Lichenologie

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Lichen

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Les lichens sont des organismes composés résultant d'une symbiose entre un champignon hétérotrophe appelé mycobionte (et représentant 90 % de l'ensemble) et des cellules microscopiques possédant de la chlorophylle (algue verte ou cyanobactérie autotrophe) nommées phycobionte ou photobionte.

Planche illustrative (de Ernst Haeckel (1834-1919)).
Lichen crustacé du genre Rhizocarpon sur un rocher alpin.
Cladonia fimbriata.
Sol de pinède couvert de lichens fruticuleux (genre Cladonia) au nord de l'Allemagne.
Lichen fruticuleux (Evernia prunastri).
Deux lichens colonisant la tranche d'un piquet de bois.
Lichens crustacés colonisant un bloc rocheux.
Certains lichens peuvent coloniser le bois mort.
Traitement du lichen jaune.

Cette association est:

  • durable;
  • reproductible (donne naissance à de nouveaux individus, à la formation d'une nouvelle unité fonctionnelle).

C'est une association à bénéfices réciproques pour les partenaires, qui entraîne des modifications morphologiques et physiologiques (ces dernières liées à des interactions génétiques entre les deux partenaires). Le champignon fournit le support, les sels minéraux et la réserve d'humidité ; l'algue fournit les nutriments issus de la synthèse chlorophyllienne.

Le mot "lichen" vient du grec λειχἠν (dartre, cal, plante parasite) et se prononce [likɛn]; likèn(e). Il désignait autrefois toutes les structures épiphytes dont les lichens encroûtants, présentés comme des dartres, et parfois considérés comme excréments de la terre pour les lichens du sol[1].

L'étude des lichens est appelée « lichénologie ».

Sommaire

Généralités sur les partenaires

On estime le nombre de lichens à vingt mille espèces environ. Mais une centaine de nouvelles espèces sont décrites chaque année.

Les champignons impliqués dans la symbiose lichénique (ascomycète, basidiomycète ou deutéromycète) représentent environ un cinquième de l'ensemble des champignons actuellement connus.

Seulement 2 % des phytobiontes sont clairement identifiés, car les caractères morphologiques et les structures sexuées sont considérablement modifiés par la symbiose.

Il s'agit souvent d'algues vertes (chlorophytes). Sur deux cents espèces au total, une seule espèce d'algue jaune et rouge existe.

Le genre du mycobionte dépend du lichen, car le champignon ne peut vivre qu'en symbiose avec un phytobionte. Celui-ci peut, par contre, vivre sans symbiose.

Lorsque le phytobionte est une cyanobactérie, il s'agit d'une bactérie de forme unicellulaire ou filamenteuse, très souvent du genre Nostoc.

Lorsque le phytobionte est une algue verte, dans de nombreux cas, elle appartient au genre Trebouxia (lichen souvent vert) ou Trentepohlia (lichen souvent orange, en raison des gouttelettes de caroténoïdes de Trentepohlia). L'algue est formée de cellules chlorophylliennes qui portent le nom de gonidie.

Pour se reproduire, le lichen peut présenter:

  • des isidies, structures dressées, ramifiées à la surface du thalle en petits cylindres constitués d'algues, entourés de filaments mycéliens;
  • des sorédies, cellules d'algues individuelles, entourée d'hyphes regroupés dans une soratie en forme de verrue sur le thalle;

Les différentes associations sont :

  • dans 85 % des cas, une (ou des) algue(s) associée(s) à un champignon;
  • dans 10 % des cas, une cyanobactérie associée à un champignon;
  • dans 5 % des cas, les 3 partenaires sont associés.

Il existe une spécificité d'association étroite ou large. La plupart des lichens sont modérément spécifiques. Un même mycobionte peut s'associer à différentes espèces de phytobionte.

Le plus vieux fossile de lichen date du dévonien (-400 millions d'années).[réf. souhaitée]

Nutrition

Le mycobionte reçoit des nutriments issus de la photosynthèse du phytobionte. Le phytobionte reçoit un certain nombre de composés minéraux provenant du mycobionte. Certains sont fixateurs de l'azote atmosphérique.

