- Regard caméra
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Un regard caméra est un terme de cinéma désignant le fait qu'un personnage regarde en direction de la caméra et en fixe l'objectif.
La convention au cinéma veut que les acteurs ne regardent pas la caméra. Cette convention est héritée du théâtre où les acteurs ne doivent pas regarder les spectateurs. C'est ce que Denis Diderot appelle le quatrième mur. Cette convention permet de préserver le réalisme de la narration[1].
Comme le rappelle Martin Kronström[2] : « le système narratif classique fonctionne d'abord sur ce tabou cinématographique du regard à la caméra afin de camoufler son dispositif et appuyer sa naturalité idéologique. ».
Le regard caméra peut avoir plusieurs usages[1] :
- prise de vue en caméra subjective (identification du spectateur à la caméra)[1] ;
- vue d'un miroir, d'un écran de surveillance vidéo ou d'un judas de porte[réf. souhaitée] ;
- interpeller le spectateur, le prendre à témoin ;
- en fin de film, manière de faire sortir le spectateur du film ; Alfred Hitchcock estimait à ce titre que le regard caméra, c'était comme prendre un voyeur sur le fait[réf. souhaitée].
Le regard caméra peut aussi être le signe d'une production à petit budget (recours à des acteurs amateurs, tournage en décors naturel et sans figurant rémunéré, peu de prises de vue et donc peu de choix entre les rushes…).
Dans l'histoire du cinéma
Dans le film Un été avec Monika d'Ingmar Bergman (1953), avant de tromper Harry, Monika regarde fixement la caméra. Jean-Luc Godard analyse ce regard caméra comme une prise à témoin du spectateur[3] : « Il faut avoir vu Monika rien que pour ces extraordinaires minutes où Harriet Andersson, avant de recoucher avec un type qu'elle avait plaqué, regarde fixement la caméra, ses yeux rieurs embués de désarroi, prenant le spectateur à témoin du mépris qu'elle a d'elle-même d'opter involontairement pour l'enfer contre le ciel. C'est le plan le plus triste de l'histoire du cinéma. »
A la toute fin des Quatre Cents Coups de François Truffaut, le personnage d'Antoine Doinel joué par Jean-Pierre Léaud regarde la caméra pour marquer la fin du film[4].
Le procédé est aussi très souvent utilisé par Jean-Luc Godard. Au début d'À bout de souffle, le personnage de Michel Poiccard joué par Jean-Paul Belmondo regarde la caméra et s'adresse au spectateur: « Si vous n'aimez pas la mer... Si vous n'aimez pas la montagne... Si vous n'aimez pas la ville : allez vous faire foutre ! ». Ici, le regard-caméra est utilisé pour prendre le spectateur à témoin et créer un effet de distanciation[1]. De même, dans Une femme est une femme (1961), Angela, le personnage jouée par Anna Karina fait un clin d'œil à la caméra au début du film. Un peu plus tard dans le film, Emile (Jean-Claude Brialy) et Angela saluent le spectateur face à la caméra. Le même procédé est encore utilisé dans Pierrot le fou.
Alfred Hitchcock utilise aussi le procédé. Par exemple, à la fin de Complot de famille (1976), le personnage de Blanche adresse un clin d'œil au spectateur[1].
Plus récemment, dans son film Dans Paris (2006), le réalisateur Christophe Honoré utilise un personnage qui s'adresse directement au spectateur en regardant la caméra en face pour jouer le rôle de narrateur.
On peut aussi citer The Big Lebowski (1998) où le personnage de l'Etranger s'adresse plusieurs fois à la camera en tant que narrateur, ainsi que de nombreux films de Woody Allen comme par exemple Whatever Works (2009).
Voir aussi
- Simon Dronet, « Le Regard Caméra » sur arte.tv, 2010. Consulté le 05/06/2011
Références
- Le Regard Caméra » sur arte.tv, 2010. Consulté le 05/06/2011 Simon Dronet, «
- Martin Kronström, « Le regard à la caméra », dans Cadrage.net, mai 2001 [texte intégral (page consultée le 05/06/2011)]
- Jean-Luc Godard, « Monika », dans Arts, no 680, 30 juillet 1958 rééimprimé dans Jean-Luc Godard, Les Années Cahiers, Flammarion, 1989, p. 146-148
- Antoine de Baecque et Serge Toubiana, François Truffaut, Éditions Gallimard, 2001, 2e éd., p. 263
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