Parodie (litterature)

Parodie (litterature)

Parodie (littérature)

La parodie, du grec παρωδια : chant sur un autre air, contre-chant, est le travestissement trivial, plaisant et satirique d’une œuvre littéraire.

La parodie se rattache au burlesque, qui est aussi un travestissement du même genre ; mais elle en diffère en ce qu’elle change la condition même des personnages, tandis que le burlesque trouve une de ses principales sources de comique dans l’antithèse entre le rang et les paroles de ses héros. Ainsi, le Virgile travesti de Scarron laisse Énée, Didon et les autres personnages dans la condition que leur a donnée Virgile.

La parodie est presque aussi vieille que la littérature elle-même. On attribue à Homère la Batrachomyomachie, qui présente, ainsi que les autres œuvres héroï-comiques, le travestissement des dieux et des héros. On cite également Archiloque et Hipponax comme les créateurs du genre au VIe siècle ou VIIe siècle. Ni les fragments qu’on possède de ces poètes, ni les témoignages de l’Antiquité ne permettent de rien affirmer à cet égard.

L’origine de la parodie dramatique est mieux précisée, car Aristote en attribue l’invention à Hégémon, poète de l’ancienne comédie athénienne, dont on jouait la parodie de la Gigantomachie, le jour où arriva la nouvelle du désastre de l’expédition de Sicile. Vers la même époque, Euripide parodiait le neuvième chant de l'Odyssée, dans son drame satirique du Cyclope. Bientôt après, Aristophane parodiait Euripide et Eschyle. Les anciens contrefaisaient ainsi la manière, le style d’un écrivain, ou des passages, des parties d’une œuvre ; mais on ne leur connait pas de parodie suivant l’œuvre entière pour la travestir et en faire une contrepartie grotesque. C’est un peu dans cette veine que Rabelais parodie la scolastique dans Pantagruel et Gargantua. Le Don Quichotte de Cervantes est, entre autres, une parodie roman de chevalerie.

La parodie peut comprendre un ouvrage entier, comme l’a été l'Énéide d’un bout à l’autre, dans les littératures française, italienne et allemande ; on cite, après le poème burlesque de Scarron, les Aventures du pieux Énée, du jésuite Blumauer. Brébeuf, le traducteur de la Pharsale, a publié un Lucain travesti, ce qui a fait dire qu’il l’avait travesti deux fois.

Monbron a donné, à Berlin, une Henriade travestie, qui suit le texte presque vers par vers et qui est considérée comme une des meilleures compositions burlesques. Mais le plus souvent la parodie ne porte que sur une partie d’ouvrage. Brébeuf a donné celle du VIIe livre de l'Énéide ; le Chapelain décoiffé de Boileau est la parodie de quelques scènes du Cid. Champcenetz et Rivarol ont parodié le Songe d’Athalie. Quelquefois même, seuls un passage ou un vers sont parodiés ; un grand sentiment, une grande pensée fournissent, par allusion, une plaisanterie, une image bouffonne. Ainsi, un beau vers du Cid (Acte I, sc. I) devient dans les Plaideurs (Acte I, sc. VI) :

Ses rides sur son front gravaient tous ses exploits.
Gargantua, parodie de la scolastique.

La parodie complète d’un ouvrage dramatique est devenue, par l’emploi fréquent et quelquefois par la spirituelle originalité de la plaisanterie et de la satire, un des genres du théâtre comique français. Le XVIIe siècle a offert des parodies à la scène. Subligny a travesti, sous le titre de la Folle querelle, l’Andromaque de Racine. Depuis les Précieuses ridicules, la plupart des grandes comédies de Molière ont été parodiées sur des scènes rivales.

