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Royaume du prêtre Jean
Au milieu du XIIe siècle, des rumeurs venues d'Orient font état d'un mystérieux royaume chrétien, celui du Prêtre Jean que l'on ne savait vraiment situer, au-delà de la Perse et de l'Arménie, aux confins du monde, en Afrique ou en Inde, tant les données géopolitiques étaient confuses. Ces rumeurs prennent des proportions énormes, lorsque commencent à circuler différentes versions d'une lettre, adressée par le Prêtre Jean à différents monarques d'Europe, ou encore au pape, selon les versions. Cette fausse lettre, qui est probablement une gigantesque mystification, sera lue et propagée avec passion jusqu'à l'époque des Grandes Découvertes. Cette légende est importante pour la compréhension du contexte de cette époque.
Sommaire
La naissance de la légende
La première mention du Prêtre Jean apparaît au milieu du XIIe siècle dans la Chronique de l'évèque allemand Otton de Freising : Il y est fait mention d'un évêque syrien nommé Hugues de Gabala, arrivé en Occident pour y annoncer la chute de la ville d'Édesse, tombée aux mains des Musulmans, le premier revers sérieux des Croisés en Terre Sainte. Hugues raconte également que :
« ... un certain Prêtre Jean habitant en Extrême-Orient, au-delà de la Perse et de l'Arménie, roi et prêtre, chrétien mais nestorien, aurait fait la guerre aux rois perses et mèdes appelés Sarmiades et les aurait chassés de leur capitale, Ecbatane[1]. »L'hypothèse la plus couramment admise est que ce récit bizarre constituerait une version très déformée d'événements qui venaient de se produire en Asie centrale [2]. Au début du XIIe siècle, la Chine du nord était dominée par un peuple mongol, les Khitans. Ils furent vaincus par les Djurtchet, mais certains d'entre eux se réfugièrent en Asie centrale, où ils fondèrent l'empire des Kara-Khitans. En 1141, leur souverain Yelü Dashi remporta une victoire écrasante sur les Turcs Seldjoukides, défenseurs de l'islam.
Vers 1165, commence à circuler dans l'entourage des rois chrétiens, une lettre en latin adressée à l'empereur Manuel Ier Comnène de Byzance. Rédigée par un certain « prêtre Jean », elle décrit l'existence d'un royaume chrétien tout à l'est :
« Au-delà de la Perse et de l'Arménie, s'étend un merveilleux royaume dirigé par le Prêtre Jean. Cette terre est traversée par un fleuve provenant du Paradis, charriant émeraudes, saphirs et rubis. Toutes les valeurs chrétiennes sont respectées à la lettre. Le vol, la cupidité, le mensonge sont inconnus. Il n'y a pas de pauvres. Surtout pas le Prêtre Jean, dont le palais sans fenêtre est éclairé de l'intérieur par toutes les pierres précieuses dont il est paré… »Les conquêtes ottomanes en Europe, notamment la chute de Constantinople en 1453, donnent aux européens l'impression d'être assiégés. La perspective d'une terre chrétienne au-delà des terres musulmanes permettrait de prendre les infidèles en tenaille. La recherche du royaume va pousser les européens à s'avancer vers la destination mystérieuse que sont les Indes, persuadés d'y trouver un soutien chrétien.
Les Portugais n'auront de cesse d'essayer de découvrir l'accès au royaume du Prêtre Jean.
Origines de la rumeur
En 1323, dans son Mirabilia, Jourdain de Séverac, identifie le Prêtre Jean au Négus, l'empereur d’Éthiopie.
On estima donc avoir levé le mystère en affirmant qu'il n'était autre que le Négus (roi de la lointaine Éthiopie et souverain des monophysites). Les Européens avaient cru reconnaitre auparavant le royaume du Prêtre Jean dans l'empire mongol dirigé par un petit-fils de Gengis Khan dont l'épouse, Börte, était une fervente chrétienne qui se rendait à la messe tous les jours.
En fait, il existait alors bien d'autres communautés chrétiennes coupées de l'Occident par la force des choses, on peut citer entre autres :
- les communautés du sud de l'Égypte, dont les dernières sont exterminées par les musulmans en 1492 ;
- celles du sud de l'Inde, les chrétiens de Saint-Thomas, dans l'actuel Kerala ;
- en Chine, où en 1307, le pape Clément V avait créé un archevêché à Beijing (Pékin) à la tête duquel il installa le franciscain Jean de Montecorvino (Jean Corvin) ;
- des communautés nestoriennes en Perse.
Propagation du mythe
À l'époque des croisades, le mythe du prêtre Jean prend de l'ampleur. Le prêtre Jean pourrait devenir un soutien potentiel de l'Europe contre les musulmans. Au cours des dernières croisades, certains écrivains considèrent son existence comme certaine. Marco Polo et Jean de Joinville sont tous les deux convaincus que le royaume du prêtre Jean a existé, mais qu'il a été vaincu récemment par les peuples tartares (mongols) environnants.
Références culturelles
Plus récemment, la recherche du royaume de prêtre Jean est la base de l'intrigue du roman Baudolino, d'Umberto Eco. Il a aussi inspiré une série de livres-jeux jamais terminée publiée par Hachette, la Saga du prêtre Jean.
Bibliographie
- Édith et François-Bernard Huyghe, La route de la soie ou les empires du mirage, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 2006
- Marie-Paule Caire-Jabinet, Le royaume du Prêtre Jean, dans : L'Histoire, N°22, avril 1980, p. 36-43
- Science et Vie Junior Hors Série « Sur les traces des civilisations disparues », p31.
Notes et références
- ↑ cité dans Marie-Paule Caire-Jabinet, Le Royaume du prêtre Jean, p. 37
- ↑ Jean-Paul Roux (Directeur de recherche honoraire au CNRS, ancien professeur titulaire de la section d'art islamique à l'École du Louvre), Le premier empire des steppes qui devint musulman : les Karakhanides, avril 2003.
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