Le palais de Charles-Alexandre de Lorraine.

Le palais de Charles-Alexandre de Lorraine.

Palais de Charles-Alexandre de Lorraine

Façade d'entrée du palais de Charles-Alexandre de Lorraine

Le Palais de Charles-Alexandre de Lorraine est un des seuls palais princiers qui témoigne à Bruxelles du siècle des lumières. Le palais, réaménagé et agrandi par le gouverneur Charles-Alexandre de Lorraine, est situé au sein du quartier de la Cour, un rien en contrebas de la célèbre place Royale.

Dans le cadre bruxellois actuel de la place des Musées et du mont des Arts, il est très difficile sans instruction préalable de percevoir la part des édifices dont lorigine est liée à laménagement vers les années 1760 de la résidence du Gouverneur Charles. Les transformations du XIXe siècle ont en effet intégré la façade palatiale originale au sein dun nouvel ensemble architectural qui en a imité le style et que nous connaissons aujourdhui sous le nom de place des Musées. Cependant cest toujours lentrée originale du palais de Charles-Alexandre de Lorraine en forme dhémicycle qui attire tous les regards. Sa composition subtile et élégante ainsi que sa disposition en front de lancienne rue de la Cour en font une des composantes urbaines les plus intéressantes de Bruxelles.

Il y a un autre élément dont il est difficile de se rendre compte de nos jours. Lancien palais de Charles de Lorraine nest en réalité que ladaptation dun vieil hôtel médiéval, à savoir celui de la famille dOrange-Nassau à Bruxelles.

Sommaire

Naissance du nouveau palais

La nouvelle chapelle palatine construite vers 1760 (actuelle église protestante de Bruxelles). Vue intérieure

Depuis l'incendie du palais de Bruxelles (ancien palais du Coudenberg) en 1731, c'est ce vieux palais de Naseau qui servait de résidence aux gouverneurs des Pays-Bas du sud. Cependant malgré sa fière allure gothique, ce palais ne correspondait ni aux goûts de lépoque ni à ceux du nouveau gouverneur Charles-Alexandre de Lorraine arrivé dans nos régions en 1744. Le nouveau gouverneur était habitué à un tout autre cadre puisque sa jeunesse sétait passée à la galante et plaisante cour de Lunéville et de Metz . Ainsi, afin de pouvoir la transformer à sa guise, achète-il en 1756 lancienne résidence à la famille dOrange qui jusqualors appartenait toujours aux descendants du Célèbre Guillaume le Taciturne et nétait que loué par le gouvernement. Les premiers travaux de transformation semblent entrepris dès lannée suivante et concernent les appartements dhiver du gouverneur, côté boulevard de lEmpereur. Plus ambitieuse, la seconde phase des travaux débute vers 1760. Il sagit de ladjonction des nouvelles ailes vers les jardins, correspondant à la façade Ouest de lactuelle place des Musées. Cet agrandissement, probablement œuvre de larchitecte Faulte, se répartit en trois séquences coïncidant à trois fonctions distinctes. De gauche à droite, se déploient tout dabord les 13 travées de laile principale renfermant les nouveaux appartements dété du prince, suivie de la nouvelle entrée dhonneur en forme dhémicycle et enfin la nouvelle chapelle palatine.

Un palais du siècle des Lumières

La nouvelle chapelle palatine construite vers 1760 (actuelle église protestante de Bruxelles). Vue intérieure. Détail des stucs dans l'embrasure des fenêtres

Si dès son installation à Bruxelles (1744), « le bon Gouverneur y introduit un train de vie, une animation (…) qui réveilla et dérida le monde figé de cette Cour, réputée la plus ennuyeuse de lEurope, dont il fit bientôt, au dire du prince de Ligne (…) lune des plus amusante qui fût » [1], lancien hôtel de Nassau, tel que réaménagé et agrandi pour Charles de Lorraine, constituait lui un remarquable témoin à Bruxelles dune résidence princière issue du siècle des lumières. Le palais développait à lest les appartements dété et à lOuest les appartements dHiver du gouverneur. Laménagement intérieur reflétait des tendances et des goûts du prince pour les Arts, les Sciences et autres curiosités tel quen attestent notamment le cabinet de laque ou chambre chinoise, les bibliothèques, le cabinet dhistoire naturelle, le laboratoire, le petit cabinet de physique ou encore la chambre des automates. La décoration intérieure, contrairement à lordonnance classique des façades, mêlait de manière fastueuse les influences classiques et rocaille. Si les cinq salons conservés de nos jours vers la place du Musée en sont les seuls témoins vivants, les descriptions anciennes rendent nettement compte du faste de laménagement intérieur du palais.

