Roc-aux-sorciers

Roc-aux-sorciers

Roc-aux-Sorciers

46° 25′ 17″ N 1° 31′ 27″ E / 46.4215, 1.5243

Roc-aux-Sorciers
Roc-aux-Sorciers, frise sculptée et gravée
Roc-aux-Sorciers, frise sculptée et gravée
Latitude
Longitude
46° 42′ 15″ Nord
       00° 52′ 43″ Est
/ 46.70417, 0.87861
 [1]
Pays France France
Région Poitou-Charentes
Vienne (département)
Vallée vallée de l'Anglin
Localité voisine Angles-sur-l'Anglin
Voie d'accès  ?
Altitude de l'entrée
Longueur connue 25m + 10m
Période de formation  ?
Type de roche calcaire
Signe particulier Abri-sous-roche
Température
Cours d'eau
Occupation humaine entre environ 15 000 et 14 000 ans BP
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Grotte - Spéléologie |  v ·  · m 

Le Roc-aux-Sorciers est un abri-sous-roche recélant un site orné de sculptures monumentales pariétales datant du Paléolithique supérieur. Il est situé sur la commune d'Angles-sur-l'Anglin, dans la Vienne (France). Les œuvres pariétales sont plus précisément attribuées au Magdalénien moyen (environ 14 000 ans BP).

Le site est appelé « Roc-aux-Sorciers » en relation avec une légende locale selon laquelle les sorciers et sorcières se réunissaient en cet endroit. Le nom du lieu-dit est mentionné dans la littérature par Jacques Rougé (1904) bien avant la découverte du site archéologique.

Sommaire

Le site

L'abri, ouvert au sud, est situé au pied des falaises de Douce, sur la rive droite de l'Anglin, à environ 1,5 km en aval du village. Il est composé de deux parties géologiquement distinctes :

  • en aval l'abri Bourdois, qui est un abri-sous-roche classique, à faible encorbellement,
  • en amont la cave Taillebourg (anciennement Cave à Lucien Jacob), plus profonde et qui correspond à un vestibule typique.

Ces deux parties sont actuellement séparées par une zone non fouillée, conservée comme réserve archéologique. Le site est classé Monument Historique depuis le 18 janvier 1955. Les noms des anciens propriétaires des parcelles, à savoir Madame Bourdois et Monsieur Taillebourg, ont été conservés par Suzanne de Saint-Mathurin pour désigner les secteurs fouillés. Ils sont encore aujourd'hui utilisés.

Historique des recherches

Les recherches au Roc-aux-Sorciers débutent dès 1927, date à laquelle Lucien Rousseau découvre l'occupation préhistorique et identifie la présence du Magdalénien moyen. Il commence à fouiller au devant de la Cave Taillebourg et met au jour une dalle gravée sur laquelle Henri Breuil voit une représentation de mammouth. Lucien Rousseau publie ses travaux dans dans le Bulletin de la Société Préhistorique Française, en 1933 [2].

Quelques années plus tard, Suzanne de Saint-Mathurin, passionnée de préhistoire, prend connaissance de cet article et décide d'y poursuivre les fouilles, dans l'espoir d'y découvrir des plaquettes gravées semblables à celles de la grotte de La Marche (Lussac-les-Châteaux, Vienne). Aidée de son amie Dorothy Garrod, elle reprend les recherches, de manière intensive entre 1947 et 1957, puis plus sporadiquement jusqu'en 1964. Très vite, les deux femmes découvrent des blocs présentant des figurations sculptées, gravées et parfois peintes de bisons, de chevaux, de bouquetins, de félins et le portrait d'un homme. Ces blocs sont en réalité des fragments du plafond effondré de la Cave Taillebourg. Seul un bison sculpté et peint est resté en place sur la voûte.

La frise sculptée in situ est découverte dès 1950. Elle est composée de bisons, de chevaux, de bouquetins, de félins, de corps de femmes, sans tête ni pieds, appelées Vénus, de visages humains.

