- Littérature kurde
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La littérature kurde est restée longtemps orale pendant des siècles, les langues écrites de l'islam classique et médiéval étant restées longtemps l'arabe et le persan. Ce n'est qu'à la fin du Moyen Âge que des poètes commencent à écrire en langue kurde. Mais à côté de cela, une culture orale et populaire a continué de vivifier le folklore kurde.
Sommaire
La littérature orale
Cette littérature populaire est composée de poésie chantée ou récitée, de contes, de proverbes, de devinettes ainsi que d'épopées héroïques à la gloire d'une tribu ou d'un seigneur féodal. Les thèmes sont assez abondants, car les chants et les poésies apprises ou improvisées accompagnaient tous les gestes de la vie quotidienne. Les complaintes amoureuses y ont la part belle, mais il y a aussi des chants pour la danse (dîlok) ou la guerre, la transhumance de printemps (serêle) ou d’automne (pahizok), des berceuses (lorî). On composait aussi des couplets en l’honneur des jeunes mariés (hevalê) ou à l’occasion de deuils. Certains groupes religieux utilisent aussi le chant et la danse dans leurs cérémonies (Yézidis, Ahl-e Haqq…).
Il existe aussi une littérature orale de professionnels car les chefs féodaux avaient souvent leur poète attitré (stranbêj ou dengbêj), dont la tâche était de louer les mérites de leur seigneur ou de sa lignée. Ces poètes connaissaient par cœur un très grand nombre d’œuvres, des chants d’amour (delal) aux gestes héroïques très longues, tel le célèbre Memê Alan, datant du XVe-XVIe siècle et qui compte plusieurs milliers de vers. Le plus célèbre de ces dengbêj fut Feqiyê Teyran qui vécut au XVIe-XVIIe siècle et dont les œuvres ont exercé une grande influence sur la littérature kurde, tant populaire que savante.
La littérature écrite
Les premiers témoignagnes d'une littérature écrite en langue kurde ne peuvent remonter au-delà de la fin du Moyen Âge, vers le XVe siècle. Le poète le plus anciennement connu mais dont l'œuvre a été perdu est Ali Harirî, qui vivait peut-être à la fin du XVe siècle.
Les premiers poètes kurdes étaient très influencés par les grands noms de la littérature persane et par le soufisme iranien. Ainsi, Malayê Djazîrî, (1570-1640) compose des poèmes d’amour mystique que l’on peut rapprocher des œuvres du poète persan Hafez qu'il cite même parfois dans ses œuvres. Feqiyê Teyran, dans son long poème Sheikh Sen'an,reprend une histoire déjà mise en vers par Farid od Dîn 'Attar.
Le plus célèbre d’entre eux est Ehmedê Xanî (1650-1706) qui fit d’une légende populaire, Mem û Zîn, une longue geste d’amour tragique et mystique de 2655 distiques[1]. Mais si son œuvre a une si grande résonance contemporaine, c’est aussi en raison des thèmes patriotiques, très modernes pour l’époque, appelant les Kurdes à l’unité.
Après lui, le sentiment national kurde devint une source d’inspiration essentielle pour les poètes, certains s’opposant directement au pouvoir en place, tel Hadji Qadir Koyî (1817-1897) dont les manuscrits furent détruits par les Ottomans et qui ne put être publié qu’en 1925.La littérature kurde moderne
L’époque moderne vit une floraison d’écrivains kurdes qui cherchèrent à donner à leur langue et à leur littérature un statut national. Les frères Bedir Khan, des princes kurdes qui avaient fui la Turquie pour la Syrie alors sous mandat français, créèrent ainsi un alphabet kurde s’inspirant des caractères latins, s’attachèrent à recueillir des textes folkloriques et publièrent des ouvrages de grammaire kurde. Ils furent à l’origine de la revue Hawar (1932-1943) à laquelle participèrent de nombreux intellectuels kurdes et deux savants français, Roger Lescot et Pierre Rondot.
Durant tout le XXe siècle, la vie des écrivains kurdes a été marquée par les persécutions subis par les Kurdes, qu'ils vivent en Turquie, Syrie, Irak ou Iran. En Turquie, la langue kurde fut même interdite jusqu'en 1991. Beaucoup de ces écrivains connurent la prison, parfois à plusieurs reprises, tels Edip Karahan (1930-1976), Goran (1904-1962), Hassan Ali Qizilji (1914-1985), Hessen Hisyar (1907-1985) et Osman Sabri (1905-1995) ou furent exilés, tel le poète Cigerxwîn (1900-1984), les écrivains Mehmet Emin Bozarslan (1934, l'écrivain Mehmet Uzun et Tewfik Wehbi (1891-1984). D’autres furent assassinés, et parmi eux les poètes Alisêr (1862-1937) et Musa Anter (1916-1992).
Les thèmes de cette littérature sont naturellement très marqués par cet engagement politique : la répression, la peur, la clandestinité ou la guerre, ainsi que le thème de l'exil et de l'arrachement. Mais depuis le début du XXIe siècle, notamment avec la libéralisation de la censure en Turquie concernant les publications en kurde et l'autonomie du Kurdistan irakien, le statut des écrivains kurdes se normalise peu à peu et des thèmes moins sombres (même si l'évocation de la guerre est encore très présente) sont repris dans les romans ou la poésie, qui est un genre très vivace : l'amour, les relations entre hommes et les femmes, entre la modernité et les traditions.
Sources
- en français :
- Joyce Blau, Mémoire du Kurdistan, Findakly, Paris, 1984.
- Ahmedê Khanî, Mem et Zîn, trad. Sandrine Alexie & Akif hasan, L'Harmattan, Paris, 2001.
- Kurdes et Kurdistan, Folklore et littérature, Encyclopédie de l'Islam, Leiden, E. J. Brill.
- Anthologie de la poésie populaire kurde, trad. Gérard Chaliand et Roger Lescot, Stock, 1980.
- en kurde :
- Melayê Cizirî, Dîwan, Roja Nû, Stockholm, 1987.
- Feqî Teyran, Cheikh Sen'an, Moscou, 1965.
- Revue Hawar, éd. par Celadet Bedir Khan, Damas, 57 n°, 1932-1943, Damas.
Liens externes
Notes et références
- ISBN 2-7475-1609-1), (notice BNF no FRBNF37713409p). Ahmedê Khanî , Mem et Zin (traduit du kurde par Sandrine Alexie et Akif Hasan), éditions L'Harmattan, coll. « Lettres kurdes », Paris, 2001, , (
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