- Télégraphe de Chappe
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Télégraphe Chappe
Le télégraphe Chappe est un moyen de communication (télégraphe) optique par sémaphore, sur des distances de plusieurs centaines de kilomètres, mis au point par Claude Chappe en 1794. Les sémaphores sont en général placés sur des tours dites tours Chappe.
Sommaire
Description
Les tours Chappe prenaient la forme d'une tour carrée, d'une tour ronde, d'une tour pyramidale ou étaient placées sur un clocher.
Une tour Chappe était constituée :
- du signal (mât muni d'un régulateur pivotant et de deux indicateurs articulés)
- d'une salle de travail à l'étage où le stationnaire observait les tours voisines et actionnait le système de manœuvre du signal
- d'un local de repos en dessous, où le stationnaire pouvait descendre se reposer de un quart d'heure après le coucher du soleil à un quart d'heure avant le lever du soleil.
Deux stationnaires étaient affectés à une tour, et ils se relayaient chaque jour à midi.
Mécanisme
Au début, les mécanismes sont construits par les ateliers de l'administration centrale dans les locaux même de l'administration du télégraphe. En 1833, ils étaient construits dans l'atelier Guillaume Jacquemart Atelier pour la confection des télégraphes et autres machines, passage du Désir, faubourg Saint Denis, numéro 88[1].
Le mécanisme est constitué :
- d'un mât de 7 mètres de couleur bleu ciel en partie extérieure intégrant une échelle pour permettre d'accéder aux éléments mobiles et réaliser leur entretien ;
- d'un bras principal de couleur noire nommé régulateur, de 4,60 m de long sur 0,35 m de large ;
- de deux ailes noires nommées indicateurs, de 2 m sur 0,30 m ;
- de contrepoids gris pour chaque indicateur, nommés fourchettes ;
- d'un système de manœuvre au pied du mat en salle de travail, nommé manipulateur, reproduisant à l'identique les positions du signal ;
- d'un système de transmission par câbles et poulies de renvoi.
Les régulateurs et indicateurs sont munis de persiennes fixes pour réduire la prise au vent.
Le mât et les structures du régulateur et des indicateurs sont en chêne, les persiennes en bois de pin, les poulies en orme, les poignées en frêne, les mécanismes sont en fer, bronze et laiton[2].
Historique
Communiquer sur de longues distances n’est pas un problème récent. Entre la vitesse du cheval au galop et les débuts du télégraphe électrique, Claude Chappe mit au point un ingénieux système de communication de télégraphe aérien pendant la Révolution. Les « tours de Chappe » était coiffées d’un mât mobile visible à la jumelle de la tour voisine, distante d’environ 25 km. La ligne Paris-Lille fut ainsi opérationnelle dès 1794 et permit par exemple de transmettre des messages entre ces deux villes en seulement six heures.
- En 1844, 534 tours quadrillent le territoire français reliant sur plus de 5 000 km les plus importantes agglomérations. En 1845, la première ligne de télégraphe électrique est installée en France entre Paris et Rouen, sonnant le glas des tours de Chappe.
Les télégraphistes connaissaient 6 signes fonctionnels et étaient soumis à un régime très sévère de présence.
Chronologie
Claude Chappe définit en 1790 un nouveau projet visant à « mettre le gouvernement à même de transmettre ses ordres à une grande distance dans le moins de temps possible.[3] » Ayant essayé plusieurs solutions, il opte finalement pour la transmission de signes optiques avec observation à la lunette. Les 2 et 3 mars 1791, Chappe expérimente un télégraphe optique avec un système de pendules synchronisées et un panneau optique blanc et noir entre Brûlon et Parcé. Il transmet alors le message suivant : « L'Assemblée nationale récompensera les expériences utiles au public.[4] »
En juin 1791, Claude Chappe s’installe à Paris et réalise des nouvelles expériences à Ménilmontant. Chappe et les commissaires qui le soutiennent tentent d'obtenir l'adhésion du pouvoir politique, afin de généraliser l'usage du télégraphe. Le 22 mars 1792, Chappe soumet une pétition à l'Assemblée législative, dans laquelle il décrit son invention comme « un moyen certain d'établir une correspondance telle que le corps législatif puisse faire parvenir ses ordres à nos frontières et en recevoir la réponse pendant la durée d'une même séance.[5] »
Le député Charles-Gilbert Romme, qui préparait son rapport sur le télégraphe, propose le 12 mars 1793 au commissaire de la Convention en Belgique de substituer ce système à celui des estafettes.[6] Romme présente le 1er avril son rapport à la Convention au nom des Comités de l'instruction publique et de la Guerre, en mentionnant le seul usage militaire du télégraphe[7]. Peu de temps après, le mot télégraphe fait son apparition grâce à André-François Miot de Mélito.
