- Lemme de classe monotone
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Le lemme de classe monotone, dû à Wacław Sierpiński[1] et popularisé par Dynkin[2], permet de démontrer, de manière économique, l'égalité entre deux lois de probabilité : de même que deux applications linéaires qui coïncident sur une base coïncident sur l'espace entier, deux mesures de probabilité qui coïncident sur un π-système, coïncident sur la tribu engendrée par ce π-système.
Dans certains ouvrages, le lemme de classe monotone apparaît sous le nom de « Théorème pi-lambda de Dynkin ».
Sommaire
Classe monotone et π-système
Définition —
- Une classe de parties d'un ensemble Ω est appelé π-système si cette classe est stable par intersection finie :
- Une classe de parties d'un ensemble Ω est appelé λ-système ou classe monotone si cette classe contient Ω et est stable par différence, et par réunion croissante :
Exemples de π-systèmes :- une classe d'intervalles :
- la classe des singletons :
- la classe des pavés :
Un exemple de classe monotone :Soit deux mesures de probabilité et définies sur La classe est une classe monotone.
Énoncé et démonstration du lemme de classe monotone
Lemme de classe monotone — La plus petite classe monotone contenant le π-système est la tribu engendrée par
DémonstrationOn note l'ensemble des classes monotones telles que Le lemme affirme implicitement que possède un élément plus petit que (i.e. inclus dans) tous les autres. Un tel élément est nécessairement unique, s'il existe, mais existe-t-il ? La réponse est « oui ». En effet,
- n'est pas vide, car il contient l'ensemble de toutes les parties de
- ainsi l'intersection de tous les éléments de est bien définie et
- par ailleurs, l'intersection de n'importe quelle famille de classes monotones est encore une classe monotone, donc est une classe monotone et par conséquent appartient à
- enfin est par construction inclus dans tout élément de
La classe est donc le plus petit élément de
On note la tribu engendrée par Comme toute tribu est une classe monotone, est une classe monotone contenant donc
Dans la suite de la démonstration, on s'attache à montrer que est une tribu (ce qui entrainera que [3]) . On utilise la proposition suivante :
Proposition — Une classe monotone qui est de plus stable par intersection est alors une tribu.
DémonstrationEn effet toute classe monotone contient et est stable par passage au complémentaire (puisque stable par différence et contenant ). Si de plus est stable par intersection, la version ensembliste des Lois de De Morgan entraîne qu'elle est stable par réunion :
Par une récurrence évidente, la réunion d'une famille finie d'éléments de est encore un élément de Soit alors une famille dénombrable d'éléments de notée Posons
Alors est une suite croissante d'éléments de donc
mais par ailleurs, on peut démontrer, par exemple par double inclusion, que
La proposition est donc démontrée.
Il ne nous reste plus qu'à montrer que est stable par intersection pour en conclure que est une tribu. Pour cela, pour toute partie de on pose :
On montre facilement, d'une part que satisfait les deux dernières propriétés de classe monotone, car
d'autre part que si alors Ainsi est une classe monotone dès que Le raisonnement est alors en 2 étapes :
- si alors la stabilité par intersection de entraine que donc que donc que pour un élément quelconque, on a ou bien, de manière équivalente,
- ainsi, pour un élément quelconque, on a et finalement en d'autre termes
Par application de la Proposition, est donc une tribu. Comme contient on en déduit que [4]
Applications
Lemme d'unicité des mesures de probabilité
Le lemme de classe monotone a une conséquence immédiate
Lemme d'unicité des mesures de probabilité — Deux mesures de probabilité et définies sur l'espace probabilisable et coincidant sur le π-système concident aussi sur la tribu engendrée par :
DémonstrationOn pose
On vérifie facilement que est une classe monotone. Comme est une classe monotone contenant contient la plus petite classe monotone contenant à savoir
Parmi de nombreuses applications importantes du lemme d'unicité, citons celle qui est peut-être la plus importante :
Corollaire — Il suit que :
- deux mesures de probabilité et définies sur sont égales si elles ont même fonction de répartition ;
- deux variables aléatoires réelles et ont même loi si elles ont même fonction de répartition.
