Loi salique

Loi salique
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L'expression loi salique désigne deux réalités bien différentes.

  • Dans le haut Moyen Âge, il s'agit d'un code de loi élaboré, selon les historiens, entre le début du IVe siècle et le VIe siècle pour le peuple des Francs dits « saliens », dont Clovis fut l'un des premiers rois. Ce code, rédigé en latin, et comportant de forts emprunts au droit romain[1], établissait entre autres les règles à suivre en matière d'héritage à l'intérieur de ce peuple.
  • Plusieurs siècles après Clovis, dans le courant du XIVe siècle, un article de ce code salique fut exhumé, isolé de son contexte, employé par les juristes de la dynastie royale des Valois pour justifier l'interdiction faite aux femmes de succéder au trône de France. À la fin de l'époque médiévale et à l'époque moderne, l'expression loi salique désigne donc les règles de succession au trône de France. Ces règles ont par ailleurs été imitées dans d'autres monarchies européennes. L'éviction des femmes du pouvoir par cette loi s'appuie sur un certain nombre de faux en écriture, de mensonges et d'omissions de l'histoire, étudiés par l'historienne Éliane Viennot[2], qui montre aussi que cette éviction a suscité dès le XIIIe siècle des résistances et des conflits.
Copie manuscrite sur velin du VIIIe siècle de la loi salique. Paris, bibliothèque nationale de France.

Par ailleurs, il ne faut pas confondre "loi salique" et "primogéniture masculine", la loi dite salique constituant un élargissement de la primogéniture masculine pour éliminer complètement les femmes de la succession au trône, y compris les filles du souverain décédé.

Sommaire

Un code de loi « barbare » ?

La première loi salique était un code pénal et civil propre, selon certains historiens, aux Francs dits « saliens » (IVe siècle). D'abord mémorisée et transmise oralement, elle fut mise par écrit dans les premières années du VIe siècle à la demande de Clovis Ier[3], roi des Francs, puis remaniée plusieurs fois par la suite, jusqu'à Charlemagne. Toutefois, de nombreux historiens doutent aujourd'hui de l'ancienneté supposée de cette première version de la loi, rédigée en latin, et la datent du VIe siècle[1]. Les termes utilisés dans la version écrite et les principes appliqués témoignent autant de larges emprunts au Droit romain qu'à la tradition germanique.

La première version de la loi (il y en eut au moins huit) portait le nom de pactus legis salicæ (pacte de la loi salique), et remonte à l'époque de Clovis.

Historiographiquement, on a longtemps vu en cette loi une transcription des coutumes germaniques. Or, son introduction présente quatre chefs francs comme les instigateurs de la loi et nomme les villes où elle fut proclamée. Ces mêmes noms se retrouvent sous leur forme latine dans des sources administratives romaines, qui nous apprennent que ces Francs, édictant une loi applicable à un territoire de l'empire (juste au Sud du Rhin), étaient en fait des officiers romains (« maîtres de la milice » ou « maître de la cavalerie »), qui avaient fait leurs armes partout dans l'empire, certains même ayant massacré d'autres ligues franques. Les termes utilisés sont ceux du droit romain et on retrouve autant d'usages militaires bas-impériaux que de traditions germaniques dans le texte.

Il est donc plus prudent d'y voir la spécificité des Francs, en ce qu'ils sont plus largement héritiers de l'Empire romain que toutes les autres nations barbares : c'est un texte de compromis, et d'autant moins monolithique qu'il a été remanié dans des contextes différents. D'autres versions de la loi furent en effet élaborées jusqu'au milieu du IXe siècle : à chaque fois, la loi fut augmentée, modifiée et adaptée aux circonstances du moment. Il est donc difficile de dater précisément certains articles.

