- Quango
-
Autorité administrative indépendante
Une autorité administrative indépendante (AAI), autorité régulatrice ou quango en anglais (pour quasi non-governmental organisation [1]) est un organisme étatique plus ou moins indépendant du pouvoir exécutif. C'est donc une forme spécifique des organisations administratives, qui bénéficient d'un plus large degré d'autonomie à l'égard du politique que l'administration classique. Les AAI ont souvent un pouvoir de sanction ou de réglementation, ce qui en fait des organismes quasi-juridictionnels. Pour cette raison, on parle aussi d'« autorités régulatrices ». La détermination exacte de ce qui constitue une AAI ou non demeure floue en l'absence de critères généraux, la plupart de ces agences ayant été créées de façon ad hoc pour répondre pragmatiquement à certains types de problèmes. Au-delà de leurs différences et d'une diversité des noms portés par ces agences, toutes se caractérisent toutefois par cette indépendance relative, ou autonomie, vis-à-vis du gouvernement. Ce modèle original administratif s'est particulièrement développé depuis les années 1970 dans la plupart des démocraties libérales, bien que certaines soient bien plus anciennes.
Le terme d'AAI est utilisé par le législateur de façon explicite en France depuis la création de la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) en 1978, mais recouvre d'autres organisations plus ou moins similaires.
L'Italie utilise le même terme qu'en France (autorità amministrativa indipendente (it)), lesquelles incluent par exemple la Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (it) (Consob, instituée en 1974), la Commissione di vigilanza sui fondi pensione (it) (Covip, ou Commission de surveillance des fonds de pension, instituée en 1993), etc. L'Allemagne, l'Espagne (par exemple le Consello da Cultura Galega (es) présidé par Ramón Villares) ou encore l'Inde (TRAI (en) ou Telecommunications Regulatory Authority of India) connaissent des organismes similaires.
L'équivalent des AAI aux États-Unis sont les agences indépendantes ou les agences régulatrices (en) (regulatory agencies ou independant regulatory commissions) telles que l'Interstate Commerce Commission (ICC), créée en 1887, ou la Food and Drug Administration (FDA). Au Royaume-Uni, en Irlande ou en Australie on parle de quangos (quasi non-governmental organisation ou « organisation quasi-non gouvernementale »).
Sommaire
En Allemagne
L'Allemagne dispose de 189 « autorités administratives autonomes » [2].
En Autriche
Article connexe : Politique de l'Autriche.L'Autriche dispose de Chambres administratives indépendantes (Unabhängiger Verwaltungssenat (de)) depuis la loi constitutionnelle de 1988, qui sont des autorités administratives indépendantes, ayant des compétences juridictionnelles pour trancher les différends entre les particuliers et l'administration, mais n'étant pas de véritables tribunaux administratifs. Elles jouissent d'une indépendance fonctionnelle (pas de contrôle hiérarchique de ses membres) et organiques (garanties statutaires, par exemple non révocabilité du mandat). Leurs décisions sont soumises au contrôle de la Cour administrative et de la Cour constitutionnelle. L'indépendance est toutefois limitée en raison de la nomination des membres par les gouvernements des Landers. Ces chambres indépendantes sont donc à mi-chemin entre autorités administratives et juridictions [3].
En Belgique
La Belgique compte par exemple la Commission bancaire, financière et des assurances.
Aux États-Unis
Certains, tels Michel Gentot (conseiller d'Etat et ex-président de la CADA ainsi que de la CNIL) considèrent que seules 8 agences indépendantes des États-Unis (dont la Federal Communications Commission et l'Agence de protection de l'environnement) peuvent être réellement qualifiées d'AAI [2].
En France
Article détaillé : Autorité administrative indépendante en France.Selon le Conseil d’État français, les autorités administratives indépendantes sont des « organismes administratifs qui agissent au nom de l'État et disposent d'un réel pouvoir, sans pour autant relever de l'autorité du gouvernement » [réf. nécessaire]. La France en aurait une cinquantaine [1].
