Tribunal militaire (Suisse)

Tribunal militaire (Suisse)

Les Tribunaux militaires réprimandent les militaires suisses en service ainsi que les civils sous certaines conditions[1] sur la base du Code pénal militaire.

Sommaire

Histoire

L'idée d'une justice militaire apparaît dans la Confédération Suisse au XIVe siècle lors du Convenant de Sempach qui établit divers règles et comportements à adopter lors d'une guerre, ou d'une conquête par les forces armées membres de l'alliance. On peut citer par exemple l'interdiction de maltraiter une femme[2], ou l'attitude à adopter en ce qui concerne le pillage[3]. En cas de non-respect de ces règles, le militaire était jugé selon la juridiction de son État et non par un organe en commun.

En ce qui concerne les mercenaires pour lesquels la Suisse était réputée, ce n'est qu'au XVIIe siècle qu'une base légale prévoyait le règlement d'une affaire. Le mercenaire était jugé par son commandant et non par le Seigneur pour lequel il combattait[4]. Ce principe était très fort en Suisse ; la naissance même de la Confédération à ses débuts avait pour objectif l'indépendance (aussi bien politique que judiciaire) face aux puissances étrangères comme le Saint-Empire ou les Habsbourgs, par exemple.

Lors de la naissance de l'État fédéral en 1848, il fallait marquer la distinction entre les troupes fédérales et les troupes cantonales[5] mais même dans ce cas, le militaire qui commettait une faute était jugé selon le canton d'origine[6].
Ce n'est qu'avec l'adoption de la nouvelle Constitution de 1874 et la politique de centralisation de l'armée qu'on assiste à la création en 1889[7] d'un unique droit militaire, au sens fédéral. Toutefois, il manquait l'essentiel, à savoir une base légale et on se rendit compte à la fin de la Première Guerre mondiale qu'il était nécessaire d'en créer une pour améliorer l'efficacité de la justice et l'homogénéité de la jurisprudence. Ce fut chose faite en 1927 avec la création du Code pénal militaire[7].

Fonctionnement

Souvent considérée comme une justice d'exception réglant les problèmes internes de façon cachée, la Justice militaire, bien que composante de l'armée, n'est en réalité pas intégrée dans l'organigramme de cette dernière, ni même dans l'organigramme du domaine "Défense" du Département de la Défense, de la Protection de la population et des Sports. Elle est directement subordonnée au chef du département, étant précisé que les dispositions légales (article 1 de la Procédure pénale militaire, PPM) consacrent sa totale indépendance dans ses compétences juridictionnelle tant à l'égard du commandement de l'armée que de l'administration ou de la direction du département, de même que l'indépendance des Tribunaux militaires est garantie vis-à-vis de l'Office de l'Auditeur en Chef. Dès lors, le commandement de l'armée n'a aucune prise sur la Justice militaire et ne saurait lui donner la moindre instruction. Il est également précisé à l'article 107 PPM, que le Juge d'instruction, lors de son enquête, dirige celle-ci "sans aucune immixtion des supérieurs militaires de l’inculpé ou du suspect."

En outre, il convient de préciser que dans le personnel non-administratif, l'Auditeur en Chef est un des seuls membres à plein-temps de la Justice militaire. Brigadier, il porte en général l'uniforme lors de ses apparitions officielles. Il n'est toutefois pas formellement un militaire professionnel, mais un haut-fonctionnaire de la Confédération. Les autres membres de la Justice militaire sont en revanche des miliciens et accomplissent leurs tâches militaires à côté de leur carrière civile. Tous ont une formation juridique et la plupart sont juristes dans des administrations, avocats ou magistrats. Pour pallier les problèmes pratiques que cela peut poser dans certaines enquêtes relativement longues, 6 juges d'instruction fonctionnent à plein temps à titre de personnel militaire contractuel.

Les tribunaux militaires sont organisés, comme les Tribunaux civils, en trois instances. La première recouvre 8 Tribunaux militaires (TM; TM1-3 : francophones, TM4-7 : germanophones, TM8 : italophone), la seconde trois Tribunaux militaires d'appel (TMA; TMA1 : francophone, TMA2 : germanophone, TMA3 : italophone) et la troisième, au même niveau que le Tribunal fédéral, le Tribunal militaire de cassation (TMC).

