- Tribunal de Tōkyō
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Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient
Le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient (ou Tribunal de Tōkyō ou encore Tribunal militaire de Tōkyō), fut créé le 19 janvier 1946 pour juger les grands criminels de guerre japonais de la Seconde Guerre mondiale.
Sommaire
Sa création
Conformément à la proclamation de Potsdam du 26 juillet 1945, le général Douglas MacArthur, en qualité de Commandant suprême des Puissances alliées en Extrême-Orient, créa le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient le 19 janvier 1946.
Son mandat
A l'occasion du Tribunal militaire international de Nuremberg, on avait classé les crimes en trois catégories :
- Classe A : crimes contre la paix, visait uniquement les hautes sphères du pouvoir et ceux qui avaient planifié et dirigé la guerre.
- Classe B : crimes de guerre.
- Classe C : crimes contre l'humanité.
S'inspirant directement du procès de Nuremberg, le Tribunal de Tōkyō était destiné à juger les criminels de Classe A.
Sa composition
Ce tribunal était composé de onze juges, un pour chaque pays victorieux (États-Unis, Union Soviétique, Royaume-Uni, France, Pays-Bas, Chine, Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Inde, et Philippines). Le président du Tribunal était l'Australien William Webb et l'Américain Joseph Keenan était le Procureur en chef.
Les personnes visées
Le Tribunal visait trois catégories de personnes différentes :
- Les hauts responsables.
- Les officiers militaires.
- Les officiers de grades inférieurs.
Au final, sur 80 suspects de crimes de classe A, 28 personnes furent poursuivies (19 militaires et 9 civils) :
- Quatre Premiers ministres : Kiichiro Hiranuma, Koki Hirota, Kuniaki Koiso, Hideki Tōjō
- Trois ministres des Affaires étrangères : Yosuke Matsuoka, Mamoru Shigemitsu, Shigenori Togo
- Quatre ministres de la Guerre : Sadao Araki, Shunroku Hata, Seishiro Itagaki, Jiro Minami
- Deux ministres de la Marine : Osami Nagano, Shigetaro Shimada
- Six généraux : Kenji Doihara, Heitaro Kimura, Iwane Matsui, Akira Muto, Kenryo Sato, Yoshijiro Umezu
- Deux ambassadeurs : Hiroshi Oshima, Toshio Shiratori
- Trois hommes d'affaires ou trafiquants de drogue : Naoki Hoshino, Okinori Kaya, Teiichi Suzuki
- Le garde des sceaux Koichi Kido
- Le théoricien radical : Shumei Okawa
- Un amiral : Takasumi Oka
- Un colonel : Kingoro Hashimoto
Les personnes et les cas ayant bénéficié d'une exonération
Plusieurs personnes ne comparurent pas devant le tribunal, en raison de leurs appuis ou des informations qu'ils détenaient.
En raison d'un pacte de collaboration conclu entre MacArthur et l'empereur Hirohito, voici les personnes qui n'ont pas comparu :
- Shōwa lui-même (Hirohito), qui conserva son poste en dépit de nombreuses pressions d'abdication provenant même de membres de sa famille.
- Les membres de la famille impériale impliqués dans la commission de crimes de guerre ou dans la conduite des opérations militaires comme les frères de l'empereur, Yasuhito Chichibu, maître d'œuvre de l'opération Lys d'or, et Nobuhito Takamatsu ou encore des parents plus éloignés comme le prince Hiroyasu Fushimi, le prince Naruhiko Higashikuni, le prince Yasuhiko Asaka, instigateur du massacre de Nankin, et le prince Tsuneyoshi Takeda.
Plusieurs historiens critiquent cette décision d'exonérer l'Empereur et la famille impériale de poursuites criminelles[1]. Selon l'historien John Dower, "La campagne menée à bien pour absoudre l'Empereur de sa responsabilité à l'égard de la guerre ne connut pas de limite. Hirohito ne fut pas seulement présenté comme étant innocent de tout action formelle qui aurait pu le rendre susceptible d'une inculpation comme criminel de guerre, il fut transformé en une sorte d'icone sainte ne portant même aucune responsabilité morale pour la guerre."[2] Selon Herbert Bix, "Les mesures réellement extraordinaires entreprises par MacArthur pour sauver Hirohito d'un jugement comme criminel de guerre eurent un impact persistant et profondément distordant dans la compréhension des Japonais à l'égard de la guerre perdue." et "Immédiatement à son arrivée au Japon, (le brigadier-général) Bonner Fellers se mit au travail pour protéger Hirohito du rôle qu'il avait joué pendant et à la fin de la guerre." et "permit aux principaux criminels de coordonner leur version des faits afin que l'empereur échappe à une inculpation."[3]
De plus, les membres de l'unité de recherche bactériologique, Unité 731 comme Shiro Ishii ne furent pas inquiétés en échange d'informations sur les résultats de leurs « travaux »[4] dont aucune mention ne fut faite devant le tribunal.