La notion d'AAI apparaît en 1978 avec la création de la CNIL, puis en 1984 avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui s'en sert pour désigner la Haute Autorité de la communication audiovisuelle.
On parle aussi d'autorités de régulation, explicitement ou implicitement, en raison du mode de fonctionnement adopté. Certains organismes portent ainsi ce nom, par exemple l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui est une « autorité publique indépendante » dotée de la personnalité morale, et non une AAI, ou la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
En Italie
En Italie, le terme d'autorità amministrativa indipendente (it) a été utilisé la première fois, de façon explicite, en 1984, par la Commission Piga (it). Tout comme en France, les AAI italiennes forment une anomalie par rapport au modèle traditionnel de l'administration, dit modèle cavourien. Elles ne dépendent pas d'un ministère et sont formées pour surveiller et contrôler des secteurs spécifiques et délicats, qui ne sont pas administrés de façon directe par le gouvernement. De même qu'en France, les attributions des AAI italiennes sont diverses, l'indépendance relative qui les caractérise étant le seul point commun.
Les agences suivantes sont considérées comme des AAI:
- Commissione Nazionale per le Società e la Borsa
- Istituto per la Vigilanza sulle Assicurazioni Private
- Commissione di Garanzia dell'Attuazione della Legge sullo Sciopero nei Servizi Pubblici Essenziali
- Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (autorité de concurrence)
- Commissione di Vigilanza sui Fondi Pensione
- Autorità per l'Energia Elettrica e il Gas
- Garante per la Protezione dei Dati Personali (équivalent de la CNIL)
- Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni
- Autorità per la Vigilanza sui Contratti Pubblici di Lavori, Servizi e Forniture
En Algérie
Une douzaine d'autorités administratives indépendantes ont été créées dans le domaine économique et financier : il s'agit de la Commission d'organisation et de surveillance des opérations de bourse, le Conseil de la monnaie et du crédit, la Commission bancaire, l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications, l'Agence nationale du patrimoine minier et l'Agence nationale de la géologie et du contrôle minier, la Commission de supervision des assurances, la Commission de régulation de l'électricité et du gaz, l'Autorité de régulation des transports, le Conseil de la concurrence, l'Autorité de régulation des services publics de l'eau, l'Agence nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine. Enfin et dans un autre domaine, celui de la moralisation de la vie publique et de la transparence financière de la vie politique, le législateur a initié la création de l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption. Chargées d’une mission de régulation des secteurs placés sous leur autorité, les autorités administratives indépendantes bouleversent les catégories classiques du droit administratif : leur spécificité réside d'abord dans leur indépendance. Elles ne sont en effet soumises ni à un pouvoir hiérarchique des pouvoirs publics, ni à un contrôle de tutelle, même si en pratique certaines sont placées « auprès d’un ministre », à l’image du Conseil de la concurrence. La seconde spécificité de ces organes réside dans leur composition collégiale qui les distingue notamment des établissements publics. En outre, l'autorité administrative indépendante n'est pas un organe de gestion mais de contrôle, de supervision, d'arbitrage ou de réglementation. Enfin, certaines cumulent des attributions multiples parmi lesquelles on relève le pouvoir réglementaire, le pouvoir d'autorisation, le pouvoir de sanction ainsi qu'un pouvoir d'arbitrage et de règlement des différends entre opérateurs. Contrairement à leurs homologues françaises, la plupart des autorités administratives indépendantes sont dotées de la personnalité morale. Seules trois d’entre-elles en sont dépourvues. Professeur R. Zouaïmia.
Références : - Rachid Zouaïmia, Les autorités administratives indépendantes et la régulation économique en Algérie, Editions Houma, Alger, 2005. - Rachid Zouaïmia, Les autorités de régulation indépendantes dans le secteur financier en Algérie, Editions Houma, Alger, 2005. - Rachid Zouaïmia, Droit de la régulation économique, Berti Editions, Alger, 2008.
Au Maroc
Le Maroc dispose d'une Haute Autorité de la communication audiovisuelle (HACA), construite sur le modèle du CSA français [2].
