- Récit de voyage
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Un récit de voyage ou relation de voyage est un genre littéraire dans lequel l'auteur rend compte d'un ou de voyages, des peuples rencontrés, des émotions ressenties, des choses vues et entendues. Contrairement au roman, le récit de voyage privilégie le réel à la fiction. Pour mériter le titre de « récit » et avoir rang de littérature, la narration doit être structurée et aller au-delà de la simple énumération des dates et des lieux (comme un journal intime ou un livre de bord d'un navire). Cette littérature doit rendre compte d'impressions, d'aventures, de l'exploration ou de la conquête de pays lointains.
Le récit de voyage peut être aussi cinématographique.
Pour l'historien, le récit de voyage est également une source historique qu'il convient de contextualiser et d'analyser. Les récits de voyage apportent des éléments précieux pour éclairer l'histoire des relations internationales, l'histoire sociale et politique de régions traversées par le voyageur, voire l'histoire des cultures matérielles, de l'alimentation, des religions etc... Depuis les années 1980, les relations de voyage en Afrique produites par des Européens dès le XVe siècle ont fait l'objet d'essais d'analyse historique, et des publications scientifiques comprenant un appareil critique développé ont été produites. Soumis à une analyse historique rigoureuse, ces récits de voyage s'avèrent précieux pour reconstituer des fragments de l'histoire de l'Afrique durant les cinq cent dernières années[1].
Sommaire
Histoire du genre
Un des premiers récits de voyage est Le devisement du monde de Marco Polo écrit en 1299 alors qu'il est en prison. Pétrarque peut être crédité de la primauté du « récit de tourisme » avec le récit de son ascension du Mont Ventoux en 1336 effectuée pour le simple plaisir de bouger, sans but mercantile ni guerrier. Il reproche à ses compagnons restés au pied de la montagne leur frigida incuriositas (une froide absence de curiosité) et dresse une allégorie de sa montée comparée aux progrès qu'un homme fait dans sa vie.
Par la suite, les voyages devenant plus fréquents, plus faciles sinon moins dangereux, le progrès technique facilitant les trajets au long cours et l'élévation du niveau de vie procurant plus de loisirs (quand bien même ce terme reste encore pendant longtemps un anachronisme ou réservé à une classe ultra-minoritaire disposant du temps de voyager ou de lire et d'acheter ces livres qui sont longtemps un produit de luxe), leurs récits vont également se multiplier.
Avec la Renaissance[2], deux faits concomitants expliquent l'explosion de la littérature de voyage : l'invention de l'imprimerie et la diffusion du papier font du livre un objet plus abordable ; la découverte par les Européens des côtes d'Afrique puis du Nouveau Monde attise sinon la soif de l'or du moins celle de la connaissance.
Au XIXe siècle, l'irrésistible expansion coloniale européenne s'accompagne, d'un phénomène nouveau : désormais, un auteur peut vivre de sa plume. Les « écrivains de voyage » se professionnalisent, écrivains à part entière ou écrivain-journaliste pour les journaux d'éducation destinés à la jeunesse avide d'apprendre ou pour les périodiques de voyage (National Geographic est lancé en 1888).
Au XXe siècle, l'écrivain André Suarès, après son voyage à pied en Italie depuis Paris, publie en 1932 son Voyage du Condottiere, où il narre son voyage dans la culture italienne, paysage et arts.
Le voyageur-écrivain devient écrivain voyageur.
Le récit de voyage imaginaire
Marchant dans les pas du succès de Marco Polo, Jean de Mandeville écrit un Livre des merveilles du monde - également un succès pan-européen - dont l'avenir montrera qu'il est fantaisiste et inventé. Jean de Mandeville qui prétend être allé en Chine n'a pas dépassé l'Égypte !
L’Histoire comique des Estats et empires de la Lune et l’Histoire comique des Estats et empires du Soleil de Savinien de Cyrano de Bergerac procèdent de la même veine sans prétendre à la vérité géographique…
Daniel Defoe donne à ce sous-genre ses lettres de noblesses avec son Robinson Crusoé (The Life and Strange Surprising Adventures of Robinson Crusoe of York) qui donne naissance au mot « robinsonade ». Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift lui sont contemporains et pourraient tout autant concourir pour la première place, à ceci près que l'un cherche la crédibilité et les autres la fantaisie débridée.
