- Théorème de Wilson
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En mathématiques, plus précisément en arithmétique élémentaire, le théorème de Wilson énonce qu'un entier p plus grand que 1 est premier si et seulement si la factorielle de p - 1 est congrue à -1 modulo p. Cette caractérisation des nombres premiers est assez anecdotique et ne constitue pas un test de primalité efficace. Son principal intérêt réside dans son histoire et dans la relative simplicité de son énoncé et de ses preuves.
Sommaire
Énoncé et exemples
Énoncé
Théorème de Wilson — Un entier p strictement plus grand que 1, est un nombre premier si et seulement s'il divise (p - 1)! + 1, c'est-à-dire si et seulement si[1]:
Ici, le symbole « ! » désigne la fonction factorielle et le symbole « . ≡ . (mod .) » désigne la congruence sur les entiers.
Exemples
- Si p est égal à 2, alors (p - 1)! + 1 est égal à 2, un multiple de 2.
- Si p est égal à 3, alors (p - 1)! + 1 est égal à 3, un multiple de 3.
- Si p est égal à 4, alors (p - 1)! + 1 est égal à 7 qui n'est pas multiple de 4.
- Si p est égal à 5, alors (p - 1)! + 1 est égal à 25, un multiple de 5.
- Si p est égal à 6, alors (p - 1)! + 1 est égal à 121 qui n'est pas multiple de 6.
- Si p est égal à 17, alors (p - 1)! + 1 est égal à 20 922 789 888 001, un multiple de 17 car 17 x 1 230 752 346 353 = 20 922 789 888 001.
Histoire
Le premier texte à faire référence à ce résultat est énoncé par le mathématicien arabe Alhazen (965 - 1039), démontrant une remarquable avance sur les sciences occidentales[2],[3]. Ce théorème est connu à partir du XVIIe siècle en Europe. Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646 - 1716) fait référence à ce résultat sans le démontrer. John Wilson (1741 – 1793) redécouvre ce qu'il croit être une conjecture et en partage la découverte avec son professeur Edward Waring (1736 – 1798) qui publie cette conjecture en 1770[4],[5].
Trois ans plus tard, Joseph-Louis Lagrange (1736 – 1813) en publie une première démonstration[6] et Leonhard Euler (1707 – 1783) en présente une deuxième[7]. Utilisant les notations de l'arithmétique modulaire, Carl Friedrich Gauss (1777 - 1855) reformule les démonstrations de Lagrange et d'Euler et en donne une troisième[8].
Démonstrations
Tout d'abord, si l'entier (p - 1) ! + 1 est congru à 0 modulo p, c'est-à-dire s'il est de la forme kp pour un certain entier k, alors la relation 1 = kp -[1.2.3...(p-1)] fournit une identité de Bézout entre p et tous les entiers strictement plus petits. Ainsi p est premier avec chacun d'eux, et donc premier.
Passons à la réciproque. On suppose p premier. L'anneau Z/pZ est alors un corps commutatif, c'est-à-dire que modulo p, les classes de congruence de 1, 2, ..., p-1 sont inversibles (il s'agit juste de l'identité de Bezout). On note ce corps Fp. Les démonstrations ci-dessous reprennent le principe des trois démonstrations historiques, mais sont présentées avec la notation « moderne » (introduite par Gauss) des congruences. Elles peuvent[9]se reformuler sans celle-ci.
Démonstration de Lagrange
Le groupe Fp* des inversibles du corps Fp étant d'ordre p-1, le théorème de Lagrange sur les groupes implique que ses p-1 éléments sont racines du polynôme , dont le degré vaut justement p-1. Un autre théorème de Lagrange (concernant les polynômes sur un corps) permet alors d'en déduire la factorisation
d'où, par évaluation en :
Démonstration d'Euler
Euler utilise que le groupe multiplicatif Fp* est cyclique, c'est-à-dire engendré par une classe a particulière, ce qui revient à dire que les p - 1 premières puissances de a (quand l'exposant varie de 0 à p-2) forment les éléments de ce groupe. En faisant leur produit on a donc :
où l'exposant n se calcule comme somme d'une suite arithmétique :
Le nombre premier p peut être supposé impair (car pour p=2 le théorème se vérifie directement). Ainsi, p-1 ne divise pas n, tandis qu'il divise 2n. Autrement dit, an est d'ordre 2, donc égal à la classe de -1.
Démonstration de Gauss
Le principe consiste à éliminer, dans le produit des p-1 éléments de Fp*, chaque produit d'un élément par son inverse, à l'exception des éléments qui sont leur propre inverse : les racines du polynôme X2 - 1=(X - 1)(X + 1) dans le corps Fp, c'est-à-dire la classe de 1 et celle de -1. Lorsqu'on élimine, dans le produit, les paires d'inverses mutuels dont le produit vaut (la classe de) 1, il reste donc uniquement ces deux classes particulières, d'où
Généralisation
Dans un groupe abélien fini le produit des éléments est égal
- au neutre si l'ordre du groupe est impair
- au produit des éléments d'ordre 2 si l'ordre du groupe est pair.
Pour le groupe , avec p premier impair, on retrouve le version classique.
En effet, son ordre, qui est égal à p-1, est pair et son unique élément d'ordre 2 est la classe (modulo p) de -1.
Notes et références
Notes
- Cette formule est équivalente à (p - 1) ! ≡p - 1 (mod p), puisque -1 ≡p - 1 (mod p).
- Alhazen, Opuscula
- R. Rashed, Entre arithmétique et algèbre : Recherches sur l'histoire des mathématiques arabes Paris, 1984
- Edward Waring, Edward Waring Meditationes Cambridge J. Archdeacon 1770
- D. Weeks Meditationes algebraicae Traduction en anglais des travaux d'Edward Waring, Providence RI, 1991
- Joseph-Louis Lagrange, Démonstration d'un théorème nouveau concernant les nombres premiers, Nouveaux Mémoires de l'Académie royale des sciences et belles-Lettres de Berlin, vol. 2, pages 125-137 (1771) (publié en réalité en 1773, et incluant la communication de Lagrange de cette même année : cf note 2 p. 499 de : Leonard Euler, de A. P. Juskevic et R. Taton, Correspondance de Leonard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange, Birkhäuser, 1980).
- Opuscula Analytica, tome I (1783) p.329-330, présenté à l'Académie de St Petersburg le 15 novembre 1773, selon le Darthmouth College (Enestrom number 560) Leonard Euler,
- Disquisitiones arithmeticae, 1801 Traduction M. Poullet-Delisle Ed. Courcier 1807 : Recherches arithmétiques p.55–57 Carl Friedrich Gauss,
- exercice avec la correction par le site maths-express.com Une démonstration « manuelle » posée sous forme d'
Référence
- Pierre Samuel, Théorie algébrique des nombres [détail des éditions]
Voir aussi
Article connexe
Liens externes
- Gilles Auriol, Sur les sommes de carrés. On y trouve notamment deux démonstrations du théorème de Wilson : celle de Gauss ( « version élémentaire, accessible à un élève de terminale S » ) et celle de Lagrange ( « version licence » )
- V. Beck, Variations autour du théorème de Wilson, incluant une généralisation classique due à Gauss et quelques applications anecdotiques
- Michel Hort, Démonstration du théorème de Wilson par M. Hort.Démonstration du théorème de Wilson
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