- Réfractométrie
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La réfractométrie est une technique qui vise à déterminer l'indice de réfraction d'un matériau, le plus souvent liquide, mais également solide ou gazeux. L'instrument de laboratoire ou de terrain utilisé est le réfractomètre. L'indice de réfraction est calculé à partir de la loi de Snell-Decartes et peut aussi être estimé à partir de la composition de la matière à l'aide de la loi de Gladstone. Un tel instrument permet d'identifier d'une espèce chimique (le plus souvent liquide), mais également, après étalonnage, il permet de déterminer la concentration d'un soluté dans un solvant connu. C'est le cas de la détermination du sucre dans le jus de raisin.
L'instrument ci-contre est donné pour mesurer l'indice de réfraction de liquide entre les valeurs 1,300 et 1,700 avec une précision de deux unités du quatrième chiffre exprimé.
Sommaire
Réfractomètre d'Abbe
Le réfractomètre d'Abbe permet d'avoir une mesure de l'indice de réfraction d'un liquide en le déposant sur une surface en verre, en l'enfermant dans un dispositif optique, et en réglant un bouton pour amener une plage éclairée au centre d'un réticule. Il se pose deux questions :
- pourquoi la valeur lue est-elle celle de l'indice de réfraction du liquide étudié ?
- pourquoi la mesure se fait par réglage une plage éclairée ?
Principe de la mesure
Ce réfractomètre a été décrit, en 1874, par son inventeur, Ernst Abbe. Un ancien modèle est représenté ci-contre. Dans son étude sur les réfractomètres de 1901, Culmman[1] décrit cet instrument comme constitué de deux prismes en verre flint enfermant une mince couche de 1/20e de millimètre d'épaisseur du liquide à examiner. Le prisme inférieur sert surtout à maintenir le liquide et à permettre l'éclairage du prisme supérieur. L'article plus récent de Véret[2] indique que dans les réfractomètres modernes, le prisme supérieur sert à l'éclairage et que le prise inférieur est celui qui permet la mesure. La description ci-dessous se place dans ce cas.
L'idée est d'éclairer le liquide à analyser en lumière rasante et de déterminer l'angle limite noté e qui dépend de l'indice n cherché et de l'indice N du matériaux sur lequel repose le liquide et dans lequel le rayon rasant rentre.
- n = N sin e
- Ce rayon poursuit son chemin et attaque la face de sortie du prisme avec l'angle
- r = α - e
- où α est l'angle du prisme.
- Le rayon sort donc du prisme avec l'angle i tel que
- N sin r = sin i
L'angle i est en relation avec l'indice recherché n. Un viseur pointe l'angle et est gradué directement en indice de réfraction. La valeur est précise à deux unités de la quatrième décimale de la valeur de l'indice n.
Comme il n'est pas possible d'avoir un unique rayon rasant qui rentre au bon endroit dans le support matériel sous-jacent, le dispositif met en jeu un faisceau de lumière dont la limite est, par construction, le rayon rasant. Ce faisceau constitue la plage de lumière dont la limite sera ajustée au réticule et sera la base de la mesure.
La figure ci-dessous représente ce dispositif. Le prisme supérieur est éclairé et contient le rayon rasant. La lumière entre dans le prisme inférieur en une plage de lumière dont le rayon supérieur correspond au prolongement du rayon rasant. À la sortie du prisme, cette plage de lumière est réfléchie par un miroir et est observée par une lunette colimatrice. L'utilisateur peut observer, dans cette lunette, la plage de lumière et sa limite qui porte l'information sur l'angle limite, donc sur l'indice de réfraction du liquide étudié.
Utilisation en lumière blanche
Le dispositif de base n'est utilisable qu'avec une lumière monochromatique, car l'indice d'un matériau, surtout celui du verre flint, dépend de la longueur d'onde. La raie D du sodium (longueur d'onde 589 nm) a été choisie historiquement, à cause du caractère monochromatique de la lumière des lampes à vapeur de sodium, et de la facilité d'obtenir une bonne intensité lumineuse. Pour travailler en lumière blanche, deux autres prismes sont positionnés entre le verre flint et la lunette colimatrice de façon à ce que les rayonnements de couleurs différentes convergent après leur traversée. Ce dispositif est appelé compensateur. Il a comme conséquence d'avoir un système achromatique, utilisable en lumière blanche.
