- Paradoxe français
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Le paradoxe français (French paradox) est l'expression qu'emploient les anglophones et les diététiciens pour désigner une apparente contradiction entre la pratique alimentaire des Français et leur santé. Ce terme issu du début du XXe siècle rapportant au départ aux singularités culturelles et économiques, fut définitivement dessiné par sa première utilisation dans le domaine du French Paradox concernant le vin : dés les années 1986 dans "La Lettre" de l'Office international de la vigne et du vin, puis en 1989 où le "The French Paradox Antioxidants" sera mis en exergue par George Riley Kernodle. Ensuite en 1992 Serge Renaud, professeur de l'Université de Bordeaux, avec Michel De Lorgeril et Patricia Salen, spécialistes français de l'alimentation méditerranéenne et des oméga-3 souligneront un autre aspect du French paradox.
Il ne s'agit en fait pas du régime alimentaire de toute la population française mais uniquement de celle du Sud-Ouest, même si les Français ont un pourcentage d'infarctus bien plus faible que les Américains : 145 infarctus par an pour 100 000 habitant d'âge moyen contre 315. Dans cette partie de la France, en effet, l'alimentation est globalement assez riche en matières grasses (foie gras, confit de canard) et en vins, voire en boissons alcoolisées, alors que la santé globale est assez bonne, que le taux d'infarctus est de seulement 80 pour 100 000 par an, soit 4 fois moins qu'aux États-Unis[1] — il est vrai que les Crétois font encore mieux avec seulement 38 cas pour 100 000 habitants — et que l'espérance de vie est 10 ans plus élevée que dans le nord-est de la France.
Explications possibles
Plusieurs hypothèses sont actuellement (2005) en concurrence, et d'ailleurs non exclusives les unes des autres :
- La consommation de vin rouge à dose raisonnable (un ou deux verres par jour) préviendrait le développement des maladies cardio-vasculaires. Une hypothèse était que le resvératrol, un des nombreux polyphénols contenus dans certains vins, est particulièrement protecteur. Cette hypothèse a été prouvée par une équipe de l'INRA en janvier 2010[2]. Plus généralement, l'action potentiellement bénéfique des polyphénols contenus dans le vin rouge est régulièrement mise en avant. De fait, la courbe indiquant le taux de consommation de vin rouge et celui des maladies cardio-vasculaires dans les pays occidentaux a une allure bien linéaire régressive (on dit par boutade qu'il faudrait corriger ces statistiques des personnes qui n'ont pas pu avoir une maladie cardio-vasculaire parce qu'une cirrhose les a tuées avant, mais l'augmentation de longévité ne témoigne pas dans ce sens). Cependant cette théorie fait débat et ce d'autant que d'énormes intérêts économiques sont en jeu. Notamment, la plupart des études qui concluent à un effet protecteur de la consommation d'alcool souffrent d'une erreur méthodologique sérieuse, puisque sont rangés dans la catégorie des abstinents les anciens alcooliques devenus abstinents (cela dit, un alcoolique, par définition, ne fait pas une consommation de vin « à dose raisonnable », ce qui explique que les anciens alcooliques soient classés parmi les abstinents)[3]. Quelques études limitent la catégorie des abstinents aux abstinents de toujours — relativement rares dans la population concernée — et ne retrouvent pas cet effet protecteur. Le petit nombre d'études reposant sur une méthodologie correcte ne permet pas de porter une conclusion définitive sur cette question. Certains craignent par ailleurs que défendre la thèse d'un effet positif du vin encourage une consommation régulière, alors que l'alcool est responsable de nombreuses autres pathologies.
- Au côté du vin, et des effets bénéfiques de son resvératrol et de ses polyphénols, l'huile d'olive a un effet complémentaire aussi bénéfique grâce à ses molécules (o-diphénols, oleuropeine, tyrosol, hydroxytyrosol, tyrosols et hydroxytyrosols aglycones, tocophérols) dont les propriétés contre les maladies cardio-vasculaires ont été scientifiquement démontrées en particulier dans l'huile vierge de première pression à froid. Ces composés phénoliques sont aussi présents dans les olives de table[4].
- La viande de volaille (canard, oie...) est certes riche en cholestérol, mais davantage en bon cholestérol (Lipoprotéine de haute densité) qu'en mauvais (LDL).[réf. nécessaire]
- Les oies ou les canards recevraient pour supporter leur gavage des doses importantes d'anticholestérolémiants qui se retrouveraient en partie dans leur viande. Cette information qui n'est ni confirmée ni infirmée fait sans doute partie des légendes urbaines.
- La consommation de poissons, même gras, comme la truite, - et les acides gras qu'ils contiennent sont généralement très favorables à la santé, certains sont même indispensables, et trop rarement consommés par ailleurs - est supérieure dans le sud de la France, et les poissons sont pauvres en LDL et autres hydrates saturés (c'est un point commun avec l'alimentation des Japonais, gros consommateurs de poisson, à bonne longévité).
- La consommation de fruits et légumes frais est également supérieure dans le Sud de la France, ce qui apporte des antioxydants bénéfiques à la préservation de la santé. Globalement l'alimentation y est plus diversifiée.
- Les glucides, et non les lipides, seraient responsables du surpoids et des maladies cardio-vasculaires, comme le suggérait déjà Brillat-Savarin dans sa Physiologie du goût publiée en 1825. Certains mettent en question l'hypothèse lipidique, communément admise, selon laquelle l'excès de consommation de graisses (et le cholestérol) serait le responsable principal des maladies cardio-vasculaires[5].
- La pollution de l'air est moins élevée dans l'Ouest de la France, mieux exposé au vent, et avec une concentration urbaine moins élevée, ce qui diminue l'incidence des maladies respiratoires. La plus grande douceur du climat permet aussi une meilleure ventilation des lieux de travail et de vie durant une grande partie de l'année.
- Une autre raison possible est liée à la présence dans les pays du pourtour méditerranéen d'une plante sauvage particulièrement riche en omega-3, le pourpier, qui pourrait contribuer à baisser le risque cardio-vasculaire. « Les poules s'en régalent, comme s'en régalent aussi limaces et autres animalcules, dont les poules en liberté se régalent aussi… »[1]
- Il se peut enfin que davantage de retraités choisissent le Sud-Ouest que le Nord-Est de la France pour profiter de leurs vieux jours, augmentant ainsi encore les statistiques de longévité moyenne dans cette région.
Notes et références
- Le "French Paradox", Maurice Legoy
- http://www.plosone.org/article/info:doi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0008554
- (en)Moderate alcohol use and reduced mortality risk: Systematic error in prospective studies, Kaye Middleton Fillmore, William C. Kerr, Tim Stockwell, Tanya Chikritzhs, Alan Bostrom, Addiction Research & Theory, Volume 14, Issue 2 April 2006, pages 101-132
- Vin et Santé
- Le cholestérol n'a rien à voir avec le développement de l'athérosclérose
Articles connexes
- Oméga-3
- Michel Montignac
- Michel de Lorgeril
- Diète méditerranéenne ou Régime méditerranéen.
- Acides gras
- Alimentation
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