Ost

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La « Tapisserie de Bayeux » illustre parfaitement l'ost en action dans les guerres du Moyen Âge


Le terme ost ou host désignait l'armée en campagne à l'époque féodale et le service militaire que les vassaux devaient à leur suzerain au Moyen Âge. Dès le haut Moyen Âge, le service d'ost ou ost s'imposait à tous les hommes libres ("homines liberi"), appelés plus tard vavasseurs.

Sommaire

Étymologie

Le mot « ost », apparu vers 1050 dans la langue d'oïl, trouve son origine dans le mot latin « hostis » (ennemi, qui donna « hostile »), puis, par extension, « armée ennemie », et enfin « armée », terme qui le remplacera progressivement, le faisant tomber en désuétude. Au XVIIe siècle, Jean de La Fontaine l'utilise encore, comme figure de style dans ses Fables :

« (...) on vit presque détruit
L’ost des Grecs, et ce fut l'ouvrage d'une nuit[1].  »

Les origines de l'organisation militaire médiévale

La chute de l'empire romain en 476 a entraîné de profonds bouleversements dans l'organisation militaire des nouveaux États qui se sont constitués sur ses ruines, à la suite des grandes invasions. Aux légions romaines, armée permanente sous les ordres de l'empereur va succéder un nouveau type d'armée, non permanente, l'armée médiévale (ou ost), qui se met en place avec la féodalité. Il va en résulter une multitude de petites armées seigneuriales — chaque seigneur disposant librement de ses propres forces, recrutées parmi ses vassaux — qui se regroupent à l'appel du roi pour former l' « ost royal » (armée royale).

L'armée médiévale dans le droit féodal

Dans le droit féodal, le roi ou le seigneur publiait son ban de guerre et convoquait ses vassaux sous sa bannière et à son « ost » (armée), non seulement lorsque le pays était envahi ou l'intérêt général mis en jeu, mais aussi pour les guerres privées, "car le plus pressant des problèmes qui s’imposaient alors aux classes dirigeantes était beaucoup moins d’administrer, durant la paix, l’État ou les fortunes particulières que de se procurer les moyens de combattre."[2]

Les hommes d'armes servaient pour un temps déterminé (de quarante à soixante jours). Le seigneur pourvoyait sa troupe en armes, en munitions et en vivres. S'ils étaient eux-mêmes chevaliers ou barons, les vassaux emmenaient avec eux leurs soldats. Quiconque désobéissait devenait félon et comme tel, était privé de son fief (commise).

Ce pouvoir de « ban » dont disposait le seigneur était l'un des rouages essentiel de la féodalité, car il permettait à celui-ci non seulement d'ordonner, mais également de contraindre et de châtier. C'était donc l'un des fondements de son autorité. Dans les appels faits pour service militaire, on distinguait le ban proprement dit, composé des vassaux directs, convoqués par le roi ou le seigneur lui-même, et l'arrière-ban, composé des vassaux des vassaux convoqués par leurs propres suzerains.

Évolution de l'ost avec celle de la stratégie militaire

Au VIIIe siècle, avec l'avènement des Carolingiens, on assiste à une mutation de l'art militaire des Francs, la cavalerie commençant à prendre le pas sur l'infanterie, grâce à l'introduction de l'étrier. Les progrès de la métallurgie permettent de créer des armes plus solides, mais aussi plus coûteuses, donc réservées à l'élite. Le coût plus élevé de l'équipement, limite ainsi la levée des hommes aux plus riches, si bien que l'armée tend en quelque sorte à se professionnaliser, préfigurant la future chevalerie. Ces changements permettront la victoire aux batailles de Toulouse et de Poitiers, ce qui permit d'éloigner la menace d'une invasion musulmane.

Ce type d'armée connaîtra son apogée avec l'apparition, dans le dernier tiers du Xe siècle, de la chevalerie — qui distingue le noble chevalier combattant à cheval, du paysan, soldat d'infanterie ou artilleur — et son développement à partir du XIe siècle. L'institution des dignités de maréchal de France et de connétable, destinées à récompenser les actions de bravoure des plus fidèles compagnons du roi au cours de ses campagnes militaires, viendront parachever cette organisation militaire médiévale.

La disparition de l'ost et la constitution des armées modernes

À partir du XIIe siècle, le vassal peut s'affranchir du service militaire en payant l'écuage à son suzerain, ce dernier utilisant cette taxe pour s'offrir le service occasionnel de mercenaires (appelés routiers à cette époque) afin d'épauler l'ost (cas fréquent pour l'ost royal).

À partir du XIVe siècle, la nature de la guerre changeant, avec l'apparition de nouvelles armes - arbalètes, artillerie - on assiste à la création de véritables compagnies de mercenaires, composées de soldats professionnels, qui s'engagent pour le compte du plus offrant. Le lien qui unissait le seigneur et ses vassaux dans l'ost s'estompe progressivement, en même temps que le système féodal se transforme. Il disparaît, sous sa forme militaire, à partir du XVIe siècle, avec la création de nouvelles armées permanentes, préfigurations de nos armées modernes.