En 1981, le Bulletin of the Atomic Scientists publia un article par John W. Powell expliquant en détail les expérimentations de l'Unité 731 et les tests à l'air libre sur les populations civiles. Cet article était accompagné d'un mot du juge néerlandais B. V. A. Röling, dernier survivant du Tribunal, qui notait que "Comme membre du Tribunal, c'est pour moi une expérience amère d'être informé aujourd'hui que des actes criminels de la nature la plus abjecte, ordonnés par le gouvernement central du Japon, ont été tenus à l'écart de la Cour par le gouvernement des États-unis."[5]
De nombreux criminels ont bénéficié des rivalités entre les forces nationalistes de Chiang et les communistes de Mao pour échapper à la justice. Mentionnons parmi eux le général Yasuji Okamura, instigateur des maisons de confort où étaient employées les femmes de réconfort et maître d'œuvre de la Politique des Trois Tout (三光作戦, Sankō Sakusen?, « tue tout, brule tout, pille tout »), une stratégie de la terre brûlée, ou encore Masanobu Tsuji, instigateur du massacre de Singapour et complice de la marche de la mort de Bataan.
D'autre part, certains hommes politiques, suspectés de crime de guerre, ne furent pas jugés par le tribunal. Ils purent reprendre une vie politique, après la fin de l'interdiction de participation aux affaires publiques, en 1952, comme Nobusuke Kishi qui fut premier ministre en 1957, ou Ryōichi Sasakawa.
Pour Dower, "Même les pacifistes japonais qui ont endossé les idéaux de Nuremberg et de Tokyo, et qui ont travaillé à documenter et à publiciser les atrocités du régime shôwa, ne peuvent justifier la façon dont les procès sur les crimes de guerre ont été menés ; pas plus qu'ils ne peuvent défendre la décision américaine d'exonérer l'empereur de sa responsabilité pour la guerre et ensuite, au sommet de la guerre froide, de libérer et peu après d'embrasser des criminels de guerre d'extrême-droite accusés comme le futur premier ministre Nobusuke Kishi."[6]
Le verdict
Durant le procès, Matsuoka Yosuke et Nagano Osami moururent de causes naturelles, Okawa Shumei fut interné pour troubles mentaux. C'est pour cette raison que le verdict rendu le 12 novembre 1948 ne concerna que 25 accusés sur les 28.
Sept Japonais furent condamnés à la peine de mort par pendaison le 23 décembre 1948 :
- Kenji Doihara
- Koki Hirota
- Heitaro Kimura
- Seishiro Itagaki
- Iwane Matsui
- Akira Muto
- Hideki Tōjō
Tous les autres prévenus furent condamnés à des peines d'emprisonnement de 7 ans, 20 ans ou à perpétuité. Kuniaki Koiso, Toshio Shiratori, Yoshijiro Umezu et Shigenori Togo moururent en prison durant leur peine.
À compter de 1954, les condamnés survivants encore en prison furent libérés sur parole (ou pour raison de santé) par le nouveau Parti libéral démocrate et le retour au pouvoir d'anciennes personnalités influentes du régime shôwa comme Ichiro Hatoyama et Nobusuke Kishi. Cette libération permis à certains criminels d'occuper à nouveau des postes très importants dans l'administration japonaise, comme Mamoru Shigemitsu qui fut ministre des Affaires étrangères du gouvernement.
Ces libérations anticipées (ainsi que les cas non traités, comme la responsabilité de Hirohito) furent le reflet de la politique ambiguë des États-Unis vis-à-vis du Japon. La guerre froide battant son plein (avec la guerre de Corée), il fallait faire du Japon un pays allié et le meilleur moyen était de tourner la page le plus rapidement possible. Cela favorisa certainement la montée d'un révisionnisme japonais sur les crimes de guerre commis par le Japon.
Ce qu'apporta ce Tribunal
Tout comme le Tribunal de Nuremberg, le tribunal de Tōkyō fut très politique. Mais il permit de juger des criminels. Ces deux tribunaux participèrent à l'effort pour l'établissement d'une justice internationale pénale (voir l'article sur la Cour pénale internationale).
Bibliographie
- Kentaro Awaya et Annette Wieviorka (dir.), Les Procès de Nuremberg et de Tokyo, éd. Complexe, 1999
- Frank Michelin, Le procès des criminels de guerre japonais, in L'Histoire, n° 271, p. 54-62
Filmographie
En 2006, le réalisateur chinois Gao Qunshu réalisa un film sur le procès, vu sous l'angle du juge chinois Ju-Ao Mei. [1]
Notes et références
Voir aussi
Liens externes
- (en) Judgment International Military Tribunal for the Far East : recueil des jugements
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