En audience, un TM est composé de trois membres de la Justice militaire, à savoir le Président (en général un colonel ou lieutenant-colonel), l'auditeur (procureur militaire) et le greffier. En outre, l'huissier est également incorporé dans la Justice militaire. La Cour est composées de cinq juges, à savoir le Président, 2 juges officiers et 2 juges sous-officiers ou soldats, les quatre étant issus de la Troupe est nommés par le chef du Département de la Défense, de la Protection de la population et des Sports sur délégation de l'Assemblée fédérale. Ils ne sont dès lors pas incorporés dans la Justice militaire et n'ont pas toujours de formation juridique. Le Président est le garant du respect du droit et les quatre juges issus de la troupe ont pour tâche d'apporter le point de vue de militaires de terrain ceci tant à l'échelon des officiers que de la troupe. Les décisions sont prises à la majorité simple. Seul le Président à connaissance du dossier complet, les juges prenant connaissance de l'affaire lors des débats. L'accusé est obligatoirement assisté d'un avocat, qui peut être désigné d'office et payé par la Confédération même si l'accusé n'est pas indigent, avocat qui ne peut en aucun cas être membre de la Justice militaire. L'usage veut que l'avocat puisse, s'il le souhaite, plaider en uniforme, en robe ou en tenue de ville.

La décision du TM est susceptible d'appel auprès d'un TMA, puis du TMC, dont les juges sont tous des juristes incorporés dans la Justice militaire. Les présidents du TMC sont en règle générale également juges au Tribunal fédéral et de ce fait reprennent la jurisprudence de ce tribunal.

Outre les Tribunaux militaires, la Justice militaire comprend l'Office de l'Auditeur en Chef (OAC, en allemand Oberauditorat, OA), qui est responsable du bon fonctionnement de la Justice militaire tant du point de vue administratif qu'organisationnel.

Peine de mort

Alors que sur le plan civil la peine de mort était abolie, il fallut attendre le 22 avril 1991 pour que celle-ci soit enlevée du Code pénal militaire et remplacée par une peine privative de liberté à vie[8]. Avant cette date, la peine de mort était une sentence possible, uniquement en temps de guerre, pour des actes tels que : l'espionnage, la trahison militaire, les actes d'hostilité contre l'armée suisse, le port d'armes par un Suisse contre la Confédération, les services rendus à l'ennemi, l'assassinat, le pillage et le brigandage de guerre.

Affaire récente

  • 6 février 2007: Le Tribunal militaire 6 a mis en accusation trois collaborateurs du Sonntags Blick[9] à propos de l'affaire du fax égyptien[10] concernant les prisons secrètes de la CIA, intercepté par les renseignements militaires suisses, que le journal avait publié[11].


Notes et références

  1. Code pénal militaire, art. 3
  2. « Nous ordonnons aussi [...] que nul de nous ne devra, étant armé, blesser, frapper ou maltraiter une femme ou une fille [...] », art. 9 Convenant de Sempach
  3. « [...] éviter de piller sans scrupule, que ce soit dans un château-fort, dans une ville, [...] », art. 7 Convenant de Sempach
  4. « Ces militaires n'étaient pas soumis à l'autorité pénale du seigneur pour lequel ils guerroyaient, mais à celle de leurs propres commandants »
  5. Les troupes fédérales étaient sous contrôle de la Confédération alors que les troupes cantonales était sous contrôle du canton
  6. « des troupes fédérales, mais aussi des troupes cantonales, qui restaient soumises à l'autorité de leurs propres tribunaux militaires »
  7. a et b Historique Justice militaire
  8. FF 1991 II 1420
  9. Un journal suisse
  10. CIA: les découvreurs du fax égyptien repassent à l'offensive
  11. L'auditeur du Tribunal militaire 6 a mis en accusation des collaborateurs du «SonntagsBlick» pour violation de secrets militaires.

Voir aussi

Lien externe



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