Prospectif

La prospective est une démarche qui permet de se préparer aujourd'hui à demain. Elle ne consiste pas à prévoir l'avenir (futurologie).

La fonction première de la prospective est d'aider à la prise de décision stratégique qui engage un individu ou un groupe sur une longue durée.

On peut analyser le mot sous forme de mot-valise pour exprimer son étymologie. Il réunit la prospection qui est l'exploration de domaines nouveaux, et la perspective qui induit les notions de point de vue et de futur.

Il faut parler d'une démarche prospective car, une prospective efficace se fonde sur des ajustements et des corrections en boucles rétroactives dans le temps. La prise en compte de la prospective par les décisionnaires et différents acteurs de la société modifie elle-même le futur.

Histoire

Il s'agit - sous cette dénomination - d'un concept créé par Gaston Berger à la fin des années 1950, mais qui existait dans les faits auparavant, dont dans la littérature (Jules vernes et de nombreux auteurs de science fiction ont anticipé sur leur époque pour imaginer le futur : par exemple, dans La Guerre des mondes, H. G. Wells décrit une arme dont les effets rappellent ceux du laser bien avant son invention).

Dans le domaine du changement climatique notamment, les scénarios et les courbes de tendances construits à partir de séries de données récoltées dans le passé (ici rassemblées par le GIEC) visent à aider à imaginer l'avenir.

Prospective démographique

Elle et généralement basée sur des projections démographiques qui étayent des scenarii qualitatifs. C'est une préoccupation ancienne de divers états et gouvernements, puis de l'ONU. Un des enjeux plus récent est d'évaluer le vieillissement de la population et le financement des retraites dans les pays où le baby-boom a été suivi (ou sera suivi) d'une phase attendue ou déjà effective de « vieillissement démographique ».

Prospective énergétique

Les prospectivistes s'intéressent notamment aux consommations d'énergie qu'ils analysent au regard du caractère pas, peu, difficilement ou couteusement accessible et/ou renouvelable des ressources énergétiques utilisés par des individus, familles, entreprises, société et humanité entière. Cette prospective intéresse la géostratégie (cf sécurité et dépendance énergétiques) et l'économie, mais aussi l'écologie.

Ainsi,

• en 1860,William Stanley Jevons avait déjà extrapolé vers le futur les prélèvements anglais de charbon jusqu’au milieu du 20ème siècle pour évaluer les risques de perte de compétitivité de l’industrie anglaise face à la concurrence allemande et américaine.
• 50 ans après lui, H.S. Fleming calculait la future consommation d’énergie des Etats-Unis de 1950 ; il ne s'est trompé quantitativement que de 1,5 % … mais il n'avait pas deviné que le pétrole deviendrait la principale source énergétique, qu'il avait en totalité attribué au charbon.
• En France, un Centre polytechnique d’études économiques s'était en 1939 essayé à évaluer les consommations énergétique décennale, mais fut bloqué par la seconde guerre mondiale qui arrivait.
• Vers 1950, les calculs prospectifs à long et très long terme se sont multipliés, surtout aux Etats-Unis, imités par tous les pays industrialisés, avec l'encouragement des Nations unies dont tous les grands organismes ont aujourd'hui des services statistiques et de prospective. l'IIASA International Institute for applied

systems analysis a lancé un exercice prospectif de longue durée (1972-80) qui a mobilisé un grand nombre de chercheurs. Les Conférence mondiale de l’énergie, la Conférence de RIO et de Kyoto notamment, ou le GIECC ont élaboré et fait connaître de nombreux scenarii prospectifs qui ont contribué à modifier les décisions des élus et le comportement d'un grand nombre d'acteurs sans toutefois avoir encore permis d'atteindre le facteur 4 qui est l'objectif relativement partagé issu de ces travaux.

Prospective et développement durable

Étant donné que la prospective s'intéresse au futur, elle peut s'appliquer aux problématiques d'évaluation du développement durable^[1].

En France, le Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a développé depuis 2006 un programme de prospective^[2].

Le Comité 21, ou Comité français pour l'environnement et le développement durable,[1]a également développé un programme de prospective. Un Comité de prospective, présidé par Mme Bettina Laville, a été créé en son sein en janvier 2009. Après cinq mois de travaux, le Comité de prospective du Comité 21 a présenté le 26 juin dernier son premier rapport intitulé : « Temps de crise financière, économique, écologique, sociale : enjeux, contradictions, opportunités ». [2]

Membre de ce Comité de prospective, M. Thierry Gaudin connu en France pour ses deux livres : 2100, Récit du prochain siècle et 2100, Odyssée de l'espèce, qui proposent de travailler sur douze programmes planétaires pour le XXIe siècle. Avec son association Prospective 2100 [3]il réfléchit effectivement à une approche prospective du développement durable.

Horizons de temps

Le concept de tendance est cependant détourné par les cabinets de style. On parle alors de "tendance de mode" ... pour la saison prochaine. On est alors loin de la prospective d'une manière générale,

• prospective du présent sur 2 à 5 ans,
• prospective du devenir sur 5 à 10 ans,
• prospective proche de la futurologie sur plus de 25 ans.

La prospective se fait donc sur plusieurs horizons, selon que l'on est entreprise, administration ou Etat (voire un particulier cherchant à s'orienter professionnellement ou décider de placements d'argent).

Méthodes

Deux grandes attitudes sont généralement distinguées en matière de prospective :

• L'une est orientée sur les scénarios. En caricaturant ou simplifiant des hypothèses et des tendances, elle permet d'aboutir à des scénarios ou schémas prospectifs imaginables construits sur des ensembles.
• L'autre est orientée sur l'intuition. Elle recherche ce qui n'est pas du domaine du logique et prend plus volontiers le risque de se tromper (on ne peut-être vraiment certain qu'un signal faible était un vrai signal qu'avec le temps), s'exprimant souvent en cahier ou atelier de prospective, en veillant à ne pas se limiter par autocensure, laquelle empêche souvent les « signaux faibles » de devenir visibles au groupe.

Chaque méthode a ses avantages et inconvénients. L'histoire semble montrer que dans le cas de la prospective à 10 ans, la seconde était plus efficace selon la richesse intuitive insufflée notamment par le recueil de signaux faibles. Ainsi, le fax, Dell, le SMS, Actimel, ... sont nés d'intuitions. Dans certains pays de tradition plus cartésienne, tels que la France, la méthode des scénarios est peut être plus appréciée, rassurant les esprits. Au Canada, la méthode intuitive serait préférée. Elle semble aussi plus appropriée à la détection de signaux faibles définis comme étant les « faits porteurs d’avenir » par Hugues de Jouvenel^[3]).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

• (fr) Michel GODET.Manuel de Prospective stratégique- Tome 1 Une indiscipline intellectuelle, Edition Dunod,2004
• (fr) Michel GODET.Manuel de Prospective stratégique- Tome 2 Problèmes et méthodes, Edition Dunod, 2004
• (fr) Michel GODET.Le choc de 2006, Edition Odile Jacob, 2004
• (fr) Michel Godet.Le courage du bon sens, Edition Odile Jacob,2006
• (en) Carroll GUIGLEY, « Evolution of Civilizations », chez Liberty Fund, Inc, 1979.
• (fr) (en) Hugues de JOUVENEL. Invitation à la prospective - An Invitation to Foresight, Edition Futuribles, Coll. Perspectives, 2004, 88p.

Liens externes

• (fr) Une nouvelle approche pour la prospective des forces par Jean Marguin, Fondation pour la Recherche Stratégique.
• (fr) Exemple de recueil de signaux faibles

Notes et références