Les réfractomètres actuels fonctionnent en lumière naturelle ou avec l'éclairage d'une lampe blanche. La lumière arrive par une fenêtre sur une face d'entrée du prisme supérieure. La face inférieure de celui-ci est dépolie pour éviter les réflexions secondaires.
Réglage et lecture de la mesure
Le réglage du réfractomètre doit prendre en compte d'une part l'achromatisation et, d'autre part, la mise de la plage de lumière à la croisée des réticules.
Une opération de calibration se fait une fois pour toute avec de l'eau distillée.
Le bouton qui permet d'amener la plage lumineuse à la croisée des réticules agit sur l'angle du miroir disposé en sortie du prisme de flint. Cet angle correspond à l'indice qui s'affiche sur l'échelle graduée en indice de réfraction, visible dans l'oculaire.
Deux échelles sont disponibles. L'une donne directement l'indice de réfraction (entre 1,300 et 1,700). L'autre donne, entre 0 et 85%, la teneur en matière sèche des jus sucrés.
Limites d'utilisation
- Le réfractomètre d'Abbe ne peut être utilisé que pour des liquides d'indice de réfraction inférieur à celui du verre flint (n = 1,7). Au delà de cette valeur, les rayons proches du rayon rasant subiraient une réflexion totale sur le dioptre liquide - flint, ce qui rendrait impossible la mesure. Cette limitation n'est pas gênante dans la pratique, peu de liquides ayant un indice de réflexion supérieur à celui du verre flint.
- L'indice étant une fonction de la température, un système de thermostat constitué par une circulation d'eau au sein du système optique permet de réguler cet effet.
Autres réfractomètres
Réfractomètre à angle variable
Le liquide est dans une cuve dont le fond est à lame parallèle. Cette lame est éclairée en incidence rasante par dessous. Tout se passe donc comme si le liquide était éclairé en incidence rasante depuis l'air. Un viseur récupère le rayon et détermine son angle.
Réfractomètre à immersion
Le réfractomètre plonge dans le liquide à analyser. Il ne possède qu'un seul prisme, équivalent au prisme inférieur de la description, ci-dessus, du réfractomètre d'Abbe. Il n'y a plus de possibilité de réflexion parasite, le rayon émergent est plus précis et un grossissement plus fort est alors possible. C'est là l'intérêt de ce dispositif. Il permet donc d'avoir une décimale de plus que pour le réfractomètre d'Abbe (4 unités de la cinquième décimale). L'éclairage se fait par un miroir.
Le réfractomètre a immersion permet de doser les solutés dissous dans l'eau, de faibles variations d'indice précisément connues étant alors recherchées. Il est mentionné pour des analyses agroalimentaires[3]. Par suite du grossissement considérable, une faible plage d'indice seulement est accessible: entre 1,325 et 1,367[1].
L'extrémité du réfractomètre à immersion est directement trempée dans le liquide, comme un thermomètre, et une bague permet d'achromatiser la mesure. Il faut donc disposer d'une plus grande quantité d'échantillon qu'avec le réfractomètre d'Abbe, ce qui ne pose généralement pas de problème avec les solutions aqueuses.
Réfractomètre portable
Pour aller sur le terrain et y mesurer des indices de réfraction de jus de fruits, des réfractomètres portables existent. Ils fonctionnent sans alimentation secteur, directement avec la lumière naturelle (voir la photo ci-dessous). Ces instruments sont calibrés de telle sorte qu'ils affichent 0 pour l'eau distillée, et directement la concentration en sucre pour les jus de fruits analysés. Le jus à analyser est déposé sur le prisme, le couvercle est refermé et l'instrument est dirigé vers la lumière. Il suffit alors de faire une lecture directe.