L'Espagne est le premier pays européen moderne à avoir rétabli une armée permanente, composée de quatre régiments d'infanterie rassemblant 7000 hommes dotés d'armes à feu et de lances. Sous le roi Gustave II Adolphe, la Suède va également se doter d'une armée permanente, recrutée par conscription pour faire face à son engagement dans la guerre de Trente Ans.

Mais, en France, le roi Charles VII va jeter les bases d'une future armée de métier. On peut s'en faire une idée au travers de certaines chroniques du temps :

"Les Vigiles de Charles VII", miniature

La réforme militaire de 1439, d'après un poète contemporain :

Les Vigiles de Charles VII
« L'an mil quatre cent trente neuf
Le feu roi si fit les gens d'armes
Vêtir et habiller de neuf,
Car lors étoient en pauvres termes.
Les uns avoient habits usés
Allant par pièces et lambeaux
Et les autres tout déchirés
Ayant bon besoin de nouveau.
Si les monta et artilla,
Le feu roi selon son désir,
Et grandement les rhabilla
Car en cela prenoit plaisir. »
Martial d'Auvergne (1439)


On doit à Charles VII la constitution de la première armée de métier permanente, qui commence avec l'établissement des compagnies d'ordonnance, décidé en 1445 par le roi et son Conseil constitué de son fils, le dauphin (futur Louis XI), le roi de Sicile René Ier, le duc de Calabre son fils, messire Charles d'Anjou, le comte de Richemont, connétable de France, les comtes de Clermont, de Foix, de Saint-Pol, de Tancarville et de Dunois (le Bastard Jehan d'Orléans), et d'autres conseillers, tant ecclésiastiques que séculiers.

On décide d'avoir, en divers lieux, des gens d'armes de métier, payés en permanence.

En 1445, une lance équivaut à :

  • 1 homme d'armes
  • 1 page
  • 1 valet
  • 1 coutillier (armurier)
  • 2 archers

soit 6 hommes, à 40 francs pour la totalité de la lance.

Chaque capitaine commande donc 600 hommes. Avec les 15 capitaines, cela représente 9 000 hommes. C'est la première armée de métier, enrôlée en permanence et rétribuée par le pouvoir en place, c'est-à-dire le roi, par la taille levée sur les lieux de garnison. C'est l'embryon de notre armée moderne, avec 1 500 hommes d'armes, 1 500 coutillers, 3 000 pages et valets, et 3 000 archers. En 1450, cette armée fut portée à 1 700 lances, ce qui donne, par le même calcul : 10 200 hommes, auxquels on pouvait ajouter, le cas échéant, les troupes de certains seigneurs "fieffés" (titulaires d'un fief), surtout des bannerets, qui avaient encore le droit de lever leurs propres hommes d'armes. À cela il faut aussi ajouter deux compagnies de gardes écossais, environ 200 hommes, plus particulièrement chargés de la sécurité de la personne du roi, suite à la "Auld Alliance", traité entre les deux pays. Ainsi furent jetées les bases de notre armée moderne, première armée de métier.

NB : il existait aussi dans les villes un service de guet, qui était chargé de surveiller les alentours du haut des tours ou des remparts. À titre d'anecdote, voici la composition du "guet" d'Orléans, en mars 1566, avec le nombre d'hommes et les soldes correspondantes :

  • 1 chevalier (ou écuyer) à 1 200 livres par an
  • 1 lieutenant à 250 livres par an
  • 8 archers à 100 livres soit 800 livres par an
  • 22 archers à 50 livres soit 1 100 livres par an
  • 1 greffier à 150 livres par an,

soit 33 hommes, et une dépense, pour la ville, de 3 500 livres par an. En juillet 1563, est nommé pour commander ce corps Rolland de Sémellon, écuyer, homme d'armes dela compagnie de M. de Cypierre, gouverneur de la ville. (Med. Orléans - Bull. SAHO)

Voici comment était résumé ce qui précède dans les manuels scolaires, après la dernière guerre :

"Les compagnies d'ordonnance : Après le supplice de Jeanne (d'Arc), la guerre avec les Anglais dure encore 20 ans; mais les choses sont bien changées. Servi par de sages conseillers, Charles VII, qui s'est réconcilié avec les Bourguignons, peut rentrer dans sa capitale : Paris. Il réussit à constituer une bonne armée. La cavalerie est formée de troupes permanentes, les Compagnies d'ordonnance, et l'infanterie par des Francs Archers qui s'entraînent chez eux et sont appelés sous les armes suivant les besoins. Des canons, montés sur des chariots, forment la première artillerie de campagne. Grâce à cette armée, le roi remporta deux victoires qui libèrent la Normandie et la Guyenne, et en 1453, les Anglais ne possèdent plus en France que Calais. Durant les vingt années qui suivent la mort de Jeanne d'Arc, le royaume se restaure."

("Petite Histoire de la France et du peuple français", par H.Belot - Cours moyen - Classes de 8e et de 7e des lycées et collèges - Programme de 1945 - Librairie Istra - Strasbourg, 15, rue des Juifs)

Voir aussi

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Articles connexes

Notes

  1. Jean de La Fontaine, « Le Fermier, le Chien et le Renard », Fables, XI, 3.
  2. P. THOMAS, Textes historiques sur Lille et le Nord, t. II, 1936, p. 218.



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