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Théorie de l'esprit
Une théorie de l'esprit est une conceptualisation partagé concernant l'esprit, donc :
En épistémologie, une théorie de l'esprit est une construction intellectuelle adoptée par un ou plusieurs auteurs concernant l'esprit, sa nature, son fonctionnement et/ou sa relation avec le corps.
En sciences cognitives, l'expression "théorie de l'esprit" désigne les processus cognitifs permettant à un individu d'expliquer ou de prédire ses propres actions et celles des autres agents intelligents. Cette aptitude enrichit qualitativement les interactions sociales (communication, collaboration, compétition, apprentissage, etc.); elle relève donc de la cognition sociale.
Le concept de Théorie de l'esprit se distingue de celui d'Empathie car il désigne la compréhension de tous les types d'états mentaux, alors que l'empathie s'applique aux sentiments et aux émotions (qui sont des qualia).
Sommaire
En épistémologie
De nombreuses théories concernant l'esprit sont discutées au sein de plusieurs disciplines: philosophie de l'esprit, théologie, neurosciences, psychologie, etc.
Principales problématiques
Article détaillé : philosophie de l'esprit.Le problème corps-esprit est le problème de la détermination des relations entre le corps humain et l'esprit.
Existe-t-il des entités mentales? (Cf. métaphysique)
L'humain possède-t-il un libre arbitre?
Exemples de théories concernant l'esprit
- Le cognitivisme
- Le fonctionnalisme
- Le connexionnisme
- Le constructivisme
- La psychanalyse
- Le monisme anomal de Donald Davidson
- ...
En sciences cognitives
Contexte historique
Les sciences cognitives en général trouvent une grande part de leur origine dans les conférences Macy organisées à partir de 1942 dans le but affiché de créer une science générale du fonctionnement de l'esprit. Gregory Bateson, anthropologue et figure de proue du lien entre les expressions qui en découlent et les sciences humaines, propose les premiers liens avec la schizophrénie en particulier en 1956, et les formalise plus globalement en 1972 dans Steps to an Ecology of Mind (traduit en Vers une écologie de l’esprit).
La théorie de l'esprit qu'il propose alors ne correspond pas à la formalisation utilisée ultérieurement, mais Jacques Miermont[1] relie sans ambiguïté ces deux approches en militant pour que la théorie de l'esprit englobe : Cognition, Passion et communication. [2]
Histoire
Dans l'acception originale des primatologues David Premack et Guy Woodruff[3], la théorie de l'esprit est l'aptitude à comprendre les conduites, et elle reposerait sur des inférences d'états mentaux : croyances, désirs, émotions (joie, peur…)
L'expression théories de l'esprit, au pluriel, apparaît régulièrement pour mettre l'accent sur la diversité, phylogénétique et ontogénétique, des systèmes cognitifs pouvant rendre compte de différents niveaux de compréhension des conduites.[4]
Le domaine de recherche visant à expliquer cette aptitude est devenu au cours des 30 dernières années un des principaux thèmes transversaux des sciences cognitives. Il est apparu notamment que la prise en compte des états mentaux intentionnels, des croyances[5] en particulier, est problématique[6]. Ainsi la théorie de l'esprit peut désigner les processus par lesquels l'esprit est compris comme engendrant des représentations et les conduites comprises comme déterminées par ces représentations.
Les données actuelles semblent indiquer que l'humain serait le seul primate à posséder cette capacité à traiter les états mentaux intentionnels, et qu'elle ne serait pas maîtrisée avant l'âge de 4 ans[7].
Par ailleurs, selon Simon Baron-Cohen entre autres, l'autisme serait peut être le résultat d'une absence de théorie de l'esprit[8].
Théorie vs simulation
Ces dernières années, deux positions se sont opposées concernant la nature de la Théorie de l'esprit :
- La théorie de la théorie qui insiste sur l'organisation proto-scientifique de la Théorie de l'esprit.
- La théorie de la simulation qui insiste sur la capacité à simuler les états mentaux d'autrui.
