Prière à Jésus Crucifié

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La Prière à Jésus crucifié (parfois aussi désignée par les premiers mots de son texte en latin En ego, o bone et dulcissime Jesu[1]) est une prière du rite tridentin qui n'est pas canonique.

Son origine n'est pas connue. Elle pourait dater du Moyen Âge[2].

Sommaire

La prière dans son temps

La fin du Moyen-Âge voit se développer une dévotion pour le Christ en souffrance qui se traduit dans l'évolution des représentations figurées, en particulier les statues des christs en gloire et des vierges en majesté qui tendent à être remplacés par des christs en croix et des pietàs.[réf. nécessaire] À partir du xive siècle, une dévotion spéciale aux cinq plaies du Christ apparaît [3] et les prières sur ce thème se multiplient.

La prière En ego, o bone et dulcissime Jesu qui porte sur ce thème est demeurée d'usage courant au début du xxe siècle[4].

Selon Alexandre Olivar, la prière En ego est peut-être le modèle d'une multitude de poèmes ou prières produits au xvie siècle siècle, au moins en Espagne[5].

Toujours selon Alexandre Olivar, cette prière a été abondamment diffusée et reproduite en appendice de certains missels jusqu'au concile Vatican II parmi les oraisons d'action de grâce destinées à la fin de la messe. Elle y est accompagnée d'une image du Christ en croix dont la présence est nécessaire pour gagner les indulgences que peut offrir sa récitation[5].

Indulgences

Une indulgence a été accordée par Clément VIII et Benoît XIV aux fidèles prononçant cette prière, et a été confirmée et rendue plénière par Pie VII (décret de la Sacrée congrégation des indulgences en date du 10 avril 1821). L'indulgence était accordée à tout fidèle qui, ayant confessé et communié, disait dévotement cette prière avec contrition devant un crucifix ou une image du Christ crucifié, et en priant selon les intentions de l'Église. Cette indulgence s'étendait aux traductions de la prière (à condition qu'elles soient fidèles). Le successeur de Pie VII, Léon XII, a rendu cette indulgence applicable aux âmes du purgatoire[6].

Par décret en date du 31 juillet 1858, le pape Pie IX a confirmé cette indulgence plénière, en ajoutant une nouvelle condition à sa validité : il convenait de prier dévotement quelque temps à l'intention de Sa Sainteté[7].

La prière à Jésus crucifié est aujourd'hui encore mentionnée à l'enchiridion des indulgences : bénéficie d'une indulgence plénière le fidèle qui la récite pieusement un vendredi de Carême devant une image du Christ crucifié et après avoir communié ; bénéficie d'une indulgence partielle le fidèle qui l'utilise pour faire l'action de grâce après la communion[8].

Une coquille tenace

Une majorité des versions imprimées de la prière au XIXe siècle écrivent in ore ponebat suo, ce qui n'a pas de sens grammaticalement[9], tandis que quelques-unes contiennent le logique in ore ponebat tuo. Par décret du 29 mars 1894, la Sacrée congrégation des indulgences a publié une mise au point : la version correcte est in ore ponebat tuo. La question n'est pas si anodine qu'il y paraît, puisqu'il est de principe que le texte littéral doit être scrupuleusement respecté pour qu'une indulgence soit accordée ; dans ce cas d'espèce, et malgré le caractère apparemment mineur de la coquille, la congrégation des indulgences rappelle que le texte correct est seul acceptable[10].

Le texte de la prière

En latin

En ego, o bone et dulcissime Jesu,
ante conspectum tuum genibus me provolvo,
ac maximo animi ardore te oro atque obtestor,
ut meum in cor vividos fidei, spei, et charitatis sensus,
atque veram peccatorum meorum poenitentiam,
eaque emendandi firmissimam voluntatem velis imprimere,
dum magno animi affectu et dolore,
tua quinque Vulnera mecum ipse considero,
ac mente contemplor, illud prae oculis habens, quod jam in ore ponebat tuo David Propheta de te, o bone Jesu:
"Foderunt manus Meas et pedes Meos;
dinumeraverunt omnia ossa Mea."[11]

Traduction française

O bon et très-doux Jésus,
me voici prosterné à genoux en votre présence.
Je vous prie et je vous conjure avec toute la ferveur de mon âme,
d'imprimer dans mon cœur de vifs sentiments de foi, d'espérance et de charité,
ainsi qu'un vrai repentir de mes péchés, et le plus ferme propos de m'en corriger;
tandis qu'avec une vive affection et une grande douleur, je considère en moi-même et que je contemple en esprit vos cinq plaies,
ayant devant les yeux ce que disait autrefois de vous, ô bon Jésus, le prophète David :
Ils ont percé mes mains et mes pieds;
ils ont compté tous mes os.[12]

Notes et références

  1. Par exemple dans le Journal Historique et Littéraire, Liège, 1858-1859, vol. 25, p. 268 [lire en ligne sur le site Google Books]
  2. Analecta bollandiana [1], vol. 54, 1936.
  3. Émile Mâle, L'art religieux de la fin du moyen âge en France: étude sur l'iconographie du moyen âge et sur ses sources d'inspiration, Armand Colin, 1925 , p. 106
  4. Louis Gougaud, Dévotions et pratiques ascétiques du Moyen Âge, Desclée de Brouwer, 1925 , p. 85
  5. a  et b (ca) Alexandre Olivar, Catàleg dels manuscrits de la Biblioteca del Monestir de Montserrat, vol. 1, L'Abadia de Montserrat, 1991 (ISBN 9788478262151) , p. 99
  6. Jean-Paul Migne, Victor-Daniel Boissonnet, Dictionnaire alphabético-méthodique des cérémonies et des rites sacrés, vol. 2, Migne, Ateliers Catholiques du Petit-Montrouge, 1847 , p. 1162
  7. Coeleste Palmetum..., op. cit. p. 95 ou Journal historique et littéraire. Ce dernier fournit le texte complet du décret pontifical.
  8. Enchiridion des indulgences, Lethielleux, 2000 , item « Communion eucharistique et spirituelle ». La version originale en latin est consultable sur le site du Vatican (rechercher « en ego » dans le texte).
  9. Ainsi la totalité des sources du XIXe siècle consultées à l'appui de cet article.
  10. (en)The American ecclesiastical review, vol. 11, 1894, p. 52-53 [lire en ligne]
  11. (la) Wilhelm Nakatenus, Coeleste Palmetum ad ubertatem et sacras delicias excultum, ornatum, munitum opera, H. Dessain, succ. P.J. Hanicq, Malines, 1866 , p.95. Les autres sources fournies dans l'article fournissent le même texte, mais avec des variantes très mineures dans la ponctuation ou l'usage des majuscules. La coquille figurant dans les sources exposée plus bas dans le texte de l'article est ici corrigée.
  12. Cette traduction française est celle fournie dans le Journal historique et littéraire, op. cit., p. 270. Elle a reçu l'approbation de l'archevêché de Malines.
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