Morphologie et structure des thalles

On distingue trois types de lichens selon l'aspect global de leur thalle:

  • thalle fortement plaqué au support, formant une croûte: «lichen crustacé»;
  • thalle formant de petits lobes arrondis, comme de petites feuilles qui s'écartent un peu du support: «lichen foliacé»;
  • thalle formant des prolongements plus ou moins longs, redressés ou pendants: «lichen fruticuleux».

En ce qui concerne les relations entre le mycobionte et le phytobionte, on distingue trois cas de figure:

  • hyphe du champignon se propage entre les cellules du nostoc (algue bleue, genre cyanobactérie) et dans son mucilage;
  • formation d'un appressorium: les deux partenaires ont leurs parois en apposition, accolées l'une à l'autre avec une légère modification. Le contact est plus étroit et plus sophistiqué;
  • formation d'un haustorium: le phytobionte finit par se trouver inclus dans la paroi du mycobionte. Ici, les modifications cytologiques sont grandes.

Résistance aux conditions extrêmes

Les lichens ont la capacité de résister à de très fortes dessiccations. Certains lichens peuvent vivre avec une teneur en eau de 2 %. Ils sont aussi capables de se réhydrater. En général, les lichens contiennent beaucoup d'eau (100 à 300 % par rapport à la matière sèche du lichen).

La résistance hydrique des lichens provient surtout du mycobionte qui sécrète des polysaccharides autour de l'hyphe, créant ainsi une zone qui piège l'eau sous forme colloïdale. De plus, les lichens accumulent des polyols, qui servent de réserve d'eau. La reprise du métabolisme après une sécheresse est très rapide. Le lichen retrouve ses capacités métaboliques de cinq à trente minutes après une réhydratation.

Les lichens peuvent également survivre à des variations de température importantes pouvant aller de -70 à +70 °C.

En 2005, deux espèces de lichens ont été envoyées dans l'espace et exposées au vide durant deux semaines. Les résultats montrent que, de retour sur terre et après réhydratation, les lichens survivent à ces conditions extrêmes (déssication, températures très basses, UV intenses et rayonnements ionisants) et qu'ils ne présentent quasiment aucune altération de leur structure par rapport à des lichens témoins restés sur Terre.

Répartition des lichens

Beaucoup d'espèces sont pionnières, capables de coloniser des milieux extrêmes. Elles sont de croissance très lente, de l'ordre de quelques millimètres par an. Par exemple, le Rhizocarpon geographicum est un lichen qui a une croissance de quelques centièmes de millimètres par an.

Les lichens vivent très longtemps. Cette caractéristique permet notamment de dater leur support par le rapport taille et vitesse de croissance.

Huit pour cent des écosystèmes terrestres sont dominés par les lichens. Par exemple, ils représentent 65 % de la flore à la limite du désert polaire arctique.

Une plante sans frontière, colonisant le cercle polaire connaissant un été court, tout autant que le nord des forêts tempérées. Les régions humides, parfois sèches plus au Sud, ont leurs variétés de lichens...

Intérêt écologique

Dans l'écosystème, les lichens sont une source importante de nourriture pour de nombreuses espèces, y compris parfois pour de grands mammifères (rennes ou caribous en particulier). Certaines chenilles de papillons nocturnes (Noctua promissa, Noctua sponsa, Noctua nupta (= Catocala nupta) étaient autrefois dites «lichenées» ou «likenées» parce qu'elles se nourrissent des lichens qui poussent sur les arbres[2].

Ils jouent aussi un rôle important en captant les particules de l'air et des pluies, contribuant à l'épuration permanente des milieux et au recyclage des éléments. Dans les milieux minéraux, ils sont le premier stade avant l'apparition des mousses et de l'humus. Les lichens se nourrissent de ce que leurs apportent l'air et les eaux météoritiques et les particules, excréments, pollens, etc, qu'ils peuvent intercepter et capter. Ils sont capables de faire des réserves et d'accumuler des composés minéraux, bien au-delà des besoins de leur organisme. Cette accumulation est extracellulaire et se fait par le mycobionte.

