- Révolution de velours
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La Révolution de velours (en tchèque : sametová revoluce) ou Révolution Douce (en slovaque : nežná revolúcia), remarquable - d'où son nom - par le peu de sang versé, se déroula en Tchécoslovaquie du 16 novembre au 29 décembre 1989, précipita la chute du régime communiste et la fin de la République socialiste tchécoslovaque, dans la lignée de la chute du bloc de l'Est, et marqua la fin des « années de plomb » (« Normalisation ») entamées par l'invasion des « pays frères » communistes en 1968.
Sommaire
Origines
L'année 1988 est pour les Tchèques, l'anniversaire de plusieurs événements historiques fondamentaux tous relatifs à leur indépendance : 1918 marque la création de la Tchécoslovaquie, 1938 les accords de Munich, 1948 le coup de Prague, 1968 le Printemps de Prague et l'invasion par les armées du Pacte de Varsovie. Les autorités communistes intensifient alors la répression contre les activités de la Charte 77. Cependant, quelques manifestations notables ont lieu dans toute la Tchécoslovaquie :
- 28 octobre 1988 – manifestations à Prague (anniversaire de la proclamation de la république en 1918)
- 10 décembre 1988 – manifestation autorisée pour la défense des droits de l'homme sur la place Škroupovo à Žižkov
- 16 décembre 1988 - à 16 h cesse le brouillage de l'émission des radios étrangères
- 15–20 janvier 1989 – semaine Palach, série de manifestations dans le cadre de l'anniversaire de la mort de Jan Palach
- 21 août 1989 – manifestation commémorative contre l'occupation du pays par les armées du Pacte de Varsovie
- 28 octobre 1989 – manifestation place Venceslas
- 10, 11 et 14 novembre 1989 – manifestation écologique à Teplice
La Révolution de velours est due à un effet domino engagé neuf ans plus tôt sur les chantiers navals de Gdańsk, où la première brèche dans le Communisme a été ouverte.
La fin de la peur
Les Tchèques et les Slovaques prennent conscience de leurs forces quand un simple garde-barrière, d'une voie de chemin de fer, Augustin Navratil, père de huit enfants, fait circuler une pétition pour la liberté religieuse qui recueille 200 000 signatures au cours des années 1988 et 1989. Or, le simple fait de signer un tel document pouvait générer de sérieux ennuis (perte de son travail, persécutions policières, exclusion de l'université...). À l'occasion de la commémoration de l'évangélisation de la Bohème par saints Cyrille et Méthode, en présence de l'archevêque de Prague, le cardinal František Tomášek, le représentant du gouvernement compara cette période de l'histoire à la Libération du pays par l'Armée rouge, en 1945. Cette comparaison provoqua de violentes protestations parmi les fidèles présents qui scandèrent spontanément : « un évêque pour chaque diocèse, un curé pour chaque paroisse ! ». La population entendait ainsi protester contre la persécution très dure que subissait l'Église catholique en Tchécoslovaquie ; les gens montraient pour la première fois depuis 1968 qu'ils n'avaient plus peur.
La chute du Mur
Le régime communiste était, en réalité, très fragilisé par cette prise de parole des croyants. Celui-ci commence à vaciller quand des milliers de citoyens est-allemands prennent la fuite de RDA quand ils apprennent l'ouverture de la frontière hongroise au mois de juillet 1989 et l'ambassade d'Allemagne fédérale à Prague se transforme en un vaste camp de réfugiés pour plusieurs centaines de personnes que le gouvernement de RDA est obligé de laisser partir.
Après la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, les scènes de joie qui éclatent à Berlin sont bien sûr suivies à Prague par télévision interposée. Et la contestation s'amplifie. Sur la place Venceslas, l'endroit où, en 1969, l'étudiant Jan Palach s'était immolé par le feu, des centaines de milliers de personnes manifestent soir après soir.
À Prague, l'intelligentsia jouait un rôle très important dans la conscience nationale. Václav Havel, dramaturge bien connu de la police et récemment sorti de prison où il a passé cinq années, prend bientôt la tête de toutes les manifestations contre le régime. Le régime communiste est donc attaqué sur deux fronts en même temps par des gens qui n'ont plus peur de proclamer leurs aspirations : la liberté religieuse et la liberté de penser, ce qui va provoquer sa chute.
