Panthéiste

Panthéiste

Panthéisme

Le panthéisme est une doctrine philosophique selon laquelle Dieu est tout, ou, par exemple dans le panenthéisme de Spinoza (nommé "acosmique" par Hegel) tout est en Dieu. Ce mot vient du grec ancien pan (πὰν: « tout » et theos (θέος) (« dieu »). Dans la philosophie occidentale, et notamment depuis Spinoza, le sens qui est donné à ce mot « tout » est en général identique à celui associé à la Nature, au sens le plus général de ce terme, autrement dit de « tout ce qui existe ».

Le panthéisme diffère cependant du naturalisme mais il lui est en général étroitement associé : le naturalisme, au sens propre, est une doctrine qui ne reconnait d'autres principes que les lois ou forces de la Nature. Le panthéisme s'identifie ainsi, sous ce rapport, à un naturalisme déiste fortement déterministe.

On peut comparer ce système au monothéisme transcendant en deux points :

  1. tout ce qui est, existe non seulement par Dieu, mais en Dieu.
  2. Dieu n'est pas un être personnel distinct du monde, mais il lui est immanent (en opposition au Dieu créateur et transcendant).

Il entretient certains rapports avec les courants monistes (tel celui de Leibniz par exemple) qui tentent de résoudre les deux termes d'une dualité en faisant sortir l'un des deux termes de cette dualité de l'un des deux termes en opposition.

Il y a opposition entre une première école qui oppose le panthéisme au théisme (monothéisme et polythéisme) et à lathéisme. Au contraire, une deuxième école affirme qu'il faut « par essence » d'abord être théiste.

Sommaire

Apport de Spinoza

Les références entre parenthèses revoient aux différentes propositions de la première partie de lÉthique.

Dans son Éthique, Spinoza affirme que le panthéisme est la seule façon logique de considérer Dieu et l'univers. Bien que le terme en question apparaisse au XVIIIe siècle, donc ait été étranger à Spinoza lui-même, il résume, quoique très grossièrement, lessentiel de la pensée de lauteur. Dieu nest pas cet être suprême, transcendant et personnel. Il est en fait impersonnel et immanent au monde, cest-à-dire quil fait partie du monde ; mieux, quil est le monde.

Les êtres, au lieu dêtre vus comme une création de Dieu, sont perçus comme une affection de la substance, une expression de Dieu. Ayant ceci en tête, on peut comprendre ce qui amène Spinoza à écrire son Éthique, et à le faire selon la méthode géométrique. On peut, puisque Dieu est la nature (relations étroites entretenues entre le panthéisme de Spinoza et le naturalisme), et non un être céleste résidant hors du monde, en faire une étude toute scientifique, avec la méthode des sciences naturelles. Tout nest donc quune seule chose, et cette seule chose, cest Dieu. La table est table avant dêtre une table rouge, et ainsi de suite.

De même, sachant quune substance est conçue par elle-même et ne dépend pas dune autre (déf. 3), deux substances nont rien de commun entre elles si elles ont des attributs différents. Spinoza ne fait quétendre ici la définition 3. Si, en effet, une substance ne dépend pas dune autre, cest quelle a son concept en elle-même, et ainsi son concept « nenveloppe pas le concept de lautre ». Les deux substances sont donc entièrement indépendantes, elles ne se connaissent pas mutuellement. Or, une chose ne peut en causer une autre si elle ne la connaît pas.

On en arrive à la question centrale, qui est la détermination des choses, cest-à-dire ce qui nous permet de distinguer une chose dune autre. Pour Spinoza, cest soit la « diversité des attributs des substances », soit « la diversité des affections des substances ». Puisquune chose ne peut exister que par elle-même, on ne peut la distinguer que par ses propres propriétés, cest-à-dire ses attributs et ses affections. Or, comme Spinoza pense l'avoir démontré, la substance vient avant laffection. Si on écarte les affections et quon se concentre seulement sur la substance en elle-même, on ne peut plus la distinguer. Si cest en revanche lattribut qui détermine la substance, on ne peut distinguer deux substances ayant le même attribut. On doit conclure quil « ne peut y avoir dans la nature deux ou plusieurs substance de même nature ou attribut » (Prop. 5). Spinoza pense avoir prouvé quune substance ne peut pas en produire une autre si elle na rien de commun avec elle. Il affirme ensuite quaucune substance, en fait, na quoi que ce soit en commun avec une autre. On peut en déduire, dans ces conditions, qu’« une substance ne peut pas être produite par une autre substance » (Prop. 6). Voilà qui conclut ce premier mouvement de largumentation portant sur la substance en tant que telle. Voyons maintenant ce qui en est de Dieu.