Parmi ces remaniements, on constate le remplacement progressif du wergild, système où la peine est négociée par l'amende et imposée par l'autorité royale. La situation politique se troublant passablement au Ve siècle, les rois mérovingiens supportent de moins en moins toute autorité autre que la leur (en l'occurrence celle des parentèles influentes et des conseils d'anciens) et durcissent ainsi leur emprise sur la société. À cet égard, la loi salique réalise bien la transition entre les structures germaniques et la royauté médiévale.

Un article de la loi salique ordonne, entre autres, les tarifs de composition que font payer la partie coupable à la partie lésée :

  • toucher la main d’une femme : amende de quinze sous ;
  • toucher une femme de la main au coude : amende de trente sous ;
  • toucher une femme du coude à l’épaule : amende de trente-cinq sous ;
  • toucher une femme jusqu’au sein : amende de quarante-cinq sous ;
  • meurtre d’un Franc ou d’un Romain : amende allant de cent à deux cents sous.

Le but de cet article était, en cas de violence faite aux femmes, d’empêcher les faides[4] (vengeances obligatoires).

La loi stipule aussi qu'un individu tué par faide devait voir sa tête plantée sur un pieu de fortification ou au bout d’une lance par son meurtrier afin que ce dernier fût signalé aux autorités.

Un autre article issu du droit romain indique qu'un refus de comparaître entraîne une perte de la protection du roi et la confiscation des biens par le trésor public: procédure dite de foris banitio (« mise au ban »).

Les mariages incestueux aussi sont interdits : « Si quelqu’un s’est uni par un mariage scélérat avec la fille de sa sœur ou de son frère ou d’un cousin à un degré plus éloigné, ou à l’épouse de son frère, ou de son oncle maternel, qu’ils subissent la peine de la séparation et, s’ils ont eu des fils, ils ne seront pas les héritiers légitimes et seront considérés comme infâmes ». Cet article permit l’éviction des oncles et cousins de la famille royale de la succession.

En 511, dans la loi salique publiée par Clovis, la transmission des biens se fait par les agnats (parents par le père) et les cognats (parents par la mère).

Un article-clé : le De allodis

L'article 62 du pactus initial porte sur la transmission des alleux, c'est-à-dire des terres détenues en pleine propriété par un groupe familial. À la suite de plusieurs articles autorisant les femmes à hériter desdites terres, un court passage était promis à une longue postérité. Ce texte a connu une évolution restreignant de plus en plus les droits successoraux des femmes ; en effet :

- alors que la version initiale précise que « Si quis mortuus fuerit et filios non demiserit, si mater sua superfuerit, ipsa in hereditatem succedat. (si quelqu'un meurt sans enfant et que sa mère lui survive, c'est elle qui hérite) » et que « tunc si ipsi non fuerint, soror matris in hereditatem succedat. (si ceux-là aussi sont décédés et qu'il demeure des sœurs de la mère, elles héritent) » ;

- la version finale du texte énonce que « De terra salica nulla portio hereditatis mulieri veniat, sed ad virilem sexum tota terræ hereditas perveniat. » (quant à la terre salique, qu'aucune partie de l'héritage ne revienne à une femme, mais que tout l'héritage de la terre passe au sexe masculin) ». Cette dernière formulation apparaît dans les versions carolingiennes.

La définition exacte de la « terre salique » n'est pas précisée dans le texte. Godefroid Kurth parle d'une « terre franque » correspondant à un territoire gaulois situé entre la Loire et la forêt Charbonnière[5].
. Une hypothèse propose qu'il s'agisse de la terre transmise de manière héréditaire, ou peut-être de la demeure familiale, au cœur du domaine. Il est en tout cas certain que l'article n'a rien d'une loi « constitutionnelle » et que la « terre salique » ne désigne pas toute terre du royaume des Francs saliens, pour la simple raison qu'il n'existait rien de tel au IVe siècle : les limites géographiques assignées à la Loi correspondent à des préfectures létiques où des généraux romains d'origine franque (ou autre peuples "barbares") exerçaient leur autorité au nom de l'empereur.

