Stuart Hall (sociologue)

Stuart Hall (sociologue)
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Stuart Hall
Naissance 3 février 1932
Kingston en Jamaïque
Nationalité Drapeau : Royaume-Uni Royaume-Uni
Profession sociologue

Stuart Hall ( le 3 février 1932 à Kingston en Jamaïque) est un sociologue réputé qui compte parmi les figures centrales des Cultural Studies britanniques.

Sommaire

Biographie

Pensée

Certains de ses articles les plus importants, parmi lesquels "Nouvelles ethnicités", "Les Cultural Studies et leurs fondements théoriques" ou "La redécouverte de l'idéologie", ont été récemment traduits en français dans un ouvrage intitulé Identités et cultures. Politiques des Cultural Studies(éditions Amsterdam, 2007) compilé et préfacé par Maxime Cervulle. Les travaux de Hall croisent la sociologie des médias, la critique marxiste, les cultural studies ou les études postcoloniales et se penchent notamment sur les rapports entre culture, pouvoir et identité culturelle. Un portrait intellectuel de Stuart Hall coécrit par Éric Macé, Éric Maigret et Mark Alizart est également paru aux éditions Amsterdam.

Les travaux de Stuart Hall portent sur le conflit dans la domination ainsi que sur la question de lhégémonie dans les Cultural Studies

Dans les années 1970, Stuart Hall succède à Richard Hoggart comme directeur du Centre for Contemporary Cultural Studies. Son origine jamaïcaine, son ralliement au marxisme et son rejet du magistrat intellectuel et de lélitisme en font un universitaire au parcours atypique. Son modèle «encodage/décodage» est considéré comme une sorte de manifeste fondateur des Cultural Studies considérant que les cultures populaires ont des systèmes de valeurs et des univers de sens propres. Son apport majeur est de poser la culture comme un lieu de conflits et de réfuter lidée dune correspondance absolue entre le moment de la production (lencodage) et celui de la réception (le décodage).

Le processus communicationnel se compose de moments distincts

Stuart Hall souligne les limites du schéma de linformation mathématique de Claude Shannon (émetteur-message-récepteur: celui-ci se focalise sur léchange des message et néglige les structures de relations formant des moments distincts du processus communicationnel. Il propose une autre approche : «appréhender le processus communicationnel comme une structure produite et entretenue par larticulation de moments liés entre eux, mais distinctsproduction, circulation, distribution/consommation, reproduction».

Elle sinspire de la production des marchandises telle que Karl Marx lenvisage et présente pour lauteur un atout précieux : elle prend à la fois en compte la continuité du processus et la spécificité de chacun de ses moments. La production au sein des médias est régie par un ensemble de pratiques résultant des rapports sociaux de production. Le produit prend la forme dun discours obéissant à des codes permettant au langage de signifier. Par exemple, un évènement est traduit sous la forme discursive pour passer de la source au récepteur. Cest le codage ou la production. Le discours circule au sein de lespace public et est distribué aux différents publics. Au moment de la consommation, il sarticule aux pratiques sociales de ces derniers, de sorte quil est transformé en un sens nouveau. Ainsi, nécessaire mais possédant ses modalités et ses conditions dexistence particulières, chacun des moments peut-il rompre le processus communicationnel. Par différentes formes de retours (feedbacks), la circulation et la réception sont «réincorporés» dans le processus communicationnel. Sils ne sont pas identiques, le moment de la production et le moment de la réception sont liés : ce sont différentes étapes dun tout formé par les rapports sociaux à lintérieur du processus de communication.

Le codage et le décodage du sens sont donc deux moments distincts et spécifiques : dans un moment "déterminé", la structure emploie un code et génère un message ; à un autre moment déterminé, le message, par lintermédiaire de ses décodages, débouche sur la structure des pratiques sociale». Ils peuvent ne pas coïncider lorsque les codes du producteur qui code et du récepteur qui décode sont asymétriques.

Le codage du signe télévisuel

Lauteur expose la spécificité du signe télévisuel : il fait intervenir deux codes (visuel et auditif) et il est iconique au sens peircien (le signe possède certaines propriétés du référent). Il semble donc traduire fidèlement la réalité. Loin dêtre transparent, le signe télévisuel résulte au contraire dune mise en forme discursive.

Stuart Hall insiste, en effet, sur le caractère construit des signes : même ceux qui semblent les plus naturels, comme le signe télévisuel, relèvent dun code discursif. Limpression de transparence provient de laccoutumance qui sopère lors dune équivalence entre le codage et le décodage. Les codes nen sont pas moins des conventions arbitraires mettant en forme la signification à partir de larticulation du signe au référent quil désigne.

Cest au niveau de la connotation du signe que le conflit pour le sens : cest à ce niveau que les idéologies agissent sur la production du sens. La dénotation nest pas non plus à labri de lidéologie : «on pourrait dire que sa valeur idéologique est fortement fixéetant elle est devenue universelle et ‘’naturelle’’». La connotation et la dénotation sont donc deux niveaux différents de rencontre entre les idéologies et le discours. Mais cest au niveau connotatif que les «transformations» sur le sens sont les plus «actives» : la dénotation est davantage circonscrite par des codes complexes alors que la connotation est plus ouverte et donc plus propice à une exploitation polysémique. Elle met en relation les signes avec les systèmes de classification de la réalité sociale propre à chaque culture et cristallisant lensemble «des sens, pratiques, usages, pouvoirs et intérêts sociaux».