Aujourd'hui, l'heure est au compromis ; il demeure toutefois la question de savoir ce qui tient de la théorie et ce qui tient de la simulation dans la Théorie de l'esprit.
En psychologie du développement
- Attention conjointe
Pour comprendre la formation de la théorie de l'esprit chez un individu, la notion d'attention conjointe est primordiale. Sans cette dernière, fondée sur la détection de la direction du regard de l'autre et sur la détection de ses intentions, le nourrisson ne peut découvrir l'autre en tant qu'agent.
- L'attribution de fausse croyance
Il est largement accepté qu'au cours de la période préscolaire (de 3 à 5 ans) l'enfant acquiert l'aptitude à prendre en compte l'état de connaissance des agents dans la prédiction ou l'explication des comportements. La prise en compte des croyances ne peut être démontrée que dans des situations où ces croyances sont fausses.
L'illustration la plus célèbre de cette acquisition est une recherche publiée en 1983, par Heinz Wimmer et Josef Perner. Dans l'épreuve du transfert inattendu (unexpected transfer en anglais), l'enfant doit prédire qu'une personne ignorant le déplacement d'un objet cherchera celui-ci là où elle croit qu'il se trouve et non là où il est en réalité. En pratique, on présente à l'enfant, à l'aide de poupées et de jouet, l'histoire suivante:
"Maxi et sa maman sont dans la cuisine, ils rangent le chocolat dans le réfrigérateur. Maxi part rejoindre ses amis pour jouer. Pendant son absence, sa maman décide de préparer un gâteau. Elle prend le chocolat dans le réfrigérateur, en utilise une partie et range le reste du chocolat dans le placard. Plus tard, Maxi revient, il veut manger du chocolat.
Où Maxi va-t-il chercher le chocolat?"
Pour répondre correctement que Maxi va chercher le chocolat dans le réfrigérateur, il faut lui attribuer une fausse croyance concernant la position du chocolat. Il apparaît que les enfants de moins de 3 ans et demi n'attribuent pas cette fausse croyance : ils prédisent que Maxi va chercher le chocolat dans la placard, là où il se trouve réellement. Cette erreur systématique est régulièrement qualifiée de réaliste. En effet, la prédiction s'appuie sur l'état de la réalité et non sur l'état de croyance.
En psychopathologie
Dans l'autisme
L'arrivée de cette théorie dans le cadre de l'interprétation de trouble psychologique se fait en 1985 par l'intermédiaire d'un texte intitulé Does the autistic child have a" theory of mind"? faisant référence à une expérimentation ou des enfants devaient deviner le choix de poupées mises en situation par l'expérimentateur et 80% des autistes échouent alors que les enfants atteins de trisomie 21 et les enfants normaux réussissent en grande majorité.
Les débats restent ouvert sur les interprétations, mais ce protocole d'expérimentation est moins critiqué que celui des suivantes (faire semblants d'appeler avec une banane, le test des smarties ou encore le teste du « caillou éponge ») dont le coté piège tendu par l'expérimentateur a été lourdement critiqué, ou au moins l'interférence crée par le rôle de l'expérimentateur. Ainsi, selon G. Bonitatibus, les jeunes enfants serraient incapables de contrôler et de gérer leurs compréhension du paradigme de la communication référentielle, du fait de leur préoccupation de découvrir l'intention de l'interlocuteur et de leur intentation au sens des mot eux-mêmes.
L'utilisation de cette théorie dans le cadre de l'autisme est critiquée par des autistes[9].
D'une manière plus générale, l'intérêt de cette théorisation dans le contexte de la psychopathologie est remis en question.[10]
Dans la schizophrénie
En neurosciences
La découverte de systèmes neurocognitifs spécialisés dans la représentation de l’action intentionnelle et des émotions a bouleversé l'approche cognitiviste.
