Massacre de Babi Yar

Massacre de Babi Yar
Monument aux victimes soviétiques à Babi Yar - Kiev
Monument aux victimes juives, érigé en 1991, pour le cinquantenaire du massacre

Babi Yar (en russe : Бабий Яр ; en ukrainien : Бабин яр, Babyn Yar ; en polonais : Babi Jar), ou « Ravin de la vieille femme », est un lieu-dit entre les villages de Łukianowka et Syriec (aujourd'hui dans le district de Kiev en Ukraine), où près de 100 000 personnes (prisonniers de guerre soviétiques, communistes, juifs, gitans, nationalistes ukrainiens et otages civils) furent assassinées par les nazis et des collaborateurs locaux, pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est l'un des massacres de la Shoah par balles.

Sommaire

Arrivée de la Wehrmacht à Kiev

Le 19 septembre 1941, la Wehrmacht entra dans Kiev, qui comptait 900 000 habitants dont 120 à 130 000 Juifs.

Les forces spéciales du NKVD présentes à Kiev connaissant la tactique d'occupation des Allemands avaient préparé un gigantesque piège. L'armée allemande avaient pour habitude d'utiliser les installations officielles comme poste de commandements, symbolisant leur prise officielle de pouvoir en s'établissant dans les sièges locaux du gouvernement soviétique mais aussi dans les locaux du Parti Communiste. Ce faisant le NKVD avait dissimulé plus d'une dizaine de milliers de charges explosives et de mines dans la plupart des bâtiments publics et laissé un commando sur place chargé de les faire sauter une fois les Allemands en position dans l'espoir de décimer le commandement de la Wehrmacht de la zone et renouvelant la longue tradition russe de politique de la terre brûlée. Les charges furent mises à feu le 24 septembre déclenchant un gigantesque incendie qui dura cinq jours et tua des milliers de soldats allemands[1].

Le 28 septembre, un communiqué ordonna à tous les Juifs de se présenter le lendemain, jour de Yom Kippour, à 8 h avec leurs papiers, valeurs et des vêtements chauds[2]. Il était précisé que tout Juif trouvé ailleurs et sans possession du communiqué en question, ainsi que tout civil surpris à cambrioler un appartement juif évacué, serait exécuté[2]. La plupart des habitants de Kiev, juifs ou non, pensaient qu'il s'agissait d'une déportation.[réf. souhaitée] En réalité, les nazis avaient décidé d'exécuter immédiatement le maximum de Juifs possible en se servant du sabotage comme prétexte. [réf. souhaitée]

Le commandement en place (Generalmajor Kurt Eberhard, Höherer SS-und Polizeiführer SS-Obergruppenführer Friedrich Jeckeln, le chef de l'Einsatzgruppe C, SS-Brigadeführer Otto Rasch et de l'Einsatzgruppe 4a SS-Standartenführer Paul Blobel) avait sélectionné une unité spéciale (Sonderkommando 4a) pour l'exécution du plan et le lieu de sa réalisation.

Exécutions

Site de Babi Yar

Les Juifs de Kiev se rassemblèrent au lieu ordonné, s'attendant à être embarqués dans des trains.[réf. souhaitée] La foule était suffisamment dense pour que la majorité ignorât ce qui se passait en réalité.[réf. souhaitée] Lorsqu'ils entendirent les mitrailleuses, il était trop tard pour prendre la fuite. Ils furent conduits par groupes de dix à travers un corridor formé de soldats, forcés à se dévêtir sous les coups de crosse, puis exécutés au bord de la gorge de Babi Yar.[réf. souhaitée] Le massacre dura deux jours.[réf. souhaitée] Selon les rapports allemands, 33 771 Juifs furent exécutés durant l'opération.[réf. souhaitée]

Dans les mois qui suivirent, 60 000 exécutions eurent lieu au même endroit sur des Juifs, Polonais, Tsiganes, Ukrainiens. Parmi eux se trouvait la poétesse et activiste ukrainienne Olena Teliha.

Camp de concentration

Après les exécutions de masse, un camp de concentration fut créé à Babi Yar. Les communistes, résistants et prisonniers de guerre y ont été enfermés. Le nombre de victimes du camp est estimé à 30 000.