Récits de voyageurs
- Ibn Shahriyar, Livre des merveilles de l'Inde (900-953)
- Martyr, évêque d'Arzendjan (actuelle Erzincan à l’est de la Turquie moderne), Relation d'un voyage fait en Europe et dans l'océan atlantique, à la fin du XVe siècle, sous le règne de Charles VIII (1489-1496)
- Jean de Léry, Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil (vers 1534-v.1613)
- Robert Challe, Journal d'un voyage fait aux Indes Orientales, (1690-1691)
- James Cook, Relations de voyages autour du monde, (1768-1779)
- Louis-Antoine de Bougainville, Voyage autour du monde (1771)
- Volney, Voyage en Syrie et en Égypte (1785)
- Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811)
- John Dundas Cochrane, Récit d'un voyage à pied à travers la Russie et la Sibérie tartare, des frontières de Chine à la mer Gelée et au Kamtchatka (1820-1823)
- René Caillé, Voyage à Tombouctou, (1824-1828)
- Alphonse de Lamartine, Voyage en Orient (1835)
- Gérard de Nerval, Voyage en Orient (1851)
- Joseph Arthur de Gobineau, Trois ans en Asie (1859)
- Catherine de Bourboulon, L'Asie cavalière. De Shang-haï à Moscou, 1860-1862
- Hugues Krafft, Souvenirs de notre tour du monde, Paris, Hachette, 1885, 399 p.
- Pierre Loti, Fantôme d'Orient (1892)
- Albert Londres, Terre d'ébène, (1929)
- Henri Michaux, Ecuador, (1929), Un barbare en Asie, (1933)
- Slavomir Rawicz, A marche forcée, (1939-1940)
- Heinrich Harrer, Sieben Jahre in Tibet. Mein Leben am Hofe des Dalai Lama, 1952 - (en) Seven years in Tibet, translated from the German by Richard Graves; with an introduction by Peter Fleming; foreword by the Dalai Lama, E. P. Dutton, 1954, ISBN 0874778883 - (fr) Sept ans d'aventures au Tibet, Arthaud, 1954
- William S. Burroughs, Lettres du Yage, (1963)
- Nicolas Bouvier, L'Usage du monde, (1963), Le poisson-scorpion, (1982)
- André Brugiroux, Tour du monde en stop, (1955-2004)
- Christian de Boisredon, L'Espérance autour du monde, (2000)
- François Picard, Ma Chine. Route de la Soie, Tibet, Hongkong à vélo, (2008)
- Patrick Levy, Sâdhus, un voyage initiatique chez les ascètes de l'Inde, édition du Relié, 2009 (ISBN 978-2-35490-033-5)
- Jean-Loup Trassard, Le voyageur à l'échelle, (2006), Images de la terre russe, (1990), Eschyle en Mayenne, (2010).
Notes et références
- [1] Chouin, G. "Vu, Dit ou Déduit? L’étude des relations de voyage en Guinée". Paris, Journal des Africanistes, 75, 2.
- Renaissance et surtout de baroque ou de rococo ne sont pas employés, aux XVIIe et XVIIIe siècles, dans les guides ou les récits de voyages en langue française, du Grand Tour. À noter que les termes de
Voir aussi
Liens internes
Bibliographie
- Friedrich Wolfzettel, Le discours du voyageur. Pour une histoire littéraire du récit de voyage en France, du Moyen Âge au XVIIIe siècle, coll. « Perspectives littéraires », Paris, PUF, 1996, 336 p. (ISBN 2-13-047514-0)
- Vincent Fournier, L'Utopie ambiguë. La Suède et la Norvège chez les voyageurs et essayistes français (1882-1914), coll. « Bibliothèque de littérature générale et comparée. Confrontations », 2, Clermont-Ferrand, Adosa, 1989, 320 p. (ISBN 2-86639-102-0)
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