La frise sculptée de l'Abri Bourdois

La frise sculptée est exceptionnelle par la maîtrise technique dont ont fait preuve les sculpteurs préhistoriques, mais aussi par la qualité des œuvres, le rendu des détails anatomiques, la puissance qui s’en dégage, notamment grâce aux volumes intelligemment mis en valeur par le jeu des lumières. Les figures, animalières ou humaines, sont très réalistes. Ces dernières, très rares dans l’art paléolithique, renforcent le côté unique du site. La frise présente un art monumental sculpté, mais aussi un art plus discret sous forme de gravures fines présentes dans la partie basse de la paroi. Quelques traces ponctuelles de peinture rouge et noire sont également visibles.

Les fouilles ont mis en évidence une occupation humaine du Magdalénien moyen associée à l'art pariétal. Les couches archéologiques ont livré des foyers au pied des sculptures ainsi qu'un matériel riche, composé d'art sur objets, de parures, de lampes, d'outils en silex, en os, en bois de cervidé et en ivoire. Les couches archéologiques du Magdalénien moyen (RSF, RSE, RSD, RSC) ont été scellées par l'effondrement du plafond de l'abri. Postérieures à cet effondrement, des occupations attribuables au Magdalénien supérieur (couches RSB5, RSB4, RSB3, RSB2 et RSB1) ont été mises en évidence.

La frise, conservée sur une vingtaine de mètres, consacre un art monumental impressionnant. La présence de nombreuses figures gravées très finement montre aussi que l'expression graphique pouvait être intime, cachée.

Cette frise révèle aussi le lien que pouvait avoir l'habitat avec l'art au Magdalénien. Au contraire des grottes profondes telles que Les Combarelles ou Lascaux, les abris-sous-roche, la plupart du temps sculptés, présentent la particularité d'associer art et habitat. Les groupes magdaléniens n'habitaient pas les grottes. Au Roc-aux-Sorciers au contraire, la frise sculptée, gravée et peinte est associée à une importante occupation datée du Magdalénien moyen. Les foyers semblent placés à des endroits stratégiques, en rapport direct avec les œuvres sculptées (au pied des femmes et au pied des bouquetins par exemple).

Au quotidien, les groupes vivaient donc dans cet abri-sous-roche au contact direct avec les œuvres pariétales, qui elles-mêmes avaient probablement un rapport direct avec leurs activités quotidiennes. Les nombreux anneaux taillés le long d'arêtes naturelles posent aussi la question de l'utilisation possible de liens. Participant activement à l'organisation des figures, créant de véritables panneaux figuratifs, ces anneaux avaient peut-être un rôle utilitaire, mais aussi symbolique car ils sont associés à des thèmes spécifiques.

Le lien entre art et habitat est un des points les plus originaux du Roc-aux-Sorciers. Reste à comprendre la nature de l'occupation. Que venaient-ils faire au pied des falaises de l'Anglin ? Venaient-ils là dans le but décorer ces falaises, ou bien était-ce un habitat saisonnier lié à la chasse - peut-être regroupant plusieurs groupes locaux - qu'ils n'ont pas hésité à décorer ?

Interprétations

L'art pariétal paléolithique nous est connu principalement grâce à ses manifestions dans des grottes profondes. Pour des raisons de conservation évidentes, beaucoup plus rares sont les exemples d'art en plein air ou dans des abris-sous-roche. Par voie de conséquence, les interprétations de cet art, et donc nos visions du Paléolithique, proviennent essentiellement de l'étude des œuvres peintes ou gravées dans les grottes inhabitées. Pourtant, il est possible que cet art ait fait partie d'un univers iconographique plus global, fruit de pratiques artistiques plus variées, exécutées en pleine lumière, sur le corps, sur des supports périssables ou mobiliers, dans le cadre de l'habitat et de la vie quotidienne...