Pour Stuart Hall, chaque société opère une classification de la réalité sociale constituant «un ordre culturel dominant», de sorte que tous les domaines sont hiérarchisés selon des «sens dominants ou préférés» par rapport auquel toute nouveauté va être évaluée. Ces significations préférentielles portent lempreinte de lordre dominant et ont fait lobjet dune institutionnalisation. Elles expriment donc «la hiérarchie des pouvoirs et des intérêts, la structure de légitimation, les limites et les sanctions» dune société particulière.

Toutefois, ces significations préférentielles ne sont pas totalement closes, de sorte que le processus communicationnel ne se réduit pas à une imposition dun sens dominant rattachant tout élément visuel à des règles préétablies. Il relève de «règles performatives» cherchant à faire prévaloir un domaine de signification sur un autre par le biais dun travail dinterprétation permettant le décodage.

Le décodage du signe télévisuel

Ce travail peut donner lieu à une distorsion de sens entre celui qui est codé par les producteurs dans les émissions et celui qui est décodé par les téléspectateurs. Lauteur insiste que cet écart a été expliqué par le phénomène de la «perception sélective», cest-à-dire une pluralité dinterprétations individuelles et personnalisées. Il critique cette explication : le codage pose un certain nombre de jalons encadrant le sens au sein duquel les décodages opèrent, de sorte que le public ne peut pas laisser libre court à son interprétation, il ne peut pas lire nimporte quelle signification dans nimporte quel contenu. «Un certain degré de réciprocité» est nécessaire entre le codage et le décodage, sinon il deviendrait impossible de parler de processus communicationnel. Cette réciprocité est construite : elle résulte de larticulation du codage et du décodage. Le producteur du message encode un sens dominant mais rien ne garantit que cest ce sens qui sera décodé par le récepteur.

Il émet trois hypothèses exploratoires en distinguant trois types de décodage : hégémonique, négocié et oppositionnel. Le décodage hégémonique est conforme au sens dominant. Le spectateur utilise le même code que le producteur et sa lecture accepte directement et totalement le sens codé. Le code utilisé par les professionnels entre dans cette catégorie. Bien que relevant de pratiques et références qui leur sont propre, lorsquils codent un message ayant «déjà été signifié» de façon hégémonique les professionnels le font en adéquation avec les significations préférentielles de la société, et cela de façon inconsciente. Le décodage négocié consiste à accepter certains éléments du code dominant et à en refuser dautres. Lacceptation de la légitimité du sens hégémonique se fait à un niveau général, et la contestation se fait à un niveau local, corporatiste. Stuart Hall donne un exemple : un ouvrier peut accepter le bien fondé dune loi visant à limiter le droit de grève au nom de lintérêt général et à un niveau particulier le contester lorsquil décide de se mettre en grève pour défendre ses intérêts. Le décodage oppositionnel opère en rupture totale avec le sens dominant. Le récepteur utilise un autre cadre de référence pour lire le message : le téléspectateur dun débat décodant toute référence à «‘’lintérêt national’’ en terme ‘’dintérêt de classe’’».


Plusieurs études empiriques valident ces hypothèses, et notamment le travail de David Morley sur le magazine dactualités Nationwide. Il effectue une étude en réception à partir de 29 groupes de téléspectateurs qui lui permet de montrer que la lecture du programme diffèrent en fonction du milieu social, de lâge et du sexe. Toutefois, cette étude met également en péril le modèle de Stuart Hall en montrant quil repose de façon implicite sur une lecture du rapport aux médias en termes de classe sociale : lordre dominant et bourgeois, les fractions intermédiaires ayant un système de valeur subordonné et les partis subversifs se référant à un système de valeur radical. Lapproche de Morley fait progressivement intervenir dautres variables : lâge, le sexe et léthnicité, de sorte quun décodage oppositionnel dans un domaine peut rester cohérent avec un décodage dominant dans un autre.

Cela a conduit la majorité des Cultural Studies des années 1980 à un relativisme interprétatif confondant les ressources culturelles critiques intervenant au cours de la réception avec un pouvoir populaire résistant aux idéologies et au pouvoir des dominants. Ainsi, comme lexplique Eric Macé, on a confondu les tactiques dérobant ponctuellement des parts dautonomie avec de réelles capacités de modifier les conditions dexistence.

Bibliographie

  • Stuart Hall, Identités et cultures. Politiques des Cultural Studies, édition établie par Maxime Cervulle, trad. de Christophe Jaquet, Paris, Éditions Amsterdam, 2007.
  • Mark Alizart, Stuart Hall, Eric Macé, Eric Maigret, Stuart Hall, Paris, Éditions Amsterdam, 2007.
  • Stuart Hall, Le Populisme autoritaire. Puissance de la droite et impuissance de la gauche au temps du thatchérisme et du blairisme, trad. de Christophe Jaquet, Paris, Éditions Amsterdam, Paris, 2008.
  • Jérôme Vidal, « Les « temps nouveaux », le populisme autoritaire et l'avenir de la gauche. À propos de Le Populisme autoritaire de Stuart Hall », in La Revue internationale des livres et des idées, no 5, mai-juin 2008 (en ligne).

Notes et références de l'article

Voir aussi

Articles connexes

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