Cet état de fait introduit une seconde hypothèse. Ces vétérans romains à qui l'on a confié une région stratégiquement sensible (une bordure en contact avec des ligues germaniques dont certaines sont encore belliqueuses) n'auraient-ils pas voulu « graver dans le marbre » les principes militaires dont ils ont pu apprécier la redoutable efficacité ? Cette interprétation s'appuie sur des textes remontant au IIIe siècle, qui décrivent la politique frontalière de l'empereur Alexandre Sévère. Il installait ses soldats sur les bordures en leur donnant terres vierges (saltus) ou conquises, ainsi que des esclaves, afin de renforcer ces régions. Cette terre était transmissible à leurs enfants, mais tout occupant était redevable d'un service militaire, puisque c'est la condition de soldat qui avait permis de jouir de ces terres. L'usage fut repris et généralisé par les empereurs suivants, et la proximité avec le statut de Lètes est frappante.

La terra salica, serait alors peut-être celle des provinces dans lesquelles les Francs saliens ont été originellement implantés en tant que Lètes (soumis à l'armée donc), ce qui expliquerait que les femmes n'y aient pas droit, ne pouvant servir dans l'armée romaine.

Le but de ce passage serait donc d'assurer que ces terres, obtenues grâce à un régime militaire létique, restent entre les mains d'hommes mobilisables pour l'armée. Cette hypothèse est corrélée par le fait que les terres « non-saliques », dont la possession par des femmes est attestée, sont toujours hors des provinces sur lesquelles les sources administratives romaines signalent des Lètes francs.

La récupération de la loi salique au XIVe siècle

Cette illustration de la fin du Moyen Âge représente un « roi des Francs » dictant la loi salique. Il s'agit d'une représentation tardive (et peu fidèle à la réalité historique) qui témoigne de l'intérêt renouvelé pour ce code de loi à partir du XIVe siècle.

C'est seulement au XIVe siècle que cette règle de droit privé est de nouveau invoquée – la loi salique étant tombée dans l'oubli – avec une nouvelle interprétation, pour appuyer les prétentions de la dynastie des Valois au trône de France[6]. Issus d'une branche cadette de la dynastie des Capétiens, les Valois se trouvaient en effet opposés aux Plantagenêts d'Angleterre qui, descendant des Capétiens par les femmes, prétendaient eux aussi à la couronne. Le recours à la fiction juridique de la loi salique permettait de justifier l'exclusion des femmes et de prêter un fondement juridique ancien à la monarchie des Valois.

Les problèmes de succession au début du XIVe siècle

Depuis Hugues Capet jusqu'à Louis X, puis, très brièvement, au fils de ce dernier, Jean Ier, mort peu après sa naissance, la couronne de France a été continûment transmise de père en fils (les premiers Capétiens prenant la précaution d'associer leur fils aîné au trône, ce qui amena progressivement la couronne, initialement élective, à devenir héréditaire). Cette succession sans souci, dans une continuité parfaite de 987 à 1316 (un héritier mâle aîné était à chaque génération prêt à succéder à son père), amena les historiens à qualifier ces générations de « miracle capétien ».

Entre 1316 et 1328, seuls les rapports de force en jeu à l'époque dictent les successions des derniers Capétiens directs : ce sont donc essentiellement des choix politiques, effectués sans qu'on n'évoque l'ancienne loi salique.

Par la suite, le principe de masculinité deviendra une des lois fondamentales du royaume de France. Ce principe était exprimé par divers adages : « Le royaume ne tombe point en quenouille, ... Le royaume des lys ne tombe pas en quenouille, ...Les lys ne filent point »[7]. Les lois fondamentales du royaume de France se forment à partir des événements, et édictent la norme à partir d'anciens exemples.

Ainsi, la succession de 1316 et plus encore celle de 1328 seront à l'origine de cette coutume juridique. Seuls les hommes peuvent accéder au trône, et eux seuls peuvent transmettre le pouvoir.

