie comme Paulin Talabot qui l'envoie en Algérie (gisements de fer de Mokta el Hadid), en Sardaigne, Espagne, etc. pour prospecter le sol minier de toute la Méditerranée. Emilien Dumas qui se voit offrir en retour des actions des compagnies minières prend goût à cette aventure financière, et achète ses propres concessions houillères dans le bassin minier d'Alès ( concessions de Saint Germain à Saint Jean du Pin).

A la fin de sa vie, épuisé par ses affaires, Emilien Dumas se consacre à l'étude des potiers antiques. En 1861 il publie un catalogue qui recense les noms des potiers d’origine gauloise illustré de 350 estampilles de vases samiens, 72 amphores et 97 lampes funéraires de sa collection personnelle grâce à laquelle il fait deux interprétations majeures qui feront faire un grand pas à l’approche archéologique : il sépare les poteries rougeâtres, vernissées, qui ont selon lui un usage domestique des autres de couleur mate entrant dans les rites funéraires : il met alors en évidence la division du travail et la spécialisation dans les ateliers antiques : certains potiers faisant des vases, d’autres des lampes etc.

Un élément peut compléter le portrait de cet « explorateur du Gard » : son goût pour le théâtre et la dramaturgie. Cet admirateur de Talma qu'il avait vu jouer de nombreuses fois pendant ses études à Paris n'hésite pas en effet à monter sur les planches, faisant construire à Sommmières son propre théâtre dans son hôtel particulier et y montant même une troupe en 1837 —, ce qui est considéré par ses contemporains comme incompatible avec son activité scientifique, mais révèle la richesse humaine d'un personnage chaleureux et attachant. La princesse de Solms, Marie Bonaparte-Wyse (1833-1902) petite nièce de Napoléon 1er, lettrée (auteure des chants de l'exilée) et coutisane qui tient salon dans ses nombreuses résidences, aime particulièrement la compagnie du géologue qui approche ainsi de nombreux acteurs et dramaturges de son époque en menant une vie mondaine.

Arpenteur infatigable de la croûte terrestre, Emilien Dumas qui se souciait tant de ses organes locomoteurs (ses jambes) meurt d'un anthrax à Ax sur Arièges le 21 septembre 1870, juste après la défaite de Sedan et l'incendie de la bibliothèque de Strasbourg qui l'avaient profondément affecté.

Son gendre posthume, Armand Lombard Dumas, éminent botaniste, qui a épousé la fille unique et dévouée de Dumas, Amélie, aura, avec sa femme, le souci de préserver l’œuvre du géologue. Ainsi entre le 29 mai et le 13 juin 1908 la collection géologique quitte pour toujours l’hôtel particulier de Sommières pour aller à Nîmes. Durant 15 jours 17 voitures de 1800 kg se relaient et 4 hommes sont réquisitionnés pour déménager l’ensemble des collections au muséum.

Le bicentenaire de sa naissance en 2004 a permis, en partie, de faire connaître auprès du grand public cette grande figure scientifique peut-être éclipsé par trop d'éclectisme et un goût du terrain immodéré qui l'a peu à peu éloigné de l'intelligentsia française. Il avait en effet toujours repoussé une chaire universitaire, ne laissant donc pas une postérité de disciples susceptibles d'inscrire son œuvre dans l'histoire des sciences, de la géologie surtout où ses inventions méthodologies ont été fondamentales. N'avait-il pas été celui qui, le premier, a eu l'idée de colorier les cartes par diverses époques pour circonscrire les divers terrains tertiaires, secondaires etc. ?

Enfin on ne peut évoquer la figure du géologue languedocien sans dire un mot de celui qui va l'épauler dans ses recherches, à savoir Noël Lafont (1819-1886), instituteur à Sommières. Pendant qu'Emilien Dumas prend des mesures barométriques sur le terrain, ce fidèle fait de même à Sommières, point de repère pour ses calculs. N'avait-il pas prédit à son confident : «mon pauvre Lafont, vous entendrez dire un jour que je me suis englouti, effondré subitement, et que je ne suis plus qu’un souvenir, n’en soyez point surpris. Pour moi j’y suis préparé, j’envisage avec calme cette fin qui m’attend, et je m’en console en songeant que j’ai eu ma bonne part de jouissances ici bas. »

'Emilien repose dans le tombeau de ses pères, au pied de la Coustourelle, près de la maison qui fut le centre de son activité '

Bibliographie

  • Édouard Dumas, Émilien Dumas et l'empreinte de Sommières, Lacour-Ollé, 1993.
  • « Émilien Dumas, l'explorateur du Gard », Catalogue de l'exposition organisée à l'occasion du bicentenaire de sa naissance, Musée d'Histoire naturelle de Nîmes.

« Emilien Dumas, une géologue éclairé du XIXe siècle » par Laurent Aiglon, in Cévennes Magazine, 2003. Cet article s'appuie sur la correspondance du savant conservée aux archives départementales du Gard ainsi que sur les carnets du grand géologue.

Liens externes

Un article de l'Association Sommières et son histoire sur Émilien Dumas


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