DémonstrationOn pose
La classe est un π-système, et Comme les deux mesures de probabilité et ont même fonction de répartition, i.e.
et coïncident sur donc sur Par définition, deux variables aléatoires réelles, et ont même fonction de répartition si leurs lois de probabilité, et ont même fonction de répartition :
Ainsi, si et ont même fonction de répartition, et coïncident sur donc
Expliquons brièvement pourquoi :
- est par définition la tribu engendrée par les ouverts de
- un ouvert de est réunion dénombrable d'intervalles ouverts, car, par densité de dans on a
- et les intervalles ouverts appartiennent à (donc les ouverts appartiennent à donc contient ), car
Pour l'inclusion en sens inverse ( contient ), notons que est la tribu engendrée par tous les fermés de alors que est engendrée par certains fermés de seulement.
Critères d'indépendance
Par exemple,
Critères — Soit X et Y deux variables aléatoires réelles définies sur un espace probabilisé
- Si, pour tout couple (x,y) de nombres réels,
- alors X et Y sont indépendantes.
- Si Y est à valeurs dans et si, pour tout couple
- alors X et Y sont indépendantes.
- Bien sûr, si X et Y sont à valeurs dans et si, pour tout couple
- alors X et Y sont indépendantes.
La démonstration du dernier critère ne nécessite pas le lemme de classe monotone, mais ce lemme est très utile pour la démonstration des deux premiers critères. On peut utiliser le deuxième critère pour démontrer, par exemple, que dans la méthode de rejet, le nombre d'itérations est indépendant de l'objet aléatoire (souvent un nombre aléatoire) engendré au terme de ces itérations. Pour la démonstration de ces critères, ainsi que pour la démonstration du lemme de regroupement, on a besoin de la définition et de la proposition[5] suivantes.
Définition — Dans un espace probabilisé une famille finie de classes incluses dans est une famille indépendante si et seulement si
Proposition — Si, dans un espace probabilisé une famille finie de π-systèmes inclus dans est une famille indépendante, alors la famille est une famille de tribus indépendantes.
DémonstrationOn pose
On vérifie facilement que est une classe monotone. Comme est une classe monotone contenant contient la plus petite classe monotone contenant à savoir La nouvelle famille de π-systèmes obtenue en remplaçant par dans la famille est donc encore une famille de π-systèmes indépendants. On peut par le même raisonnement remplacer successivement chaque par dans la famille sans que cette famille perde sa propriété d'indépendance. Notons qu'une tribu, et en particulier chaque est aussi, nécessairement, un π-système.
Applications :- Posons et Alors, sous les hypothèses du premier critère, et sont des π-systèmes indépendants. En vertu de la proposition, et sont alors des tribus indépendantes. Mais et ce qui assure bien l'indépendance du couple (X,Y).
- Posons et Sous les hypothèses du deuxième critère, et sont des π-systèmes indépendants. Par ailleurs, et et on conclut comme précédemment. Pour démontrer le troisième critère, on utilise cette fois et
Voir aussi
Notes et références
- Un théorème général sur les familles d'ensembles, Fund. Math, 12, 206-210, 1928,
- (en) Eugene Dynkin (dir.) (trad. D. E. Brown), Theory of Markov Processes, Dover Publications Inc, 31 janvier 2008 (1re éd. 1961), 224 p. (ISBN 0486453057 et 978-0486453057), chap. 1, p. 1-2.
- tribu engendrée) est la plus petite (pour l'inclusion) tribu contenant alors que est une tribu contenant Donc est plus petite (pour l'inclusion) que autrement dit Par définition de (voir
- Olav Kallenberg, Foundations of Modern Probability [détail des éditions], démonstration développée à partir de la démonstration du Théorème 1.1, page 2.
- Olav Kallenberg, Foundations of Modern Probability [détail des éditions], Lemme 3.6, page 50.
Bibliographie
- (en) Olav Kallenberg, Foundations of Modern Probability, Springer, coll. « Probability and Its Applications », 1997 (réimpr. 2001), 638 p. (ISBN 0-387-95313-2)
Pages liées
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