En Norvège
Les organismes indépendants sont très anciens en Norvège, mais ne sont désignés comme AAI que par la doctrine [4].
Aux Pays-Bas
Près de 200 organismes correspondent aux AAI, notion introduite par la doctrine [4] (Zelfstandig bestuursorgaan).
Au Royaume-Uni
Le Royaume-Uni connaît plusieurs types d'agences indépendantes, qui sont très nombreuses (plusieurs centaines au total):
- less quangos (quasi non-governmental organisation ou « organisation quasi-non gouvernementale »), qui incluent par exemple la Press Complaints Commission (en), l'Office of Communications (Ofcom) ou la Water Services Regulation Authority (en) (Ofwat). Certains quangos ressemblent toutefois aussi à des établissements publics (dotés de personnalité morale), mais, à la différence de ces derniers, ne dépendent pas de la tutelle du Ministère des Finances ou de l'administration [2].
- les non-departmental public bodies (en) qui incluent la BBC, la chaîne de télévision S4C, le Committee on Standards in Public Life (en) ou encore l'Equality and Human Rights Commission (en);
- les Non-ministerial government department (en) (l'Office de régulation du rail, etc.). Ces derniers sont des ministères qui ne dépendent pas de l'exécutif et ne sont pas dirigés par un ministre, mais répondent directement devant la législature. Ce ne sont donc pas vraiment des AAI, à la différence des non-departmental public bodies.
Le Parliamentary and Health Service Ombudsman (en) n'est pas une AAI, puisqu'il dépend du Parlement, bien qu'il bénéficie d'une certaine autonomie.
En Suisse
En Suisse, on peut citer l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle et l'Autorité de contrôle des médicaments [4].
En Turquie
La Turquie a créé plusieurs agences régulatrices indépendantes depuis les années 1980-1990, qui forment elles aussi une exception au caractère centralisateur de l'Etat kémaliste. Il n'y a pas de cadre législatif ni de jurisprudence suffisante qui encadrent leur existence. On peut citer :
- l'autorité de concurrence (Rekabet Kurumu (tr), créée par une loi de 1994);
- le Conseil de surveillance et de réglementation bancaire (tr) (BBDK), qui dispose de pouvoirs de sanction [5];
- le Tasarruf Mevduatları Sigorta Fonu (tr) (TMSF) en matière bancaire et financière (assureur, administrateur provisoire et liquidateur) [5];
- l'autorité des marchés financiers;
- le Conseil suprême de la radio et de la télévision;
- l'autorité des télécommunications, etc.
Dans l'Union européenne
Sur le plan communautaire, il n'y a que le médiateur européen, créé en 1994, qui peut être qualifié d'AAI [4]. On peut citer toutefois l'existence du Contrôleur européen de la protection des données, du G29 qui rassemble les différentes autorités de protection des données personnelles, ou l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Notes et références
- ↑ a et b Roland Drago, POUR OU CONTRE LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES, Académie des sciences morales et politiques, communication du 29 octobre 2007
- ↑ a , b , c et d http://international.tamu.edu/eunotes/Spring.../marcia-paper-aai.doc (Papier sur le site de la Texas A&M University
- ↑ Barbara Chaloyardlien, « Les chambres administratives indépendantes autrichiennes : une institution controversée » in Revue internationale de droit comparé, 2001, Volume 53, Numéro 2, pp. 429-452. [lire en ligne]
- ↑ a , b , c et d Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié (Tome 1 : Rapport) du Sénat français
- ↑ a et b Le cadre réglementaire du secteur bancaire en Turquie, fiche de synthèse publiée par l'ambassade de France en Turquie
Annexes
Articles connexes
- Autorité administrative indépendante en France
- Agence indépendante du gouvernement des États-Unis
- Règlementation
- Régulation
Liens externes
Bibliographie
- Portail du droit
Catégories : Autorité administrative indépendante ou équivalent | État | Droit administratif | Droit comparé
Wikimedia Foundation. 2010.