  • avantage: réserve d'éléments comme le phosphore.
  • inconvénient: accumulation d'éléments toxiques, voire de radionucléides (par exemple après les essais nucléaires dans l'air ou après la catastrophe de Tchernobyl.

Indicateur de pollution: Leurs besoins en sels minéraux sont assez limités, car les lichens sont de faibles consommateurs et peuvent provisoirement stopper leur croissance. Ils se nourrissent à partir de l'atmosphère (minéraux sous forme de solutés dans les eaux de pluie). Les lichens ont aussi la possibilité de solubiliser des éléments minéraux du substrat en excrétant, par l'intermédiaire du champignon, des acides organiques.

Les lichens concentrent notamment les métaux lourds et certains acides, ce qui peut entraîner leur mort. C'est pourquoi une carte de répartition des lichens apporte des éléments sur la localisation de zones plus ou moins polluées.

Intérêt économique

Les lichens renferment une substance amylacée mucilagineuse, la lichénine à laquelle on a reconnu des propriétés nutritives et médicamenteuses.

Alimentaire

  • Alimentation des rennes : Cladonia rangiferina est la nourriture essentielle du renne et du caribou[3].
  • Au Canada, d'immenses troupeaux de caribous lui doivent leurs survie, durant les longs mois d'hiver. En toundra ou en forêt tempérée du Nord, c'est une nourriture appréciée du caribou, de l'élan d'Amérique (orignal) et de certains autres animaux à l'occasion. Plusieurs variétés de lichens sont comestibles pour ces derniers, juste un choix de préférence, souvent dû pour certains aux choix de pâturage, aux saisons.
  • En Suisse, Evernia divaricata a été longtemps utilisé pour nourrir les chèvres en mauvaise saison.
  • En Asie (Crimée, Iran…), Lecanora esculenta ou « Manne du désert » est couramment consommée par les paysans comme par les animaux. On a même prétendu que la manne du désert de l'Ancien testament de la Bible pourrait lui correspondre.
  • Au Japon, où de nombreuses algues (nori, konbu, wakame, hijiki) font partie de l'alimentation et de la gastronomie, Umbilicaria esculenta est consommé en soupe, en tenpura et en salade sous le nom de イワタケ (岩竹, « champignon des roches »).
  • Enfin, quelques espèces sont utilisées comme émulsifiant et épaississant dans l'industrie agroalimentaire.

Médicinal

Le lichen d'Islande (Cetraria islandica) a été utilisé comme médicament.

La médecine a utilisé des espèces comme le lichen d'Islande (Cetraria islandica), la pulmonaire (Sticta pulmonacea), le lichen pyxidé (Cladonia pyxidata) autrefois réputé pour la toux, et le lichen du chien (Peltigera canina. L'usnée du crâne humain (Usnea plicata) récoltée sur le crâne des pendus, se payait à prix d'or pour guérir, croyait-on, l'épilepsie.

Si cette pharmacopée est aujourd'hui tombée dans l'oubli et certaines croyances des anciens font désormais sourire, la recherche médicale moderne (notamment en industrie pharmaceutique et en microbiologie) ne tarit plus d'éloges et nourrit des espoirs thérapeutiques, lesquels feront peut-être à leur tour sourire demain. Un exemple:

  • Des extraits d'Umbilicaria esculenta se sont révélés fortement inhibiteurs de la β-glucosidase, les enzymes qui hydrolysent les disaccharides chez les moisissures et les cellules de mammifères, ainsi que la glucoamylase et de la laminarinase.

