- Monochrome (peinture)
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Un monochrome en peinture est, par métonymie, une œuvre (sur toile, panneau ou mur) réalisée à partir d'une unique couleur, d'une nuance et d'une valeur uniques.
Sommaire
Histoire
Cet effet propice aux esquisses (sinopia) ou aux simulations de sculpture (grisaille) avaient leurs adeptes pendant la Renaissance italienne. La sanguine permettait également de composer des dessins en teintes de rouge ; l'art du camaieu était également désigné par le terme monochrome[1].
La peinture chinoise[2], quand elle n'utilise que l'encre de chine noire, compose également des monochromes.
Les prémices du monochrome contemporain
Dans son roman Vie et opinions de Tristram Shandy, gentilhomme publié en 1760, Laurence Sterne introduit une page noire au chapitre XII[3].
On peut trouver comme précurseurs du monochrome « contemporain » les recherches d'artistes impressionnistes tel que Claude Monet ou Whistler. En effet, leurs recherches sur la couleur et les motifs ont abouti dans certaines œuvres à une certaine dématérialisation des objets pour ne conserver que des arrangements de lumières colorées (Effet de neige à Giverny en 1893, ou dernières séries des Nymphéas de Claude Monet)[4], ou de tons très sombres chez Whistler (Arrangement en Noir et Gris, 1871).
En réaction, plusieurs caricatures de ces œuvres virent le jour à la fin du XIXe siècle, notamment parmi le groupe des Incohérents, contemporain de Monet. Ainsi, Paul Bilhaud signa en 1882 Combat de nègres dans une cave, pendant la nuit, puis Alphonse Allais avec une série de sept toiles monochromes peintes dans les années 1880 : Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la mer Rouge (rouge), Stupeur de jeunes recrues de la Marine en apercevant pour la première fois la Méditerranée (bleu) ; Des souteneurs, encore dans la force de l'âge, le ventre dans l'herbe, buvant de l'absinthe (vert) ; Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige (blanc) ; Combat de noirs dans un tunnel, la nuit (noir) ; Manipulation de l'ocre par des cocus ictériques (jaune) ; et Bande de pochards poussiéreux dans le brouillard (gris)[4],[5].
L'affirmation du genre contemporain
Les toiles monochromes sont apparues à la même époque que la naissance de l'art abstrait et de l'art suprématiste.
Le Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch est souvent considéré comme le premier monochrome de la peinture contemporaine[6] et il reste l'un des plus célèbres. Par la suite, les monochromes sont devenus un type à part entière en peinture, au même titre qu'une scène religieuse ou qu'une nature morte.
À la suite de Malevitch et toujours en Russie, Alexandre Rodtchenko présenta en 1921 dans l'exposition 5x5=25 trois toiles monochromes : Couleurs pures : rouge, jaune, bleu[7] (ou Couleur jaune pure, Couleur rouge pure, Couleur bleue pure). L'artiste et les critiques ont voulu y voir la mort de la peinture, au sens « classique » et « bourgeois » du terme[8],[9],[6].Rapidement, le monochrome a mêlé peinture et sculpture, ou en tout cas en ajoutant à la surface plane de la toile des éléments turgescents, avec un rapprochement entre suprématisme et constructivisme[4].
- Lucio Fontana a fait évoluer ce concept en pratiquant des incisions ou des perforations dans des toiles monochromes à partir de 1949[10].
- Yves Klein est célèbre pour ses séries monochromes[11] d'un bleu profond qu'il a protégée sous le nom d'International Klein Blue (IKB). Ces monochromes, qu'il aurait réalisé sur papier dès 1949, puis sur toile à partir de 1955, ont ensuite été déclinés en tableaux sur lesquelles sont collées des éponges, mais aussi en sculptures, en empreintes de corps précédemment plongées dans la peinture, etc...[12] Il a aussi réalisé des monochromes d'autres couleurs, notamment or, rose, rouge, vert[13].
- Ad Reinhardt radicalise sa peinture au début des années 1950. Il réduit sa palette à une seule couleur par toile, puis, en 1953, n’utilise plus qu’une peinture sombre, proche du noir. À partir de 1960, et ce jusqu’à sa mort, il peint les Ultimate Paintings, des toiles de même format, aux valeurs très proches, presque ton sur ton, qui laissent à peine entrevoir un motif. Ce sont, selon Ad Reinhardt « les dernières peintures que l’on peut peindre ».
- Atsuko Tanaka réalise des draps monochromes qu'elle étend sur le sol lors de la première exposition du groupe Gutai à Tokyo en 1955.
- Pierre Soulages fait évoluer en 1979 ses séries à coulées de peintures noires vers des monochromes entièrement noirs, au jeu subtil de rainures, qu'il nomme « outre-noirs »[14].
Par extension, le concept de monochrome peut aussi s'étendre étymologiquement à certaines œuvres non issues de la peinture, par exemple celles de James Turrell, dont l'utilisation de la lumière puise sa puissance dans leur agencement monochrome.
Autres artistes
Les artistes suivants ont joué un rôle dans l'histoire du monochrome dans l'art contemporain :
- Ad Reinhardt
- Ben Nicholson
- Sophie Taeuber-Arp
- Léon Tutundjian
Notes et références
- monochrome « tableau exécuté en camaïeu » 1662 dans NED
- Sur les monochromes chinois Morand, Londres, 1933, p.162
- Tristram Shandy, Vie et opinions de Tristram Shandy, gentilhomme, 1760, version originale
- Le monochrome de Malevitch à aujourd'hui, Editions du regard, 2004 (essai de Barbara Rose)
- Note 8 de Susan Pickford, « L'image excentrique et les débuts de la bande dessinée : Gustave Doré et Les Dés-Agréments d'un voyage d'Agrément (1851) », dans textimage, no Varia 1, automne 2007 (ISSN 1954-3840) [texte intégral].
- Entrée « monochrome » du dictionnaire Larousse de la peinture
- http://www.moma.org/interactives/exhibitions/1998/rodchenko/texts/death_of_painting_jpg.html [
- [1]
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- (en) [3]
- [4]
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- Archives Yves Klein
- [6]
Bibliographie
Denys Riout, La Peinture monochrome, Éditions Jacqueline Chambon, 1996
Voir aussi
- 4'33, le « monochromatisme en musique » de John Cage
- « Art », pièce de théâtre de Yasmina Reza
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