Après-guerre et commémorations

Quand l'Armée rouge reprit le contrôle de la ville le 6 novembre 1943, le camp de concentration fut converti en camp soviétique pour prisonniers de guerre allemands et fonctionna jusqu'en 1946. Le camp fut ensuite détruit, et dans les années 1950 et 1960, le développement urbain gagna la zone, avec la construction d'un complexe d'immeubles et d'un parc. La construction d'un barrage à proximité vit le ravin rempli par des gravats industriels. Le barrage se rompit en 1961, provoquant des coulées de boues qui firent de nombreuses victimes dans le secteur.

Les dirigeants soviétiques ne voulurent pas mettre en avant la spécificité juive de la tragédie de Babi Yar.[réf. souhaitée] Ils présentèrent plutôt ces atrocités comme un crime commis contre le peuple soviétique en général et les habitants de Kiev plus particulièrement. Ainsi le premier rapport de la Commission d'État extraordinaire (Чрезвычайная Государственная Комиссия), en date du 25 décembre 1943 fut il officiellement censuré en février 1944.

Plusieurs tentatives furent menées sous l'ère soviétique pour ériger un mémorial à Babi Yar pour commémorer le destin des victimes juives mais elles n'aboutirent pas.[réf. souhaitée] Un monument officiel fut érigé aux victimes soviétiques en 1976. La mémoire du lieu reste compliquée en Ukraine du fait du grand nombre de victimes assassinées à cet endroit et pour des raisons différentes. Après la chute de l'Union soviétique en 1991, le gouvernement ukrainien autorisa la création d'un monument spécifique aux victimes juives, monument qui fut inauguré en septembre 2001. D'autres monuments furent érigés par la suite, quelquefois de simples croix, dédiées aux nationalistes ukrainiens, aux enfants ou à deux prêtres orthodoxes exécutés par les nazis. Un monument fut également proposé pour rappeler le massacre de nombreux tsiganes mais n'a pas abouti par manque de financement et tracasseries administratives.

Depuis 1990, la médaille de « Juste de Babi Yar » récompense les personnes qui ont porté secours aux Juifs condamnés à mort dans l'extermination de Babi Yar. 400 personnes ont reçu cette médaille à ce jour.

Postérité

  • Dès 1945, le compositeur ukrainien Dmitri Klebanov rendait hommage aux victimes du massacre de Babi Yar en leur consacrant sa Symphonie n° 1. Mal accueillie par les autorités, cette œuvre, comme la quasi-totalité des suivantes, fut laissée à l'écart du répertoire diffusé et enregistré dans l'ancienne Union soviétique.
  • Le massacre de Babi Yar a inspiré à Evgueni Evtouchenko une série de cinq poèmes que Dmitri Chostakovitch a repris intégralement dans sa 13e symphonie opus 113, dite « Babi Yar », pour orchestre, basse et chœur d’hommes, créée à Moscou le 18 décembre 1962 sous la direction de Kirill Kondrachine, dans des conditions rocambolesques (la basse initialement retenue ayant été priée de ne pas l'interpréter le jour-même et Evgueni Mravinski ayant refusé d'en être le chef d'orchestre). Néanmoins, le régime soviétique trouvait ces poèmes trop crus (et trop « juifs ») et a demandé une révision de la symphonie à Chostakovitch. La partition originale fut mise à l'index jusqu'à la mort du compositeur mais une version « auto-censurée » par Evtouchenko fut néanmoins enregistrée par le même Kirill Kondrachine en 1967.
  • Le romancier russe Anatoli Kouznetsov a décrit les faits dans son roman Babi Yar, publié initialement en 1966 dans une version expurgée par la censure.
  • En 1981, l'écrivain anglais D. M. Thomas évoque longuement le massacre de Babi Yar dans un chapitre de son roman The White Hotel (L’Hôtel blanc).
  • La pièce Café (1995) du dramaturge anglais Edward Bond s'inspire du massacre
  • En 2009, Thierry Hesse évoque le massacre dans son roman Démon, dans le paragraphe 22 intitulé « Vernichtung » (qui signifie anéantissement, destruction, en allemand)[4].
  • Babi Yar est également le titre d’un film d’animation ukrainien.

Notes et références

  1. Conot, Robert E., Justice at Nuremberg, Carroll & Graf, 1983. p. 225
  2. a et b Archives du gouvernement ukrainien.
  3. Littell, Jonathan : Les Bienveillantes, éd. Gallimard, Coll. Folio, Paris 2006, pp. 178 et suiv.
  4. Hesse, Thierry : Démon, Edition de l'Oilivier, Paris 2009, pp. 148 à 154.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

50°28′17″N 30°26′56″E / 50.47139, 30.44889

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