- Suspension volontaire d'incrédulité
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Suspension consentie de l'incrédulité
L’expression suspension consentie de l'incrédulité (traduction de l’anglais : willing suspension of disbelief) décrit l’opération mentale qu'effectue le spectateur d'une œuvre de fiction qui accepte, le temps de sa consultation de l'œuvre, de mettre de côté son scepticisme.
Sommaire
Histoire
Samuel Taylor Coleridge, écrivain, critique et poète britannique, serait l'inventeur du concept dans sa Biographia Literaria, datée de 1817 :
« [...] il fut convenu que je concentrerais mes efforts sur des personnages surnaturels, ou au moins romantiques, afin de faire naître en chacun de nous un intérêt humain et un semblant de vérité suffisants pour accorder, pour un moment, à ces fruits de l'imagination cette suspension consentie de l'incrédulité[1], qui constitue la foi poétique.[2] »Effets de l’expérience
Autrement dit, cette opération mentale est le fait d’accepter de vivre un rêve ou une fiction comme s’il s’agissait de la réalité, pour mieux ressentir ce que pourrait être la situation évoquée.
Il s'agit donc d’une expérience de simulation purement cognitive exerçant l’imagination et les sentiments de celui qui la vit. Cette expérience, tant qu’elle ne se prolonge pas dans le temps, est importante pour l’individu et souvent bénéfique pour l’individu dans la réalité, car certains fruits de l’imagination peuvent parfois être transcrits et trouver des applications dans la réalité, en dépit de l’incrédulité initiale.
Elle peut ainsi soit motiver un projet créatif, si l’individu sait détourner et adapter cette expérience cognitive en prenant en compte les éléments de son expérience réelle.
Les formes de mise en situation paradoxales sont souvent à la base de l’humour, jugé d’autant plus fin et utile que la situation imaginée, même si elle n’est pas crédible, s’approche de la réalité dans une forme épurée ou simplifiée et permet, en soulignant les petites différences entre cette « réalité inventée » et le monde réel, d’en saisir et comprendre certains aspects qui sont, autrement, difficiles à percevoir dans le contexte compliqué de la vie quotidienne où l’individu est soumis à de trop nombreux stimulis contradictoires.
Mais le plus souvent il s’agit d’une activité purement récréative permettant d’échapper, temporairement, à la réalité des problèmes que l’individu est amené à régler dans son quotidien, sans que cela se traduise par des changements notables dans son activité réelle par la suite.
Exemples
Les récits mettant en scène des évènements surnaturels ou impossibles sont des exemples évidents de suspension consentie de l'incrédulité : le spectateur ou le lecteur acceptent de suivre Superman ou les X-Men dans leurs aventures sans s’offusquer du fait qu’elles ne pourraient pas avoir lieu dans le monde réel. Mais cela s’applique de la même façon à toutes sortes d’œuvres qui imposent à leur spectateur de choisir entre l’extraordinaire et le trivial.
Certains étendent le principe à toutes les œuvres de fiction : pour lire un roman, il faut commencer par oublier que ce roman est un travail d'imagination et qu'il a un auteur. Cette notion est assez voisine de celle de la pensée paradoxale (par exemple: le paradoxe de Tristan mettant en œuvre une situation amusante impossible à réaliser et vivre complètement, même cognitivement, sans que cela mette fin aussitôt à l’expérience ; cependant cette expérience ne peut aller jusqu’au bout mais permet seulement de comprendre de façon assez évidente en quoi la situation est paradoxale, et de mieux comprendre ce qu’est la réalité).
Dangers potentiels de l’expérience
En tant qu’expérience d’une réalité imaginaire, cette activité cognitive n’a pas forcément que des effets bénéfiques chez tous ceux qui la vivent : si l’individu poursuit ensuite son activité réelle en basant et justifiant ses choix d’actions sur cette réalité inventée (en oubliant qu’elle a été inventée et en ne cherchant plus à en comprendre les raisons pour lesquelles ce vécu ne traduit pas la réalité, ou si l’expérience imaginée s’avère plus forte que toute justification des expériences réelles passées, particulièrement si ces expériences réellement vécues sont douloureuses et mal acceptées), son comportement peut être alors ensuite qualifié de mythomanie et même s’avérer parfois pathogène, voire dangereux pour lui ou son entourage, car il ne sait plus comment exercer sa raison pour reconnaître le vrai du faux, ce qui est sincère et ce qui ne l’est pas, ce qui est le fruit de son imagination ou celui de son expérience, et elle peut lui masquer d’autres possibilités de raisonnement ou de liberté d’action.
C’est pourquoi cette suspension consentie de l'incrédulité ne devrait être que temporaire, l’individu acceptant dès le départ de casser le mythe plus tard pour retourner à la réalité, et de ne l’exercer que comme une activité récréative. Elle ne devrait pas être vécue en tant que refus de la réalité. Dans les cas les plus graves de mythomanie, elle peut conduire l’individu à ne plus du tout accepter la réalité et aller définitivement vers le mythe, et justifier des comportements soit suicidaires, soit de marginalisation et de cessation de toute activité sociale.
Notes
- ↑ Voir page de discussion
- ↑ « (...) it was agreed, that my endeavours should be directed to persons and characters supernatural, or at least romantic, yet so as to transfer from our inward nature a human interest and a semblance of truth sufficient to procure for these shadows of imagination that willing suspension of disbelief for the moment, which constitutes poetic faith. »
Voir aussi
Liens externes
Articles connexes
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Catégorie : Narratologie
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