Industrie teinturière

On tire des lichens des colorants de nuances assez riches. De belles teintes de bleu, pourpre (rouge violacé) et violet sont données par la parelle d'Auvergne, Ochrolechia parella, l'orseille des Canaries (Roccella tinctoria). D'autres espèces sont utilisées traditionnellement, notamment en Scandinavie:

  • Rocella phycopsis, Rocella fuciformis, Ochrolechia tartarea, Pertusaria dealbescens, Parmelia glabratula subsp. fuliginosa et Lasallia pustulata.

Usages externes

  • Parfum (huiles essentielles), on en récolte jusqu'à neuf mille tonnes par an.

Toxicité des lichens

On a prétendu jadis qu'aucun lichen n'était vraiment vénéneux[4], à l'exception de quelques troubles intestinaux provoqués par les espèces très amères. Par la suite, on a rapporté l'utilisation de Letharia vulpina et Cetraria pinastri en Scandinavie pour empoisonner les loups. Le principe toxique agirait par inhibition de la respiration, entraînant la mort[5].

  • L'orseille extraite (voir au chapitre ci-dessus) a été interdite comme colorant alimentaire à cause de sa toxicité.

Depuis, comme pour les champignons, la liste des lichens toxiques ne cesse de s'allonger, parmi lesquels:

  • Letharia vulpina, Cetraria pinastri, Xanthoparmelia chlorochroa.

Systématique

La classification de Alexander Zahlbruckner (1860-1938) (1907, 1926), malgré son ancienneté, garde une valeur pratique face aux classifications récentes souvent incomplètes. Elle décompose la classe des lichens selon le schéma suivant:

  1. Sous-classe des Ascolichenes: spores produites dans des asques.
    1. Série des Pyrenocarpeae: ascocarpes ne s'ouvrant que par un pore: thalles en général crustacés (environ dix-sept familles)
    2. Série des Gymnocarpeae: ascocarpes plus ou moins largement ouverts, thalles de tous les types.
      1. Sous-série des Graphidineae: asques et paraphyses se détruisant et formant avec les spores, dans l'ascocarpe, un amas pulvérulent. Le thalle est en majorité crustacé, ou fruticuleux. Il existe trois familles.
      2. Sous-série des Cyclocarpineae: ascocarpes de forme arrondie. C'est le groupe le plus nombreux, où se trouvent tous les types de thalles. Il existe vingt-neuf familles.
  2. Sous-classe des Basidiolichenes(ou Hymenolichenes): spores produites sur des basides. Il existe trois genres en tout avec moins de vingt espèces, qui sont tropicales.

Notes

  1. Voir l'ouvrage de Chantal Van halywyn et Lerond, cité en bibliographie, page 1
  2. Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle appliquée aux arts, à l'agriculture, à l'économie rurale et domestique, à la médecine, etc, tome XVII, 1817(Voir)
  3. (en) T.H. Aagnes, W. Sormo & S.D. Mathiesen, 1995. Ruminal microbial digestion in free-living, in captive lichen-fed, and in starved reindeer (Rangifer tarandus tarandus) in Winter. Applied and Environmental Microbiology, 61, 583-591. Résumé.
  4. A. Mallebranche (1870) - Catalogue descriptif des lichens de Normandie, Rouen
  5. Henry Des Abbayes (1931) - Traité de lichénologie, p.185)

Références

  • James D. Lawrey (1983) - Vulpinic and Pinastric Acids as Lichen Antiherbivore Compounds: Contrary Evidence, The Bryologist, Vol. 86, No. 4 (Winter, 1983), pp. 365-369.
  • Red Rim Elk Lichen Poisoning (Xanthoparmelia chlorochroa), article en anglais.
  • Christian Souchon (1971) - Les lichens, Collection que sais-je? PUF.
  • Sancho LG, de la Torre R, Horneck G, Ascaso C, de Los Rios A, Pintado A, Wierzchos J, Schuster M. Lichens survive in space: results from the 2005 LICHENS experiment. Astrobiology. 2007 Jun;7(3):443-54.

Voir aussi

Liens internes

  • lichenologues

Liens externes

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