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Paul Veyne
Paul Veyne, né le 13 juin 1930 à Aix-en-Provence, est un archéologue et historien français, spécialiste de la Rome antique. Ancien élève de l'École normale supérieure, membre de l'École française de Rome (1955-1957), il est professeur honoraire du Collège de France.
Sommaire
Biographie
Issu d'un milieu populaire qu'il définit lui-même comme « inculte », il s'éprend d'archéologie et d'histoire à l'âge de huit ans en découvrant, sur un site celtique, proche du village de Cavaillon, une pointe d'amphore. La civilisation romaine étant, dans le milieu où il grandit, la plus connue, c'est à elle qu'il s'intéresse en particulier. Il effectue le début de sa scolarité au Lycée Thiers à Marseille.
Tout jeune encore, il fréquente assidûment les collections romaines du musée archéologique de Nîmes, où il se fait repérer par le conservateur qui le prend sous son aile. Il affirme ne pas s'être intéressé aux Grecs ou aux Romains par humanisme, ni même par admiration particulière, mais juste par le hasard de sa découverte d'enfant.
Débarqué à Paris pour entreprendre sa khâgne, il dit avoir subi un choc devant le bas-relief célébrant la libération de la ville en bas du Boul'Mich' et s'inscrit au Parti communiste français, qu'il quittera quatre ans plus tard sans avoir jamais eu de véritable conviction politique.
En revanche, le mauvais traitement des colons envers les Algériens le révolte tout autant que les atrocités du nazisme. C'est pour Paul Veyne un nouveau choc, mais une nouvelle fois, le choc n'est pas social, mais moral.
En 1975, il entre au Collège de France grâce à l'appui de Raymond Aron (alors abandonné par son ancien dauphin Pierre Bourdieu) qui veut voir en ce normalien celui qui s'occupera de ses travaux après sa mort. Mais Paul Veyne oublie de citer son nom lors de sa leçon inaugurale, ce que Aron ne lui pardonne pas. « Pour Aron, ce fut un choc terrible, le signe de mon ingratitude. Et à partir de ce jour, il se mit à me persécuter après m'avoir fait élire... »[1]. Il y reste en activité de 1975 à 1998, titulaire de la chaire d'Histoire de Rome.
Paul Veyne vit actuellement à Bédoin, dans le Vaucluse.
Travaux
Paul Veyne continue de publier des ouvrages où, pour une nouvelle écriture de l'histoire, il mêle l'érudition aux bons mots, les valeurs nietzschéennes (notamment à travers ses études des jeux du cirque) à une approche de l'objet puisée chez Michel Foucault. Il revendique également l'influence du sociologue Max Weber, de l'historien Henri-Irénée Marrou et des travaux du jeune Aron sur la « philosophie critique de l'histoire ».
Il mène également une réflexion sur l'émergence et la victoire du christianisme dans l'empire romain, problématique qui fait l'objet de son dernier livre paru en 2007 Quand notre monde est devenu chrétien (312-394).
Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Essai sur l'imagination constituante est son ouvrage le plus connu du grand public.
Parallèlement, il a publié une étude de référence sur l'œuvre et la personne de René Char[2], fruit d'une passion attentive de plus de quarante ans : René Char en ses poèmes (Gallimard, 1990), ainsi qu'un essai sur Michel Foucault (Albin-Michel, 2008).
Appréciations
« Un peu plus tard, j'ai eu la plus grande expérience intellectuelle de ma vie en lisant le livre éblouissant de Paul Veyne, Le pain et le cirque »« Il y a deux grandes espèces de sceptiques : ceux qui ne croient à rien par paresse, par fatigue, par mollesse, esprits aussi « distingués » que totalement désintéressés de tout. Et ceux qui ne croient que ce qu’ils ont compris, éprouvé, prouvé et vérifié. Veyne appartient bien sûr à la seconde race, la bonne. »« P. Veyne m’a constamment aidé au cours de ces années. Il sait ce que c’est que rechercher, en véritable historien, le vrai ; mais il connaît aussi le labyrinthe dans lequel on entre dès qu’on veut faire l’histoire des jeux du vrai et du faux ; il est de ceux, assez rares aujourd’hui, qui acceptent d’affronter le danger que porte avec elle, pour toute pensée, la question de l’histoire de la vérité. Son influence sur ces pages serait difficile à circonscrire. »— Michel Foucault, à propos des modifications introduites entre 1976 et 1984 dans la série de recherches sur l'Histoire de la sexualité[5].