Un bon exemple de ce principe est la succession de Henri III en 1589, lorsque plusieurs prétendants au trône de France sont en concurrence. Mais parmi eux, seul Henri IV de France descend de la famille royale par les hommes. C'est donc lui qui est soutenu par les légistes royaux, au motif du principe de masculinité.

La succession de Louis X (1316)

En 1316, Louis X le Hutin, roi de France et de Navarre, fils de Philippe IV le Bel, meurt sans héritier mâle. Il laisse une fille en bas âge issue du premier lit, Jeanne II de Navarre, fille de Marguerite de Bourgogne, et une femme enceinte, Clémence de Hongrie. Cette dernière accouche cinq mois plus tard mais son fils meurt peu de jours après sa naissance.

Le frère de Louis X, Philippe, comte de Poitiers, y voit alors l'occasion de devenir roi de France et Navarre : il conclut un accord avec Eudes IV de Bourgogne, oncle maternel de Jeanne II, pour être le régent de l'enfant à venir au cas où ce dernier serait un fils. Si, en revanche, l'enfant est une fille, elle sera exclue du trône comme sa sœur aînée, mais cela seulement jusqu'à sa majorité. Il semble alors qu'il y ait possibilité pour les deux jeunes filles, et particulièrement pour Jeanne, de monter sur le trône de France. Cette disposition laisse toutefois un répit à Philippe de Poitiers pour se faire admettre comme roi.

La succession de Jean Ier (1316 - 1317)

L'enfant de la reine Clémence, qui naît le 15 novembre 1316, est un fils. Il reçoit le prénom de Jean (on l'appelle en général Jean Ier le Posthume). Mais l'enfant royal meurt cinq jours plus tard.

Philippe bouscule alors les accords passés avec Eudes de Bourgogne : il se fait proclamer roi de France et de Navarre, et se fait sacrer le 6 ou le 9 janvier 1317 sous haute protection militaire. Philippe, surnommé le Long, est tenu pour un usurpateur par Agnès de France, mère de Marguerite de Bourgogne, grand-mère de Jeanne et fille de saint Louis. Elle réclame le rassemblement des pairs ce que Philippe V le Long accepte. Une assemblée de prélats, de seigneurs, de bourgeois de Paris et de docteurs de l'Université, connue sous le nom d'états généraux de 1317 est rassemblée en février. Philippe V lui demande de rédiger un argumentaire justifiant son droit à monter sur le trône de France[8]. Ces "états généraux" s'accordent pour déclarer que « femme ne succède pas au royaume de France » formalisant l'impossibilité pour une femme de monter sur le trône de France, principe qui restera admis jusqu'à nos jours. La loi salique, à ce moment, n'est pas encore invoquée : l'argumentaire mis en avant au profit de Philippe V ne s'appuie que sur le degré de proximité de Philippe V avec saint Louis.

Philippe a le soutien de la noblesse : ce qui compte ici est qu'il a les moyens de ses ambitions. Le 27 mars 1317, un traité est signé à Laon[9] entre Eudes de Bourgogne et Philippe V : Jeanne renonce à ses prétentions à la couronne de France. Il semble étrange que des arguments solides, comme le caractère coutumier de l'hérédité masculine, le miracle capétien, n'aient pas été formulés. C'est sans doute que ce débat s'ouvre au moment même où les femmes ont un rôle des plus importants en politique ; ainsi Mahaut d'Artois, mère de Jeanne II de Bourgogne (l'épouse de Philippe V), est-elle nommée pair du royaume. En outre, Philippe V est dans une situation contradictoire : du vivant de Louis X, Philippe avait demandé à son frère la permission de transmettre son apanage du Poitou à sa fille… pourquoi la fille de Louis X n'aurait-elle pas pu dès lors hériter du royaume de France ?