Les œuvres du Roc-aux-Sorciers réalisées à l'air libre, mais ayant résisté à l'effacement pendant 14 000 ans grâce à l'effondrement d'une partie de la falaise qui les surplombe, procurent une idée de ce qu'a pu être l'art du quotidien des Magdaléniens, à l'instar de l'art sur supports mobiles. Au Roc-aux-Sorciers comme dans les grottes profondes, la limitation des espèces animales représentées: bisons, chevaux, bouquetins, félins, etc. (jamais de reptiles, d'insectes ou de batraciens, contrairement à l'art sur support mobilier...) montre que le vocabulaire est bien le même dans les deux cas. Mais contrairement à l'art des grottes profondes, la peinture n'est employée ici que de manière très ponctuelle. Les œuvres sont essentiellement gravées ou sculptées de façon à jouer avec toutes conditions d'éclairement du jour et de la nuit. Elles s'inscrivent dans un rapport étroit avec l'habitat comme en témoignent les foyers retrouvés au pieds des panneaux figuratifs, ainsi que les anneaux qui les séparent. Les nombreuses figures humaines sont de type assez réaliste, jamais déformées. Les animaux sont représentés de manière naturaliste. Certains détails anatomiques (yeux, mouvement apparent des chevaux, sexe des femmes) sont au contraire stylisés.

Il est possible que cet art exécuté en pleine lumière constitue une tendance, pour l'instant circonscrite dans une zone localisée (le sud-ouest français), qui s'inscrit dans un paysage artistique bien plus global que celui donné uniquement par l'art des grottes profondes. L'étude globale des sites artistiques, ainsi qu'une meilleure compréhension des rapports entre l'art sur supports mobiliers, l'art pariétal à la lumière du jour et l'art des grottes, pourra permettre de renouveler notre vision des sociétés humaines d'alors. Cette piste de recherche est poursuivie depuis les années 1970-80 par des préhistoriens tels Randall White, Margaret Conkey, etc.

Jean-Pierre Duhard a étudié la totalité des figures féminines paléolithiques françaises[3] et conclut au réalisme physiologique de ces images. Il considère que les figures de la frise de l'abri Bourdois illustrent différents états de la femme (gravide ou non, notamment) et conclut à des sujets d'adiposité normale, à l'encontre des idées reçues de femmes obèses, fessues et mamelues.

Études en cours et restitution au public

Le décor pariétal est toujours en cours d'étude, sous la direction scientifique de Geneviève Pinçon. Les fragments ornés de l'Abri Bourdois et de la cave Taillebourg sont minutieusement relevés chaque année en vue de leur raccordement. La paroi de l'Abri Bourdois livre de nouveaux éléments à chaque campagne.

Le Roc-aux-Sorciers est fermé au public pour des raisons de conservation. Cependant, une restitution au public en réalité augmentée est proposée au public dans le cadre du Centre d'interprétation du Roc-aux-Sorciers [4]. Le projet se différencie sensiblement du fac-similé de Lascaux II (Montignac, Dordogne) dans la mesure où il ne s'agit pas seulement de proposer une copie de l'original mais de montrer la variété d'interprétations que l'art pariétal a suscité au cours de la relativement brève histoire de la science préhistorique.

La frise de l'Abri Bourdois a d'ores et déjà fait l'objet d'un ouvrage rédigé par Ludmila Iakovleva et Geneviève Pinçon[5]. À l'heure actuelle, le deuxième volume de la monographie du site est en cours d'écriture[6]. Parallèlement à ces publications papier, un catalogue en ligne, Le Roc-aux-Sorciers : art et parure du Magdalénien vient de paraître. Consultable gratuitement sur le site de la Réunion des Musées nationaux[7], il présente les objets archéologiques issus des fouilles de Lucien Rousseau et de Suzanne de Saint-Mathurin.