Récompenses
- 2006 : Prix Chateaubriand pour l'Empire gréco-romain (Seuil).
- 2007 : Prix du Sénat du livre d'histoire[6]
Publications
Ouvrages
- Comment on écrit l'histoire : essai d'épistémologie, Paris, Éditions du Seuil, « L'Univers historique », 1970 ; rééd. augmentée de « Foucault révolutionne l'histoire », 1978. (ISBN 2-02-002668-6) ; rééd. abrégée suivie de « Foucault révolutionne l'histoire » dans la collection « Points-histoire », 1979. (ISBN 2-02-005283-0) ; « Points-histoire », 1996. (ISBN 2-02-028778-1)
- avec Roger Errera, Georges Ville (1929-1967). In memoriam, Aix-en-Provence, P. Veyne, 1972.
- Le Pain et le cirque. Sociologie historique d'un pluralisme politique, Paris, Éditions du Seuil, « L'Univers historique », 1976. (ISBN 2-02-004507-9) ; rééd. dans la collection « Points-histoire », 1995. (ISBN 2-02-025463-8)
- L'Inventaire des différences. Leçon inaugurale au Collège de France, Paris, Éditions du Seuil, 1976. (ISBN 2-02-004508-7)
- L'Élégie érotique romaine. L'amour, la poésie et l'Occident, Paris, Éditions du Seuil, « Pierre vives », 1983. (ISBN 2-02-006555-X) ; rééd. dans la collection « Points-histoire », 2003. (ISBN 2-02-062171-1)
- Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Essai sur l'imagination constituante, Paris, Éditions du Seuil, « Des travaux », 1983. (ISBN 2-02-006367-0) ; rééd. dans la collection « Points-histoire », 1992. (ISBN 2-02-015953-8)
- collaboration à Histoire de la vie privée, vol. I, Paris, Éditions du Seuil, 1987.
- René Char en ses poèmes, Paris, Gallimard, « NRF essais », 1990. (ISBN 2-07-071974-X) ; rééd. dans la collection « Tel », 1995. (ISBN 2-07-074102-8)
- La Société romaine, Paris, Éditions du Seuil, « Des travaux », 1991. (ISBN 2-02-012987-6) ; rééd. augmentée d'un texte liminaire dans la collection « Points-histoire », 2001. (ISBN 2-02-052360-4)
- Le Quotidien et l'intéressant. Entretiens avec Catherine Darbo-Peschanski, Paris, Les Belles Lettres, 1995. (ISBN 2-251-44048-8) ; rééd. Paris, Hachette, Pluriel, 1997. (ISBN 2-01-278817-3) ; 2006. (ISBN 2-01-279326-6)
- avec François Lissarrague et Françoise Frontisi-Ducroux, Les Mystères du gynécée, Paris, Gallimard, « Le temps des images », 1998. (ISBN 2-07-074738-7)
- Sexe et pouvoir à Rome, préface de Lucien Jerphagnon, Paris, Tallandier, 2005. Recueil d'articles précédemment publ. dans la revue L'Histoire (1978-2004). (ISBN 2-84734-244-3) ; rééd. dans la collection « Points-histoire », 2007. (ISBN 978-2-7578-0420-9)
- L'Empire gréco-romain, Paris, Éditions du Seuil, « Des travaux », 2005. Recueil d'articles augmentés et remaniés précédemment publiés dans diverses revues (2000-2004). (ISBN 2-02-057798-4) ; rééd. Paris, Éditions France loisirs, 2006. (ISBN 2-7441-9610-X)
- avec Laurent Greilsamer, René Char, Paris, Ministère des affaires étrangères, Culturesfrance, « Auteurs », 2007. (ISBN 978-2-35312-019-2)
- Quand notre monde est devenu chrétien (312-394), Paris, Éditions Albin Michel, « Idées », 2007 (ISBN 978-2-226-17609-7).