C’est au XVIIIe siècle que le genre de la parodie a connu la plus grande vogue. Il défraya les théâtres de la Foire et des Comédiens Italiens. On cite surtout les pièces suivantes : Œdipe travesti (1719), par Dominique et Legrand, parodie de Œdipe de Voltaire ; l’Agnès de Chaillot (1723), par Dominique, parodie de l’Inès de Castro de La Motte Houdar ; Philomèle (1725), par Piron, parodie de l’opéra Philomèle du poète Roy ; le Mauvais ménage de Voltaire (1725), par Dominique et Legrand, parodie d’Hérode et Mariamne de Voltaire ; Colombine Nitétis, par Piron, parodie de la tragédie Colombine Nitétis de Danchet ; Pirame et Thisbé (1726), par Dominique, Romagnesi et Riccoboni ; Alceste (1729), par Dominique et Romagnesi, parodie de l’Alceste de Quinault ; le Bolus (1731), par Dominique, parodie du Brutus de Voltaire ; les Enfants trouvés, ou le Sultan poli par amour (1732), par Dominique, Romagnesi et Riccoboni, parodie de la Zaïre de Voltaire ; Thésée, parodie nouvelle de Thésée, par Laujon (1745) ; la Femme, la Fille et la Veuve (1745), par Laujon, parodie du ballet des Fêtes de Thalie ; Zéphyre et Fleurette (1754), par Laujon et Favart, parodie de Zélindor, opéra de Moncrif ; la Bonne-Femme (1776), par Piis, parodie de l’Alceste de Gluck ; la Veuve de Cancale (1780), par Pariseau, parodie de la Veuve de Malabar de Lemierre ; le Roi Lä (1783), parodie du Roi Lear de Ducis, par le même ; la Petite Iphigénie, ou les Rêveries renouvelées des Grecs, parodie de l’Iphigénie en Tauride de Guimond de La Touche, etc. Marivaux lui-même n’a pa dédaigné, dans ses débuts en littérature, donner une Iliade travestie (1716) et un Télémaque travesti (1726)

En Angleterre, le roman Paméla ou la Vertu récompensée de Richardson a connu un tel succès de librairie qu’il a inspiré nombre de parodies, dont deux de Fielding : la première, anonyme, de Shamela, censée révéler l’identité réelle de Pamela, écrit dans la même forme épistolaire que l’original et, la seconde, de Joseph Andrews, qui a fini par devenir un vrai roman. Eliza Haywood s’est également mise de la partie avec Anti-Pamela (1741), qui est devenu son romans le plus connus.

Agnès de Chaillot, parodie de la pièce Inès de Castro.

Au XIXe siècle, les deux parodies les plus goûtées ont été les Petites Dandides de Désaugiers (1817), parodie à grand spectacle de l’opéra des Danaïdes, et Arnali, ou la Contrainte par cor (1830), parodie de Hernani, par Auguste de Lauzanne. Dans la seconde moitié de ce siècle, c’est surtout dans les Revues de fin d’année que se trouvèrent les parodies, dirigées, soit contre des personnages ou des parties d’une œuvre dramatique, soit contre le talent et la manière d’un acteur. Un autre genre théâtral, datant du second Empire, se rattache moins à la parodie en particulier qu’au burlesque en général : c’est l’opérette-bouffe qui travestit les héros et les dieux mythologiques, et même quelquefois des personnages appartenant à l’histoire. Le succès de ces pièces, à la fois littéraires et musicales, a été inouï. On peut citer les ouvrages scéniques d’Offenbach pleins d'humour, voire de propos immoralistes assez scabreux, tels que la Belle Hélène (1864), du cocufiage réciproque dans Orphée aux Enfers (1861) ou la Grande-Duchesse de Gérolstein (1867), comme types de ce genre.

Ni la vogue des opérettes, ni la mode des revues n’ont chassé entièrement la parodie proprement dite du théâtre. On ne peut guère citer ici les titres de ces bouffonneries contemporaines, souvent plus vite oubliées que les œuvres éphémères auxquelles elles s’attachent.

On a fait aussi des parodies en chansons. Désaugiers les mit à la mode, sous la forme de pots-pourris où se mêlaient le bouffon et le grivois. Il composa sur la Vestale et sur Artaxerce des chansons de ce genre, mettant en œuvre beaucoup de licence et de plaisanteries triviales, qui eurent, jusque dans les salons, un succès à peine concevable.

Plus près de nous, le journaliste américain Peter Gumbel a écrit un ouvrage dont le titre, French Vertigo, parodie American Vertigo de Bernard-Henri Lévy.

Bibliographie

  • Lionel Duisit, Satire, parodie, calembour : esquisse d'une théorie des modes dévalués, Saratoga, Anma Libri, 1978
  • Patricia Eichel-Lojkine, Excentricité et humanisme : parodie, dérision et détournement des codes à la Renaissance, Genève, Droz, 2002
  • Isabelle Landy-Houillon, Maurice Ménard, Burlesque et formes parodiques dans la littérature et les arts : actes du colloque de l'Université du Maine, Le Mans, du 4 au 7 décembre 1986, Seattle, Papers on French Seventeenth Century Literature, 1987
  • Daniel Sangsue, La Parodie, Paris, Hachette, 1994
  • Clive Thomson, Alain Pagès, Dire la parodie : colloque de Cerisy, New-York, P. Lang, 1989

Source

  • Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 1540-1

Voir aussi

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