Le mécanisme neurophysiologique principal utilisé serait un système de codage partagé de l’action : les systèmes de neurones miroirs. Grâce à l’imagerie fonctionnelle cérébrale, on a pu montrer que le circuit cortical utilisé par le cerveau pour effectuer l’action est le même que celui utilisé par le cerveau pour se représenter l’action. Cette conception est dite « simulationniste ».
Le lien entre ces deux approches se situe actuellement dans les hypothèses autour de la structure de représentation motrice du langage et de la pensée.
Le schéma de fonctionnement physiocognitif serait le suivant :
- « Lecture de l’action » motrice de l’autre : ses comportements mais aussi ses réactions émotionnelles (mouvements du visage par exemple).
- « Codage de l’action » (d’autrui), qui se fait en lien (ou « partage ») avec les émotions et les actes issus de notre propre expérience (soi). Ceci génère des « représentations partagées » d’action et d’émotion entre soi et autrui : ce qu’on appelle les processus de « résonnance motrice » et de « résonnance émotionnelle ».
Cette théorie du partage des émotions motrices rejoint la théorie de l’empathie de Lipps qui postulait que l’accès aux états mentaux et émotionnels d’autrui reposait sur une « imitation automatique » de l’autre. De façon générale, on retrouve un mécanisme similaire à différents niveaux. Le mécanisme général est le suivant : la perception d’un événement ou état mental active en même temps le processus de génération ou production de cet état.
Cela se retrouve au niveau du langage avec la théorie motrice de la perception, mais également au niveau émotionnel puisque la génération d’expressions utilise les mêmes systèmes corticaux que la reconnaissance perceptive des émotions chez autrui : processus de « résonnance émotionnelle ». Enfin, cela se retrouve au niveau des idées, avec le mécanisme de « contagion des idées » qui a été constaté par Sperber et qui serait à la base du développement des cultures.
En anthropologie
En primatologie et éthologie
En intelligence Artificielle
Notes et références
- ↑ Jacques Miermont est psychiatre, psychothérapeute, psychanalyste, systémicien et vice-président du Programme Européen Modélisation de la Complexité
- ↑ Pour une théorie de l'esprit : Cognition, Passion et communication Résonances N°10-11, P64 lien vers l'article[pdf]
- ↑ Premack, D. & Woodruff, G. (1978). Does the chimpanzee have a theory of mind? Behavioral Brain Sciences, 1, 515-526.
- ↑ Nadel, J. & Melot, A.-M. (2003). Théorie de l'esprit. In O. Houdé (Ed), Vocabulaire des sciences cognitives (pp. 437-440). Paris: P.U.F.
- ↑ Le terme de croyance doit ici être compris au sens large de connaissance et non au sens religieux.
- ↑ Wimmer, H., & Perner, J. (1983). Beliefs about beliefs: Representing and constraining function of wrong beliefs in young children's understanding of deception. Cognition, 13, 103-128.
- ↑ Wellman, H. M., Cross, D., & Watson J. (2001). Meta-analysis of theory-of-mind development: the truth about false belief. Child Development, 72, 655-684.
- ↑ Baron-Cohen,S., Leslie, A. M., & Frith, U (1985). Does the autistic child have a" theory of mind"? Cognition, 21, 37-46.
- ↑ Autism Aspergers Myths - The Theory of Mind sur le site Eric Chen, diagnostiqué « Asperger ».
- ↑ l'intérêt de Intérêts de la notion de « théorie de l'esprit » pour la psychopathologie Nicolas Georgieff référence et court résumé en ligne
Bibliographie
- Nadel, J. & Melot, A.-M. (2003). Théorie de l'esprit. In O. Houdé (Ed), Vocabulaire des sciences cognitives (pp. 437-440). Paris: P.U.F.
- Hauser, M. (2002). A quoi pensent les animaux? Odile Jacob.
- Engel, P. (1996). Philosophie et psychologie. Gallimard.
Liens externes
- (en) The Cognitive Process Consciousness model of Mind
- (en) The Computational Theory of Mind
- (en) The Identity Theory of Mind
- (en) Mind as a dynamical system - implications for autism
- (en) Sally-Anne and Smarties tests
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