Le 12 juillet 1793, un première essai est mené sur une distance de 26 km, entre Ménilmontant, Écouen et Saint-Martin-du-Tertre (Val-d'Oise). Le 25 juillet suivant, Claude Chappe est nommé ingénieur télégraphe par décret, et le lendemain, Lakanal présente le rapport qui fait le bilan de l'expérimentation décrétée par la Convention. Chappe adresse une lettre à Lakanal à propos des opposants au projet :
« Comment n'ont-ils pas été frappés de l'idée ingénieuse que vous avez développée hier au Comité [d'instruction publique] et à laquelle je n'avais pas songé ? L'établissement du télégraphe est, en effet, la meilleure réponse aux publicistes qui pensent que la France est trop étendue pour former une République. Le télégraphe abrège les distances et réunit en quelque sort une immense population sur un seul point[8] »
Le 4 août 1793, le Comité de salut public ordonne la mise en place de la ligne Paris-Lille sous la juridiction du ministère de la guerre.
Le 30 avril 1794, premier essai de la ligne Paris-Lille.
Le 30 août 1794, la première dépêche annonçant la prise de Condé-sur-Escaut : « Condé être restitué à République, reddition ce matin 6 heures ».
Le 3 octobre 1794, décision de construire la ligne Paris-Landau (plus tard déviée vers Strasbourg).
En avril 1795, prolongation de la ligne nord vers Bruxelles.
En août 1798, mise en service de la ligne Paris-Brest.
En juillet 1801, essai de nuit entre Ménilmontant et Saint-Martin-du-Tertre sans relais.
En 1805, création de la ligne Paris-Turin.
En 1810, la ligne nord va à Amsterdam et la ligne sud à Venise par Lyon, Turin et Mantoue (124 postes, 1200 km, par le col du Mont-Cenis).
Une ligne Metz-Mayence existe du 29 mai 1813 à 1814.
En 1821, une ligne entre Lyon, Marseille et Toulon est créée.
Le 3 mai 1837, loi sur le monopole de la communication en France.
En 1844, 534 tours quadrillent le territoire français reliant sur plus de 5 000 km les plus importantes agglomérations.
En 1845, la première ligne de télégraphe électrique est installée en France entre Paris et Rouen, sonnant le glas des tours de Chappe.
En 1855, abandon de la dernière ligne du télégraphe aérien.
Les gros inconvénients du système étaient qu'il ne pouvait fonctionner ni la nuit ni par mauvaise visibilité et qu'il mobilisait beaucoup d'opérateurs (un tous les 15 kilomètres environ).
Détails de la communication
Un message
Un message transitait sur le réseau en plusieurs étapes.
Codage
Le message écrit en clair était confié au directeur d'une extrémité d'une ligne. En utilisant un code formé de milliers de mots, expressions et phrases (ce qui accélérait la transmission), il traduisait chaque éléments en une paire de deux valeurs qu'il notait sous forme de signaux télégraphiques : il codait le message. Seuls les directeurs en début et fin de ligne avaient un exemplaire du livre de code télégraphique. Cela permettait de transmettre des messages en toute confidentialité.
Le directeur remettait un document contenant une suite de signaux télégraphiques au stationnaire de la station d'émission.Transmission du message
Les stationnaires relayaient les messages observés à la lunette en actionnant le mécanisme de leur tour et en consignant les signaux transmis dans un registre.
Le message était transmis comme suit :
- la position diagonale deux indicateurs repliée indiquait l'absence de message à transmettre (position d'attente) et constituait une position neutre entre deux signaux lorsque les indicateurs étaient en mouvement.
- un signal de service était transmis pour préciser l'urgence en entête de message.
- suivi d'une position diagonale des bras...
- Et pour chaque mot ou expression du message :
- un premier code indiquait la page d'un livre dédié
- ensuite une position diagonale des bras pour composer
- un second code qui indiquait la ligne de la page
- suivi d'une position diagonale des bras...
Position de sécurité
premier code
second code
La position verticale du régulateur avec les deux indicateurs repliés est une position correspondant à un code, mais est également une position permettant un verrouillage de sécurité moderne lorsque les stations actuelles sont à l'arrêt.
La position diagonale du régulateur signifiait Pas de message à transmettre si elle était fixe avec les deux indicateurs repliés ou Composition d'un signal si il y avait mouvement des indicateurs.
Décodage
Le stationnaire de la station destinataire remettait le message en signaux télégraphique au directeur qui décodait le message à l'aide du livre de code.