La succession de Charles IV (1328)

Une nouvelle crise successorale éclate lorsque Charles IV le Bel, qui a succédé à son frère Philippe V, meurt à son tour en 1328. Son épouse, la reine Jeanne d'Évreux, est enceinte. Le même problème qu'en 1316 se pose donc : il faut à la fois se préparer à une éventuelle régence (et donc choisir un régent) et préparer une possible succession au trône. À ce moment, il semble désormais acquis que les femmes ne peuvent prétendre à la couronne de France (sans qu'aucune règle écrite ne le stipule encore).

En vertu de l'application du principe de masculinité, sont donc a priori exclues :

La reine Jeanne d'Évreux donna en effet naissance à une fille au début du mois d'avril 1328. En revanche, il n'est pas dit que les femmes ne peuvent pas transmettre leurs droits au trône à leurs fils. En l'absence de descendant mâle survivant, se pose la question de savoir quel descendant mâle indirect va alors régner.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Isabelle
d'Aragon
†1271
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Philippe III
†1285 Falkorona (heraldika).PNG
 
Marie
de Brabant
†1322
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Philippe IV
†1314 Falkorona (heraldika).PNG
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Charles
de Valois
†1325
 
Louis
d'Évreux
†1319
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Louis X
†1316 Falkorona (heraldika).PNG
x Marguerite de Bourgogne
 
 
 
 
 
Philippe V
†1322 Falkorona (heraldika).PNG
x Jeanne de Bourgogne
 
 
 
Isabelle
x Édouard II Red crown.png
 
Charles IV
†1328 Falkorona (heraldika).PNG
 
Philippe VI de Valois
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Philippe III d'Evreux
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Jeanne II
de Navarre
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x Philippe III d'Evreux Héraldique meuble couronne.svg
 
Jean Ier
†1316 Falkorona (heraldika).PNG
 
Jeanne
x Eudes IV
de Bourgogne
 
Marguerite
x Louis Ier
de Flandre
 
Édouard III
d'Angleterre

né en 1312 Red crown.png
 
 
 
 
 

MAISON DE VALOIS
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Charles le Mauvais
né en 1332
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Philippe
de Bourgogne

né en 1323
 
Louis II de Flandre
né en 1330


A la mort du roi en 1328, les quatre prétendants qui se font connaître sont dans l'ordre de succession :

  • Philippe III d'Evreux, par les droits de son épouse Jeanne de Navarre, fille de Louis X le Hutin, puis en principe à compter de 1332 au nom de leur fils Charles le Mauvais
  • Jeanne de France, duchesse de Bourgogne, fille de Philippe V le long et de Jeanne II de Bourgogne, non directement compromise dans l'affaire de la tour de Nesle, au nom de son fils Philippe de Bourgogne

En 1330, s'intercale, en principe, dans l'ordre de succession Marguerite de France, duchesse de Bourgogne, sœur cadette de la précédente, au nom de son fils Louis II de Flandre, tandis que les dernières filles de Phillippe V le long, Isabelle de France (†1348) et Blanche de France (†1358) n'auront pas de descendance, au même titre que celles de Charles IV, Marie de France (†1342) et Blanche de France (†1393)

  • Édouard III d'Angleterre, par les droits de sa mère Isabelle de France, fille de Philippe IV le bel
  • Philippe VI de Valois, par les droits du plus proche héritier mâle, neveu de Philippe IV le bel

Tous les candidats qui devaient leur prétention successorale à une princesse de France furent écartés pour le motif qu'une femme qui n'a pas le droit de monter sur le trône ne peut pas transmettre ce droit. Cette succession contestée par le roi d'Angleterre fut une des raisons principales de la guerre de Cent Ans, alors que même en mettant en doute la légitimité de Jeanne II de Navarre, dans le cas d'une transmission directe de la couronne d'une princesse de France à son fils, Philippe de Bourgogne le précédait dans la ligne de succession à la date de la mort de Charles IV. Une telle règle aurait également été une source de conflit, dans le cas où le fils d'une fille cadette ayant accèdé au trône, son ainée aurait ultérieurement donnée naissance à un fils, auquel le roi aurait dû de son vivant restituer la couronne, ce qui aurait justement pu se produire avec la naissance de Charles le Mauvais quatre ans plus tard en 1332.