Une compensation automatique de température permet d'éliminer la variation de ce facteur, courante sur le terrain. La compensation est de 0,00045 unité d'indice de réfraction par degré celcius autour de 20°C[4].
Autres mesures de l'indice de réfraction
- Cette technique est également utilisable dans l'infrarouge[5].
- La mesure de la différence d'indice de réfraction entre deux solutions (réfractométrie différentielle) a été décrite avec une précision de 1 à 1,2 unité sur la sixième décimale. Elle met en jeu un prisme à liquide et un dispositif goniométrique[6].
Substrats analysables
Les méthodes d'analyses modernes sont largement plus performantes que la réfractométrie. Celle-ci n'est pertinente qu'en absence de disponibilité de ces méthodes performantes, par exemple sur le terrain, pour comprendre certaines étapes de l'histoire des sciences, ou encore à titre pédagogique.
Identification d'espèces chimiques
L'indice de réfraction étant une caractéristique physico-chimique tabulée pour de nombreuses espèces chimiques, cette technique est utilisable pour identifier un produit pur.
Fruits
En viticulture, la quantité de sucre dans le jus de raisin est déterminable par réfractométrie. Elle est directement convertissable en degré d'alcool après fermentation totale. Cette technique s'étend à l'estimation du taux de sucre de nombreux fruits et à l'étude de leur maturité.
Minéraux
L'indice de réfraction d'une pierre fine, comme les gemmes, est une donnée pertinente. Il faut que la pierre ait au moins une face plane et polie. Le réfractomètre d'Abbe conçu pour les liquides doit être adapté (voir figure ci-contre)
Autres usages
- La technique de réfractométrie directe est utilisable en ophtalmologie[7].
- Elle a, à une époque maintenant révolue, montré son efficacité pour doser de nombreux solutés d'intérêt biologique comme l'albumine dans le sérum sanguin chez le nourrisson[8].
- La méthode de Hackermann permettait d'analyser le lait (après traitement pour en isoler le sérum) [3] et en déduire s'il était opportun de l'utiliser pour en faire du fromage.
Annexes
Articles connexes
Références
- http://hal.inria.fr/docs/00/24/05/69/PDF/ajp-jphystap_1901_10_691_1.pdf Culmann P (1901). Nouveaux réfractomètres. J. Phys. Theor. Appl. 10, 691-704 (1901).
- http://books.google.fr/books?id=QMaPfYZdv9sC Véret C. (2000). Réfractométrie et interférométrie en analyse chimique. Technique de l’ingénieur. Traité Analyse et caractérisation. P500-1.
- http://lait.dairy-journal.org/articles/lait/pdf/1923/07/lait_3_1923_7-8_16.pdf Valencien M & Planchaud M. (1923). Titrage rapide des laits anormaux par la réfractométrie, la catalosimétrie et l’essai à l’acool-alizarine.
- D'après la notice du constructeur de réfractomètres OPTECH.
- SEEGERT (B.), Thèse, Berlin, 1908. Cité par J. VINCENT-GEISSE et J. DAYET, RÉFLEXION ET TRANSMISSION A LA SURFACE D’UN MILIEU ABSORBANT APPLICATION A L’ÉTUDE CRITIQUE DE LA MÉTHODE DU RÉFRACTOMÈTRE D’ABBE POUR LA DÉTERMINATION DES INDICES DE RÉFRACTION. LE JOURNAL DE PHYSIQUE TOME 26, FAVRIER 1965, p.66-74
- http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/23/40/48/PDF/ajp-jphysrad_1947_8_6_185_0.pdf Bricout V. & Duclaux J. (1947). Réfractométrie de précision. Réfractométrie et dispersion de l’eau.
- Chaine G. (2000). Ophtalmologie. Ed. Doin.
- Ebd-el-latif Amanatullah (1933). Sur la réfractométie du sérum sanguin chez le nourrisson.
Liens externes
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