La révolution de novembre
Les événements débutèrent le 16 novembre 1989 avec une manifestation pacifique d'étudiants à Bratislava. Le lendemain, une autre manifestation pacifique à Prague fut brutalement réprimée par la police du régime, entraînant à son tour une série de manifestations populaires du 19 au 27 novembre.
Le 17 novembre, dans les rues de Prague, la police anti-émeutes disperse à coups de matraque une manifestation pacifique de 15 000 étudiants. La rumeur fausse, annoncée par Radio Free Europe, que l'intervention musclée a fait un mort, n'était pas de nature à calmer les esprits.
Le 20 novembre, le nombre de manifestants pacifiques passa de 200 000 (le jour précédent) à 500 000. Le 21 novembre, le primat, Mgr František Tomášek sortait de sa réserve habituelle en accordant son soutien aux manifestants. Le 24 novembre, le secrétaire général du Parti, Milouš Jakeš, totalement inféodé à l'Union soviétique et célèbre pour ses gaffes, est remplacé par un jeune nouveau-venu, Karel Urbánek. Le 27 novembre, une grève générale paralyse le pays durant deux heures. Entouré de l'effondrement des régimes communistes de toute cette région de l'empire soviétique ainsi que du grondement de manifestations grandissantes, le parti communiste tchécoslovaque annonça le 28 novembre qu'il abandonnait sa mainmise sur le pouvoir politique : sur sa demande, l'Assemblée fédérale vota l'abolition de l'article de la constitution sur le rôle dirigeant du PC dans la société et l'État. Les fils barbelés furent retirés des frontières ouest-allemande et autrichienne le 5 décembre 1989 ; le 10 décembre, le président communiste Gustáv Husák intronisa le premier gouvernement largement non-communiste depuis 1948, et démissionna, réalisant qu'il ne pouvait compter sur l'aide de Moscou. Alexander Dubček fut élu président de l'Assemblée fédérale le 28 décembre, et Václav Havel président de République tchécoslovaque le 29 décembre 1989. Le nouveau président n'envisageait pas du tout l'accès à ce poste les jours précédant la chute du régime et dût se faire un peu prier pour accepter : aussi, son mandat devait expirer 40 jours après les premières élections parlementaires libres qui devaient suivre.
Au cours de la Révolution de velours, c'est à peine si une goutte de sang a coulé. Le pays venait de vivre un coup de Prague à l'envers.
Le nouveau régime
Après des négociations entre Tchèques et Slovaques, le pays prit le nouveau nom officiel de République fédérale tchèque et slovaque. L'une des conséquences de la Révolution de velours fut l'élection en juin 1990 du premier gouvernement démocratique et entièrement non-communiste en plus de quarante ans. Marián Čalfa, membre du parti communiste jusqu'à la dissolution de ce dernier, demeura chef du gouvernement et continua jusqu'en 1992 d'assurer la transition démocratique.
Une conséquence secondaire de la révolution fut l'engouement soudain des consommateurs pour les « nouveautés » dont ils avaient été privés – pour la plupart d'entre eux – pendant des années ; de très nombreuses marques apparurent dont ils n'avaient jamais entendu parler, et les marques locales souffrirent d'une baisse de popularité (à l'exception des produits autrefois destinés à l'export, perçus comme étant de meilleure qualité).
L'ancienne nomenklatura communiste connut la peur pendant quelques semaines, avant de rallier en masse – en tous cas par la rhétorique – la nouvelle donne démocratique et d'en fournir la majorité des cadres qui, sous l'égide du premier ministre puis président Václav Klaus, forment aujourd'hui la classe dirigeante du pays.
Anecdotes
- Sur certains calicots brandis par les manifestants, le nombre 68 était retourné de telle manière qu'on pouvait y lire 89. 1968 et 1989 : la tentation était grande de voir dans la Révolution de velours le prolongement du Printemps de Prague.
Voir aussi
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