Voir aussi

Notes

  1. coordonnées du site du Roc-aux-Sorciers identifiées sur WikiMapia
  2. Rousseau, 1933, pp. 239-256
  3. Duhart 1989a
  4. ouvert au public depuis le 21 mars 2008
  5. Iakovleva et Pinçon 1997
  6. Le Roc-aux-Sorciers : ses occupants les Magdaléniens et leur rapport à l'art, sous la direction de Geneviève Pinçon
  7. Le Roc-aux-Sorciers : art et parure du Magdalénien

Bibliographie

  • Auzanne I., Desroches E. et Pinçon G., 2002, « Bilan d’interventions sur le site magdalénien du Roc-aux-Sorciers à Angles-sur-l’Anglin (86, France) : restauration, analyse de la polychromie et relevé numérique 3D », in : Collectif, L’art avant l’Histoire, la conservation de l’art préhistorique, 10e journée d’études de la Section Française de l’Institut International de Conservation (SFIIC), Paris, 23-24 mai 2002, pp. 221-241, ill.
  • Auzanne I. et Fuentes O., 2003, « Le "sorcier" du Roc-aux-Sorciers à Angles-sur-l'Anglin (Vienne, France) : nouveaux éléments d'analyse », Antiquités Nationales, n° 35, pp. 41-54, ill.
  • Duhard J.-P., 1989a, Le réalisme physiologique des figurations féminines sculptées du Paléolithique supérieur en France, Thèse de doctorat d'État en Anthropologie et Préhistoire, Bordeaux I, 622 p., ill.
  • Duhard J.-P., 1989b, « Les figurations féminines sculptées de l'art rupestre paléolithique (Angles-sur-l'Anglin, La Magdeleine, Laussel) », La sculpture rupestre en France, Colloque national sur la sculpture rupestre, Brantôme, 14 août 1989. Num. spéc. B.S.H.A.P, T.CXVI, p. 87-109.
  • Duhard J.-P., 1992, « Les figures féminines en bas-relief de l'abri Bourdois à Angles-sur-l'Anglin (Vienne). Essai de lecture morphologique », Paléo, n° 4, p. 161-173.
  • Duhard J.-P., 1993, Réalisme de l’image féminine paléolithique, Paris, CNRS, Cahiers du Quaternaire n° 19, 242 p., ill.
  • Iakovleva L. et Pinçon G., 1997, La Frise sculptée du Roc-aux-Sorciers, Angles-sur-l'Anglin (Vienne), Paris, CTHS/RMN, 168 p., ill.
  • Iakovleva L. et Pinçon G., 1999, « L'art pariétal sculpté dans l'habitat du Roc-aux-Sorciers à Angles-sur-l'Anglin (Vienne, France) », L'Anthropologie, 103, 4, pp. 549-568, ill. Côte INIST : 3729,.0040 (résumé).
  • Pinçon G. [dir.], 2009 - Le Roc-aux-Sorciers : art et parure du Magdalénien, Catalogue des collections, Paris, RMN, http://www.catalogue-roc-aux-sorciers.fr
  • Rousseau L., 1933, « Le Magdalénien dans la Vienne. Découverte et fouille d'un gisement du Magdalénien à Angles-sur-l'Anglin (Vienne) », Bulletin de la Société Préhistorique Française, n° 30, pp. 239-256, ill.
  • Saint-Mathurin S. de, 1970, « À propos d’une pointe en os à base fourchue de l’abri du Roc-aux-Sorciers (Angles-sur-l’Anglin, Vienne) », Antiquités Nationales, n° 2, pp. 14-20, ill.
  • Saint-Mathurin S. de, 1975, « Reliefs magdaléniens d'Angles-sur-l'Anglin (Vienne) », Antiquités Nationales, n° 7, pp. 24-31, ill.
  • Saint-Mathurin S. de, 1978, « Les "Vénus" pariétales et mobilières du Magdalénien d’Angles-sur-l’Anglin », Antiquités Nationales, n° 10, pp. 15-22, ill.
  • Saint-Mathurin S. de, 1984, « L’abri du Roc-aux-Sorciers », in : Collectif, L’Art des Cavernes. Atlas des grottes ornées paléolithiques françaises, Paris, Ministère de la Culture, Imprimerie Nationale, pp. 583-587, ill.
  • Saint-Mathurin S. de et Garrod D., 1949, « Les fragments de bas-reliefs découverts dans le gisement magdalénien ancien d’Angles-sur-l’Anglin (Vienne) », C.-R. Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, séance du 20 mai 1949, pp. 138-142, ill.

Liens externes

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