Toutes ces splendeurs ne furent hélas que de courte durée. « Notre prodigue gouverneur mourait comme il avait vécu, démuni dargent et couvert de dettes ». À sa mort, les collections furent démembrées et le palais vidé quasi de tout son contenu jusquau démontage des panneaux décoratifs qui ornaient les murs de certains salons. Le tout fut vendu à lexception de certaines pièces que sattribua personnellement lempereur Joseph II, légitime héritier de Charles-Alexandre de Lorraine. Même les plantations du jardin en devant les appartements dété, furent envoyées à Vienne.

La situation actuelle

Du palais de Charles de Lorraine ne subsiste donc aujourdhui quune infime partie. Celle-ci correspond à peu près aux nouveaux appartements dété du Duc qui vers 1760 sont venus se substituer à laile Est de lancien palais de Nassau. Dans létat actuel des choses il est difficile sur le terrain de se faire une idée concrète de ce à quoi ressemblait le palais du gouverneur en son temps. Lhistoire tumultueuse du quartier a transformé radicalement son aspect dorigine. Les deux interventions principales remontent aux années 1829-30 et aux années 1960.

Tout dabord, vers 1829-30, est venu se greffer autour de lancien jardin du palais, le « palais de lIndustrie nationale ». Lesthétique architecturale de ces deux nouvelles ailes, accolées à lancien palais du gouverneur, fut réalisée à limage de la façade classique de celui-ci. En découle ainsi une vaste cour encadrée de trois façades homogènes en forme de « U ». Les appartements dété du duc Charles faisant depuis lors office daile latérale.

Avec la construction du complexe du Mont des Arts dans les années 1960, il fut décidé de démolir plus du trois quart du palais. Depuis lors il est très décevant de découvrir, une fois le portail franchi, un espace dune si belle qualité, amputé dans son élan original. Si quelques salons admirables furent conservés derrière les façades, il est toutefois possible dassocié les lourdes interventions des années 1960 à une vulgaire opération de façadisme. En gros ces démolitions firent disparaître toute trace de lantique palais de Nassau duquel la nouvelle aile était née, si bien quaujourdhui ne subsiste plus que lagrandissement déraciné. Il semble évident que les commanditaires de ces travaux, soit étaient incapables dapprécier lédifice pour sa valeur densemble, soit feignaient de ne pas la reconnaître afin de servir leurs vaniteux projets personnels. Et cest probablement davantage pour assurer lhomogénéité stylistique de limposante « place du Musée » que par intérêt pour les qualités intrinsèques du palais original que furent conservés vers 1960 les vestiges actuels. Les interventions de cette époque ne sont parfois pas toujours très subtiles ni très scrupuleuses. La place donnée à la chapelle Saint-Georges ou dites de Nassau au sein des différents projets pour le futur complexe du Mont des Arts en est une bonne illustration. Mais cest une autre histoire

Des trois façades qui forment de nos jours la place des Musées, seule celle au sud-ouest correspond donc aux transformations apportées par le gouverneur Charles de Lorraine à lancien palais de Nassau.

L'entrée en hémicycle, une solution résolument baroque

Charles de Lorraine Palace.jpg

Cest indubitablement lentrée semi-circulaire, placée dans laxe de lactuelle rue du Musée, qui donne aux constructions commanditées par Charles-Alexandre de Lorraine toute leur distinction et leur beauté. La réalisation de cette entrée relève dune belle ingéniosité de la part de larchitecte.