Si le message à l'arrivée était incohérent, un inspecteur remontait la ligne en comparant le message codé reçu avec le registre des messages de chaque station pour déterminer où l'erreur avait été générée, ce qui permettait de retrouver le message initial et de sanctionner le stationnaire qui avait commis l'erreur.Signaux
Les signaux sont valides :
- quand le bras principal de couleur noire nommé régulateur est en position verticale ou horizontale,
- les petites ailes noires nommées indicateurs sont :
- repliées sur le régulateur
- à l'équerre avec le régulateur
- forment un angle à 45° avec le régulateur
La position dans le prolongement du régulateur n'est mécaniquement pas possible, ce qui évite un risque d'ambiguïté.
Lorsque le régulateur est en position oblique, c'est que le stationnaire est en train de manœuvrer pour émettre un signal, ou qu'il n'y avait pas de message à transmettre.
Chaque indicateur pouvait prendre sept positions par rapport au régulateur, ce dernier pouvant en prendre deux, ce qui nous donne 98 positions possibles (=7*7*2). Positions auxquelles on retire six signaux de service, ce qui laissait 92 signaux pour former le message, ce qui en utilisant deux signaux par mot ou expression, permettait d'avoir un vocabulaire de 8464 mots (=92*92).
Réseau
En 1793, une expérimentation est réalisée avec 3 stations : Saint-Martin-du-Tertre, Écouen et Ménilmontant de 1793[9].
- Ensuite, un réseau de lignes est développé (principales lignes avec périodes d'exploitation)
- Paris - Lille : 1794-1847
- Paris - Metz - Strasbourg : 1797-1852
- Lille - Dunkerque : 1798-1801
- Strasbourg - Huningue : 1799-1800
- Paris - Saint-Malo - Brest : 1799-
- Vic-sur-Seille - Lunéville : 1800-1801
- Lille - Boulogne-sur-Mer : 1803-1816
- Lille - Bruxelles : 1803-1814
- Paris - Lyon : 1807-1852
- Lyon-Venise : Lyon - Turin : 1807-1814, Turin - Milan : 1809-1814, Milan - Mantoue - Venise : 1810-1814
- Bruxelles - Anvers : 1810-1813
- Anvers - Flessangue : 1810-
- Anvers - Amsterdam : 1811-1813
- Metz - Mayence : 1813-1814
- Lille - Calais : 1816-1852
- Lyon - Valence - Marseille - Toulon : 1821-1852
- Paris - Tours - Poitiers - Angoulême - Bordeaux - Bayonne : 1822-
- Avranches - Rennes - Nantes : 1832-
- Avignon - Nimes - Montpellier - Narbonne : 1832-
- Blaye - Bordeaux : 1832-
- Bordeaux - Agen - Toulouse - Narbonne : 1834-
- Cherbourg - Avranches : 1835-
- Narbonne - Perpignan : 1840-
- Dijon - Besançon : 1840-1852
- Calais - Boulogne-sur-Mer : 1840-1852
- Boulogne-sur-Mer - Eu : 1846-1852
- Bayonne - Béhobie : 1846-
Une ligne militaire fut utilisée durant la guerre de Crimée [1854-1856].
Jusqu'à aujourd'hui, les sites de télégraphe de Chappe, en raison de leurs emplacements, ont été très recherchés pour installer des relais de communications hertziens et, même envisagés pour un type de télécommunications optiques très différent : les liaisons laser [réf. nécessaire].
Le personnel
Ce réseau reposait sur des hommes que l'on répartit en trois catégories principales.
Directeurs
Dans les directions, ils étaient les seuls à avoir accès au code télégraphique et étaient chargé du codage et du décodage des dépêches.
Inspecteurs
Ils étaient chargés de la surveillance d'un tronçon d'un douzaine de stations (appelé division).
Stationnaires
Appelés aussi télégraphiers ou télégraphistes, ils surveillaient les tours voisines et actionnaient les mécanismes des tours pour transmettre les messages. Les télégraphistes connaissaient 6 signes fonctionnels (appelés signaux de service) et étaient soumis à un régime très sévère de présence. Il étaient recrutés soit par cooptation, soit parmi des militaires invalides, soit dans la population locale.
Évocations dans la littérature
Dans Lucien Leuwen, Stendhal présente une lutte de pouvoir entre Lucien Leuwen et le préfet M. de Séranville auprès du directeur du télégraphe M. Lamorte[1].
Un des épisodes du roman d'Alexandre Dumas Le Comte de Monte-Cristo met en jeu le télégraphe Chappe. Il correspond aux chapitres LX et surtout LXI : le Comte de Monte-Cristo corrompt l'employé d'une des tours qui composent la ligne de Paris à l'Espagne et lui fait exécuter d'autres signes que ceux de la dépêche envoyée depuis l'Espagne ; il en résulte à Paris une brève panique boursière où son ennemi Danglars perd une forte somme. Ce passage est pour Dumas l'occasion de décrire assez en détail le fonctionnement d'une ligne de télégraphe Chappe.