Philippe de Valois, cousin germain de Charles IV, devint ainsi roi de France par primogéniture masculine sous le nom de Philippe VI, choisi comme roi par une assemblée des barons (les principaux seigneurs du royaume de France). Il restitua la Navarre à laquelle il ne pouvait prétendre à son héritière légitime, Jeanne II, qui avait épousé en 1317 son cousin Philippe d'Evreux, roi de Navarre sous le nom de Philippe III de Navarre. Deux raisons principales expliquent ce choix des barons :

  • Édouard III revendique le trône par l'intermédiaire de sa mère. S'il avait été proclamé roi de France, une kyrielle de revendications venant de la part d'autres fils issus de filles royales auraient pu ressurgir… Cette raison n'a peut-être pas été la principale en 1328, mais elle a été régulièrement mise en avant par la suite. Ainsi, dans les années 1360, Charles II de Navarre (Charles le Mauvais), fils de Jeanne (la fille de Louis X), à qui Philippe VI avait rendu la Navarre, est soutenu par l'opinion publique et espère monter sur le trône ;
  • Une des raisons essentielles du choix des légistes et des barons, est que la monarchie française est une monarchie nationale… Or Édouard III est déjà roi d'Angleterre, ce qui pousse les barons à rejeter sa candidature. Édouard III se résigne alors et reconnaît Philippe VI comme roi de France : il prête même un hommage lige au roi de France en 1331, au titre de duc de Guyenne. Il revient cependant sur son acceptation en 1337 après que Philippe lui a repris Bordeaux et la Guyenne, provoquant ainsi la guerre de Cent Ans.

Redécouverte et réinterprétation de la loi salique

Les prétentions d'Édouard III et de Charles le Mauvais, qui se conjuguent avec les difficultés des premiers rois Valois, Philippe VI et Jean II le Bon, poussent le roi Charles V, fils et successeur de Jean II, à faire formuler une règle de succession claire et indiscutable. C'est donc sous son règne que son précepteur et secrétaire Nicolas Oresme reprend plus concrètement l'argumentation de François de Meyronnes et de Raoul de Presles. Dans son Livre de Politique, il définit trois moyens d'accession au trône :

  • par transmission dynastique – au fils aîné du roi ;
  • par élection – comme pour Hugues Capet ;
  • par élection de lignage – comme Philippe VI.

Ainsi, Nicolas Oresme justifie l'accession au trône des Valois par deux moyens : ils ont été désignés à la fois par l'élection et en raison de leur appartenance à la dynastie régnante. Mais on voit bien que ces justifications sont encore fragiles : des succès militaires d'Édouard III ou de Charles le Mauvais pourraient parfaitement entraîner une nouvelle réunion des barons et le choix d'un autre souverain.

En 1358, un moine de Saint-Denis, l'historiographe chroniqueur, Richard Lescot[10] exhume le texte originel de la « loi des Francs saliens »[11]. À la demande d'un conseiller du roi Jean, le moine rédige une généalogie des rois de France en mentionnant cette fameuse loi[12].

Vers 1378, le juriste Évrart de Trémaugon, docteur en droit civil et en droit canon, dans son ouvrage Le Songe du Vergier, va chercher dans le droit romain une justification qui invoque la « faiblesse du sexe » (imbecillitas sexus). Cette justification est intéressante, mais elle ne permet pas de justifier l'exclusion des descendants masculins des femmes, qui ne sont pas touchés par cette « faiblesse ».

Ce n'est finalement qu'en 1388 que l'article 62, intitulé De allodis, de la « loi des Francs saliens » (c'est-à-dire de la loi salique originelle) est utilisé dans le cadre d'une loi de succession. Le recours à cet article permet d'affirmer que, dès le règne de Clovis, fondateur du royaume, la femme ne pouvait « avoir en héritage aucune part du royaume ». Il va de soi qu'il s'agit d'une interprétation abusive de ce texte du VIe siècle, qui, rappelons-le, légiférait sur le droit privé des successions, et n'avait donc rien à voir avec la succession royale, qui relevait du droit public.