Si une chose ne peut être produite par une autre, cest quelle est sa propre cause. Cela implique que « son essence enveloppe nécessairement son existence » (Prop.7), donc quelle existe. Or, puisque toute substance doit être unique et quelle existe nécessairement, elle doit exister soit comme chose finie, soit comme chose infinie. Spinoza réfute toutefois la thèse de la finitude. Si une substance est finie, cest quelle est limitée par une autre de même nature qui, elle aussi, existe nécessairement. Or, Spinoza a affirmé quil ne peut y avoir deux substances de même nature. Il est donc absurde quune substance existe comme chose finie. En découle que « toute substance est nécessairement infinie » (Prop. 8). Cela inclut aussi Dieu, que nous avons décrit comme étant un être absolument infini. Or, si on admet que lessence enveloppe nécessairement lexistence, on doit aussi admettre que Dieu, substance constituée par une infinité dattributs, existe. (Prop. 11). Spinoza voit Dieu comme un être, donc dans la Nature.

Toutefois, Spinoza réserve aux sceptiques une preuve plus soignée. Il souligne quon ne peut prouver que Dieu existe en se référant à une autre chose car, nous lavons vu, deux choses différentes ne se connaissent pas lune lautre. On ne peut non plus infirmer son existence, pour les mêmes raisons. On doit donc expliquer Dieu par sa propre nature. Or, démontrer que Dieu nexiste pas en utilisant des notions contenues dans sa substance est absurde. Cela reviendrait par exemple à montrer quune table nexiste pas en utilisant sa couleur ou sa solidité comme argument. Le but de ce second mouvement est atteint : nous sommes parvenus à une définition de Dieu et à une preuve de son existence. Tâchons maintenant de conjuguer à cela ce que nous avons dit de la matière.

Dieu, qui existe par sa nature même, est indivisible. Cest le cas pour toute substance absolument infinie, quon ne peut considérer autrement. En effet, imaginons que cette substance soit divisible. Dans un cas, les « morceaux dinfini » retiendraient les attributs de leur état dorigine (non divisé) et on aurait plusieurs infinis. Or, nous lavons démontré, on ne peut concevoir deux substances ayant les mêmes attributs. Dans lautre cas, la substance infinie ne serait plus et, ayant démontré que Dieu existe bel et bien, cela est impossible. Dieu existe, il est infini et indivisible. Mais sil est infini, cest quil possède tous les attributs possibles. Il est donc parfait, au sens classique du terme, puisquil contient nécessairement plus dêtre que toute autre chose. Toute substance doit donc sexpliquer par un des attributs de Dieu. Mais cela est absurde car il ne peut y avoir deux substances possédant les mêmes attributs. De plus, une substance ne peut sexpliquer que par elle-même. La seule solution est dadmettre que rien nexiste en-dehors de Dieu. Si quelque chose pouvait être conçu en-dehors de Dieu, cette chose devrait être conçue comme étant existante. Comment pourrait-elle alors exprimer une essence puisque toutes les essences demeurent en Dieu ? Cette substance hors de Dieu naurait donc pas dattributs, et puisque les attributs définissent la substance, ne pourrait exister. Or, nous avons démontré que toute substance existe nécessairement. On ne peut donc penser aucune substance en dehors de la substance divine. Il ny a dans la nature quune seule substance, qui est Dieu, et qui possède tous les attributs.

Bibliographie

Citations

« … il en va de même pour lêtre un et suprême, en qui lacte ne diffère pas de la puissance, qui peut être tout absolument, et qui est tout ce quil peut être ; sous le mode de la complication, il est lun, limmensité, linfini (…) ; sous le mode de lexplication, il se trouve dans les corps sensibles, ainsi que dans la puissance et dans lacte que nous y voyons distingués. »

« Une religion vieille ou nouvelle, qui a souligné la magnificence de l'univers comme révélé par la science, pourrait être capable d'avancer des réserves de révérence et de crainte rarement captée par les fois conventionnelles. Tôt ou tard, une telle religion apparaîtra. »

« Je crois au Dieu de Spinoza qui se révèle lui-même dans l'harmonie ordonnée qui existe, pas en un Dieu qui se soucie du destin et des actions des êtres humains. »

« Pour moi, ce n'est pas un Dieu personnifié, mais un principe panthéiste omniprésent dans la Nature […] Je parle d'un principe créateur qui règle l'univers à son début, non d'un Dieu personnifié. »

Voir aussi

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