Patrimoine actuel
Une douzaine de stations télégraphiques réparties sur tout le territoire français ont été réhabilitées.
- Une tour Chappe restaurée et fonctionnelle se trouve à environ 1,5 km du village d'Annoux dans l'Yonne. Elle faisait partie de la ligne Paris-Lyon.
- Une autre parfaitement remise en état et fonctionnelle se trouve au-dessus du village de Saint-Marcan en Ille-et-Vilaine. Elle faisait partie de la ligne Paris—Brest.
- La tour Chappe dite Le Trou d’Enfer, à Bailly (Yvelines), ligne Paris—Brest.
- La tour Chappe de Marcy-sur-Anse (Rhône), sur la ligne Paris—Lyon. Restaurée et fonctionnelle.
- La tour Chappe de Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), sur la ligne Lyon—Marseille—Toulon est restaurée et fonctionnelle.
- La tour Chappe de Saverne sur la ligne Paris—Strasbourg. Restaurée et fonctionnelle.
- La tour Chappe de Lançon-Provence (Bouches-du-Rhône), de la ligne Lyon—Marseille—Toulon.
- La tour Chappe de Baccon (Loiret), de la ligne de Bordeaux.
- La tour Chappe de Gradignan (Gironde), de la ligne de Bordeaux.
- La tour Chappe de Gallargues-le-Montueux (Gard), de la ligne Avignon—Bordeaux.
- La tour Chappe de Lévignac-sur-Save (Haute-Garonne), de la ligne Avignon—Bordeaux.
- La tour Chappe de Jonquières (Aude), de la ligne Narbonne—Perpignan, équipée d'un mécanisme (variante de type Flocon) en fonctionnement.
Articles connexes
Liens externes
- Le télégraphe Chappe
- Localiser les tours Chappe ( www.CollectionneurPTT.fr )
- Les Télégraphes Chappe (site web de l'École centrale de Lyon)
- Le télégraphe Chappe dans Louis Figuier, Les merveilles de la science, t. 2 (sur gallica)
- Les tours Chappe actuellement visitables en France
- La tour de Saint-Marcan (Ille-et-Vilaine)
Notes et références
- ↑ a et b Catherine Bertho, Télégraphes et téléphones, de Valmy au microprocesseur, Éditions Le Livre de Poche, Paris, 1981, numéro 5581, ISBN 2-253-02832-0
- ↑ Cahiers de la FNARH numéro 100, pages 15 à 19
- ↑ Ignace Chappe, Histoire de la télégraphie, Richelet, Le Mans, 1840, p. XII, cité par Patrice Flichy, Une histoire de la communication moderne : Espace public et vie privée, 1997 [détail des éditions]
- ↑ Patrice Flichy, Une histoire de la communication moderne : Espace public et vie privée, 1997 [détail des éditions]
- ↑ Édouard Gerspach, « Histoire administrative de la télégraphie aérienne en France » in Annales télégraphiques, t. III, 1860, p. 57-58, cité par Patrice Flichy, Une histoire de la communication moderne : Espace public et vie privée, 1997 [détail des éditions]
- ↑ Le Moniteur universel, 14 mars 1793, p. 33, cité par Patrice Flichy, Une histoire de la communication moderne : Espace public et vie privée, 1997 [détail des éditions]
- ↑ Le Moniteur universel, 4 avril 1793, p. 30-31, cité par Patrice Flichy, Une histoire de la communication moderne : Espace public et vie privée, 1997 [détail des éditions]
- ↑ Courrier cité par J. Guillaume, Procès-verbaux du Comité d'instruction publique de la Convention nationale, t. II, Paris, 1891, p. 7, cité par Patrice Flichy, Une histoire de la communication moderne : Espace public et vie privée, 1997 [détail des éditions]
- ↑ télégraphe Chappe
Bibliographie
GALFANO Georges, Le Télégraphe Chappe dans l'Aude / Georges Galfano. - Narbonne : Association de recherche historique sur les techniques de communication, 1986.
JAMAUX, Alfred Le Télégraphe de Saint-Marcan : sur la ligne Paris-Brest du télégraphe Chappe / Alfred Jamaux. - Saint-Malo : Jamaux, A., 2006.
JAMAUX, Alfred Le Télégraphe du Mont-Dol : sur la ligne Paris-Brest du télégraphe Chappe / Alfred Jamaux . - Jamaux, A., 2006
LE PESTIPON, Alain Le Télégraphe Chappe à Toulouse et dans la Haute-Garonne / Alain Le Pestipon. - Toulouse : Association pour l'histoire des télécommunications dans le Midi-Pyrénéen, 1992.
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