On ajouta par la suite bien d'autres justifications tout aussi peu vraisemblables. Ainsi, on a pu mettre en avant une expression tirée de l'Évangile selon saint Matthieu, où le Christ déclare que « les lis ne tissent ni ne filent  ». La fleur de Lys (l'iris jaune) étant le symbole de la monarchie française, et le filage une activité typiquement féminine, on en a déduit, en jouant sur l'homonymie des deux fleurs, que Jésus Christ lui-même avait déclaré que les femmes ne pouvaient succéder au trône de France.

On doit donc conclure sur ce point en observant que la plupart de ces « lois » furent en réalités des justifications apportées a posteriori pour étayer des positions de principe dont la légitimité est devenue efficiente par l'usage, dans la mesure où le parti qui les prônait fut le plus « fort » politiquement et militairement.

Usages de la loi salique dans les monarchies européennes

Usages en France

Après quelques tâtonnements dans la première moitié du XVe siècle, la loi salique réinterprétée par les juristes de Charles V devient la principale loi de succession au trône, et l'une des règles fondamentales du royaume. Elle entraîne l'exclusion systématique des membres d'autres familles royales liées par mariage à la famille royale française. Elle garantit donc que seul un prince français peut accéder au trône de France et renforce le caractère national de la monarchie.

L'une des principales applications de cette loi eut lieu dans la seconde moitié des années 1580. Henri III, dernier roi Valois, avait prévu que le prince Henri de Bourbon, roi de Navarre, lui succéderait. Mais cette succession n'était pas due au fait qu'Henri de Navarre avait épousé Marguerite, sœur de Henri III ; elle était due au fait qu'Henri de Navarre descendait en ligne masculine ininterrompue du roi Louis IX (1226 -1270). Il était, en ligne masculine, le plus proche parent d'Henri III. Les grandes difficultés d'Henri IV au début de son règne (Henri III est assassiné en 1589) s'expliquent plus par sa religion (il était protestant alors que la majorité de la population était catholique) que par le fait qu'il était un parent très éloigné du précédent roi en ligne masculine (mais ils étaient cousins issus de germain, puisque Marguerite de Navarre, grand-mère d'Henri IV, était la sœur de François Ier). Au contraire, on peut dire que la loi salique était tellement entrée dans les mœurs qu'il paraissait quasiment impossible de choisir un autre roi que celui désigné par l'application de ces règles de succession.

De même, dans les premières années du XVIIIe siècle, le roi Louis XIV vieillissant, et ayant perdu la plupart de ses descendants légitimes, voulut modifier les règles de succession et permettre au duc du Maine (bâtard légitimé) de devenir régent pendant la minorité du nouveau roi. Cette décision fut, dès la mort du roi en 1715, cassée par le Parlement de Paris, en raison de l'intangibilité des règles de succession, la loi salique étant considérée comme une « loi fondamentale du royaume », et comme telle ne pouvant être modifiée, même par le roi.

Usages dans d'autres monarchies

Le système de la loi salique pour la succession au trône est ou a été en vigueur dans de nombreux régimes monarchiques.

L'abrogation de la loi salique mena à des contestations et même à plusieurs guerres civiles en Espagne, où elle avait été adoptée à la suite de l'accession au trône, en 1700, de Philippe V, prince français. En 1830, le roi Ferdinand VII abrogea la loi salique en promulguant la pragmatique sanction, ce qui faisait de sa fille Isabelle son héritière et excluait du trône son frère Charles. Cette décision mena à une importante crise de succession en Espagne, la première guerre carliste (1833 - 1846).