Avant les agrandissements réalisés pour Charles de Lorraine, le flanc nord de lancien palais dOrange-Nassau était bordé par une rue connue sous le nom de Montagne du Prince. Celle-ci, clairement représentées sur le plan de Braun et Hogenberg de 1576, partait de la place des Bailles vers le bas de la ville et rejoignait la rue Montagne de la Cour à la hauteur du Cantersteen. Cette rue nétait pas rectiligne. Depuis la place des bailles elle descendait vers le portail monumental du palais de Nassau et obliquait ensuite légèrement vers la droite en poursuivant vers le Cantersteen tout en longeant donc le flanc nord du palais. La dite chapelle de Nassau, intégrée actuellement au sein de la façade de la Bibliothèque Royale, est de nos jours le seul vestige de lancien palais témoignant du second tronçon de cette rue. Lentrée principale du palais de Nassau se situait donc plus ou moins au même emplacement que lactuelle entrée en hémicycle du palais de Charles de Lorraine. Laménagement de la nouvelle entrée du palais, à langle du quadrilatère, sest donc fait en continuité avec la logique ancienne du bâtiment. De toute manière il aurait été difficile den déplacer lentrée principale vu limportante déclivité du terrain ailleurs autour du palais. Seul la façade orientale tournée vers les jardins aurait pu accueillir cette fonction dentrée ce qui aurait néanmoins révoqué le caractère privatif de ces jardins. Cependant si il fut décidé de conserver lemplacement de lentrée, la disposition irrégulière de lancienne entrée gothique par rapport à la rue Montagne du Prince ne convenait que mal à lesprit classique voulu pour les nouvelles transformations. Dautre part le prolongement de la Montagne du Prince vers le Cantersteen constituait un obstacle à un éventuel développement de la façade orientale (côté place du musée) du palais vers le Nord. Lidée fut donc denjamber la vielle rue sans pour autant la sectionner. Si cette solution nétait pas neuve, elle permettait cependant dans le présent cas de développer une façade dentrée plus ample et dautant plus magnifique quelle clôturait visuellement la rue qui lui faisait face. Larchitecte grâce à son génie de composition a su ainsi tirer à son avantage une situation au départ contraignante. Il sagit dune véritable mise en scène urbaine magnifiant la place du prince au sein même de la ville. Ce concept théâtral et résolument baroque est soutenu encore par loriginalité et lélégance du plan concave donné au corps dentrée.

Lhémicycle est composé de quatre travées identiques - il ny a donc pas de travée axiale - ouvertes au rez-de-chaussée par quatre portes cochères. Seul trois parmi celles-ci desservaient de manière subtile lédifice. Les deux ouvertures de gauche menaient à une rotonde, sorte de vestibule carrossable contigu à lescalier dhonneur et qui traversait de part en part et de manière oblique lédifice vers la cour intérieure du palais. Le portail à lextrême droite servait dentrée publique vers la nouvelle chapelle. Enfin, la quatrième ouverture ne desservait pas lédifice princier mais constituait le prolongement de la rue ancienne. Une fois passée en dessous de la nouvelle salle à manger (disparue), la rue reprenait son tracé ancien (disparu) le long de laile nord du palais (disparue) et de son ancienne chapelle Saint-Georges (seul survivante) vers le Cantersteen. Sil nest pas certain que la nouvelle chapelle ait été prévue dès la conception du projet, la manière dont lentrée en hémicycle dessert les différents espaces qui lui sont contigus est particulièrement ingénieuse et attractive. La même remarque est valable pour les espaces intérieurs, du moins pour les espaces dapparats. Pour larchitecture extérieure tant que pour les espaces intérieurs larchitecte na pas hésité à faire appel à divers artifices afin de servir au mieux son architecture-spectacle. Lemploi de fausses fenêtres dans la façade de lhémicycle en est un bon exemple. Que la façade ne traduise pas sincèrement les espaces intérieurs du palais na guerre dimportance pour larchitecte. La conception de lespace est donc, on peut laffirmer, largement empreint desprit baroque teinté toutefois à la façon européenne du XVIIIe siècle tant dans laspect plastique des éléments architecturaux que dans lorganisation de lespace (art de la distribution).

Notes et références

  1. J. SCHOUTEDEN-WERY, Charles de Lorraine et son temps, Bruxelles, 1942, p. 287.

Voir aussi

Bibliographie

  • C. LEMAIRE, « Le Palais de Charles de Lorraine, 1750-1980 », brochure extraite du Bulletin trimestriel du Crédit communal de Belgique, n° 135 et 136, Bruxelles, 1981.
  • V. MARTINY, Charles de Lorraine, le bâtisseur, ses architectes et la chapelle royale à Bruxelles, dans Charles-Alexandre de Lorraine, Gouverneur général des Pays-Bas autrichiens, Catalogue de lexposition Europalia Autriche, Bruxelles, 1987, pp. 22-48.
  • J. SCHOUTEDEN-WERY, Charles de Lorraine et son temps, Bruxelles 1943. Le patrimoine monumental de la Belgique. Bruxelles. Vol1/ tome B. Pentagone E-M, Liège, 1993, p. 532-540.
  • R. TOMAN (sous la direction de) LArt du baroque. Architecture. Sculpture. Peinture, Cologne 1998.
  • L. DHONT et associés, Architecture du XVIIIe siècle en Belgique. Baroque tardif - rococo - néo-classicisme, Bruxelles, 1998.


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