- Sénèque. Une introduction, préface de Lucien Jerphagnon, suivi de la lettre 70 des Lettres à Lucilius, Paris, Tallandier, « Texto », 2007. (ISBN 978-2-84734-424-0)
- Michel Foucault. Sa pensée, sa personne, Paris, Albin Michel, Sciences humaines, 2008. (ISBN 2226179143)
Éditions
- Sénèque, Œuvres choisies: Entretiens. Lettres à Lucilius, édition établie et traduction revue par Paul Veyne, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1993. (ISBN 2-221-07127-1) : rééd. 1998. (ISBN 2-221-07127-1)
- avec Marie-Claude Char, René Char, La Sorgue et autres poèmes, textes intégraux ; texte établi d'après l'édition définitive et les éditions originales, édition, avant-propos et notes établis par Marie-Claude Char et Paul Veyne, Paris, Hachette, « Classiques Hachette. Poésie XXe siècle », 1994. (1- Texte (ISBN 2-01-020531-6) ; 2- Dossier du professeur (ISBN 2-01-020532-4))
Préfaces
- à Machiavel, Le Prince, (Il Principe) suivi d'extraits des Œuvres politiques (Opere politiche) et d'un choix des Lettres familières (Lettere familiari), traduit de l'italien par Gohory, Toussaint Guiraudet et Edmond Barincou, Paris, Gallimard, « Folio », 1980. (ISBN 2-07-037173-5) ; rééd. 1988. ; rééd. « Folio Classique », 2007. (ISBN 978-2-07-034483-3)* à Peter Brown, Genèse de l'Antiquité tardive, (The Making of late Antiquity), traduit de l'anglais par Aline Rousselle, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 1983. (ISBN 2-07-070026-7) ; rééd. Paris, Le Grand livre du mois, 1999. (ISBN 2-7028-3795-6)
- à Sénèque, De la tranquillité de l'âme, (De Tranquillitate animi) traduit du latin par Colette Lazam, Marseille, Rivages, « Petite bibliothèque Rivages », 1988. (ISBN 2-86930-151-0) ; rééd. 1993. (ISBN 2-86930-474-9)
- à Elisabeth Couturier, Ernest Pignon-Ernest. Propos recueillis par Elisabeth Couturier, Paris, Herscher, 1990. (ISBN 2-7335-0160-7) : rééd. 2003. (ISBN 2-7335-0362-6)
- à La prière. Les « Hymnes d'Orphée », (« Hymnes orphiques ») traduits et présentés par Pascal Charvet, Paris, Éditions Nil, « Le cabinet de curiosités », 1995. (ISBN 2-84111-026-5)
- à Peter Green, D'Alexandre à Actium. Du partage de l'Empire au triomphe de Rome, (Alexander to Actium. The Historical Evolution of the Hellenistic Age) traduit de l'anglais par Odile Demange, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1997. (ISBN 2-221-08471-3)
- à Gérard Degeorge, Palmyre. Métropole caravanière, Paris, Éditions Imprimerie nationale, 2001. (ISBN 2-7433-0408-1)
- à Paul Zanker, Un art pour le plaisir des sens. Le monde figuré de Dionysos et d'Aphrodite dans l'art hellénistique, (Eine Kunst für die Sinne. Zur Bilderwelt des Dionysos und der Aphrodite) traduit de l'allemand par Cécile Michaud, Paris, G. Monfort, « Imago mundi », 2001. (ISBN 2-85226-495-1)
Traduction
- Christian Meier, La Politique et la grâce. Anthropologie politique de la beauté grecque, (Politik und Anmut), traduit de l'allemand par Paul Veyne, Paris, Éditions du Seuil, « Des Travaux », 1987. (ISBN 2-02.009768-0)
Notes et références
- ↑ Entretien avec Paul Veyne, Lire, décembre 2005 / janvier 2006.
- ↑ Commentaire de Jean Roudaut, professeur d'université qui a écrit la préface des Oeuvres complètes de Char dans la Bibliothèque de la Pléiade : « Il ne sera plus possible de se risquer à commenter un seul poème de René Char sans se référer à ce qui est dit dans ce livre [René Char en ses poèmes]. » in Le Magazine littéraire consacré à René Char, n°340, février 1996.
- ↑ J. Elster (1940-…), Le laboureur et ses enfants : deux essais sur les limites de la rationalité, « Introduction », “La rationalité et les intellectuels français” ; Les Éditions de Minuit, « Propositions », 1986, p. 14.
- ↑ C. Roy (1915-1997), Chemins croisés (1994-1995), « 1995 : Automne », “Paul Veyne et René Char au passage”, Paris, mercredi 6 septembre 1995 ; Gallimard, « NRF », 1997, p. 235.
- ↑ M. Foucault (1926-1984), Histoire de la sexualité, t. II : L’Usage des plaisirs (1984), « Introduction », 1 : “Modifications” ; Gallimard, « Tel », no 279, 1997, p. 15.
- ↑ Communiqué de presse du Sénat, 2 juin 2007
Voir aussi
Articles connexes
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