On prétend souvent que la loi salique a été utilisée pour séparer le Grand-Duché de Luxembourg des Pays-Bas. En fait, après la mort du roi Guillaume III en 1890 sans issue mâle, Wilhelmine d'Orange-Nassau devenait reine des Pays-Bas, tandis qu'Adolphe de Nassau-Weilburg montait sur le trône luxembourgeois . Ceci en vertu d'un contrat d'héritage passé en 1783 entre les deux branches survivantes de la Maison de Nassau, la lignée ottonienne (la Maison d'Orange-Nassau) et la lignée walramienne (la Maison de Nassau-Weilburg). Cette séparation n'était donc pas basée sur une loi luxembourgeoise ou néerlandaise mais sur une convention dynastique.

La loi salique a été abrogée au Danemark en 1953 et en Belgique en 1991. La Suède a aboli la primogéniture masculine.

Notes

  1. a et b Bruno Dumézil, Les Francs ont-ils existé ?, dans la revue L'Histoire, n° 339, février 2009, pp. 80-85.
  2. Éliane Viennot, La France, les femmes et le pouvoir -L'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle), Volume 1, Éditeur Perrin, 2006
  3. Jacques Marseille, Le royaume des Francs, p.  25
  4. La faide était une tradition de justice tribale qui consistait à se venger d’une offense entre parentèle. La famille de la victime se voyait dédommagée par le montant du prix du crime, « l’or du sang » (wergeld). Ce versement était une « amende de composition ». En cas de non-paiement, une guerre éclatait entre les membres des familles.
  5. Godefroid Kurth, Clovis, éditions Tallandier, 2000, p. 467.
  6. Laurent Theis, « Loi salique : il n'y aura pas de reine de France », Les collections de L'Histoire, n° 34, p. 47
  7. François Olivier Martin, membre de l'Institut, professeur à la Faculté de droit de Paris, Précis d'histoire du droit français, 1938, p. 227
  8. Claire Saguez-Lovisi, Les lois fondamentales au XVIIIe siècle : recherches sur la loi de dévolution de la couronne, 1983, p. 116
  9. Henri Boulainvilliers, Philippe Mercier, État de la France : dans lequel on voit tout ce qui regarde le gouvernement ecclésiastique, le militaire, la justice, les finances, le commerce, ...', 1752, p. 468
  10. Chronique de Richard Lescot, religieux de Saint-Denis par Jean Lemoine (1896)
  11. Page 197 dans Introduction à l'histoire du droit et des institutions (2004) de Guillaume Bernard, professeur d'histoire et de philosophie du droit dans l'enseignement supérieur
  12. Page 137 dans Jean le Bel, maître de Froissart, grand imagier de la guerre de Cent Ans (1996) de Nicole Chareyron, agrégée de lettres modernes, maître de conférences en langue et littérature médiévale à l'Université Paul Valéry (Montpellier III)

Annexes

Bibliographie

  • Colette Beaune,Naissance de la nation France,Folio Histoire, 1985, pp.357-392.
  • Bernard Barbiche, Les Institutions de la monarchie française à l'époque moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Paris : PUF, 1999, 2e éd. 2001.
  • Jean Barbey, Frédéric Bluche et Stéphane Rials, Les lois fondamentales et succession de France, DUC, 1984 ;
  • Marc Ferro, Histoire de France, Poches Odile Jacob, 2001.
  • Éliane Viennot La France, les femmes et le pouvoir, Volume 1, L'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle), Perrin, 2006.
  • Sylvain Soleil, Introduction historique aux institutions - du IVe au XVIIIe siècle, ChampsUniversité, Flammarion, 2002.
  • Craig Taylor, ed., Debating the Hundred Years War. "Pour ce que plusieurs" (La Loy Salique) and "A declaration of the trew and dewe title of Henrie VIII", Royal Historical Society, Camden 5th series, Cambridge University Press, 2006, ISBN 0-521-87390-8.
  • Michel Rouche, Clovis, Éditions Fayard, 1996 (ISBN 2-213-59632-8) .

Articles connexes

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