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La Flagellation du Christ (Piero della Francesca)
Flagellation du Christ Piero della Francesca, vers 1455 ou 1470 tempera sur bois 58.4 × 81.5 cm Urbin La Flagellation du Christ (Flagellazione di Cristo) est une œuvre de Piero della Francesca réalisée probablement vers 1455 avant son retour à Sansepolcro.
Tempera sur bois de peuplier de 59 cm x 81 cm, conservée à la Galleria nazionale delle Marche d'Urbin.
Sommaire
Histoire
Le tableau est mentionné pour la première fois en 1744 dans l’inventaire des biens de la vieille sacristie d’Urbino. Il est décrit comme « la flagellation de Notre Seigneur contre une colonne, et, à part, les illustrissimes ducs Otto Antonio, Federico et Guidobaldo (duchi Otto Antonio, Federico, e Guid'Ub[ald]o) , peints par Pietro del Borgho.» L'historien de l'art Johann David Passavant est le premier, en 1839, à signaler une inscription figurant sur le cadre du tableau[1] : convenerunt in unum : « ils se mirent d' accord et s'allièrent. » Il s’agit d’une citation tirée de la Bible, qui apparaît d'abord dans les Psaumes (Psaumes, II, 2), puis dans les Actes (Actes, IV, 26). Crowe et Cavalcaselle signalent, dès 1864, que l’inscription a disparu[2]. Une restauration du tableau est menée à la fin du XIXe siècle afin de renforcer le dos du tableau. Elle cause trois grandes craquelures sur la toile. En 1951-1952, le tableau est restauré par l’Istituto Centrale del Restauro de Rome. Les trois craquelures sont repeintes. Une nouvelle restauration a lieu en 1968, toujours à l’Istituto Centrale del Restauro de Rome.
Thème
La flagellation du Christ est un des thèmes de l'iconographie de la peinture chrétienne, soit un des épisodes du début de la Passion du Christ, après sa condamnation et avant sa crucifixion[3].
Composition
Le tableau est séparé en deux par une colonne : à gauche, au fond d’une loggia, une scène représentant la flagellation du Christ et à droite, au premier plan, un groupe de trois personnages. Les deux scènes sont éclairées chacune depuis une direction différente : depuis la gauche pour le groupe de droite, et depuis la droite pour le groupe du fond situé à gauche. Les ombres sont discrètes.
Une construction perspective affirmée par la présence d'éléments architecturaux (colonne, chapiteaux), du dallage[4], d'un plafond à caissons.
Sur le socle en pierre du siège de Ponce Pilate, on peut lire la signature de Piero della Francesca : OPUS PETRI DE BORGO SANCTI SEPULCRI (soit « Œuvre de Piero de Borgo San Sepolcro »).
Analyse
Les peintres siennois (Duccio[5], Pietro Lorenzetti[6]) introduisent au treizième siècle un nouveau type de représentation de la Flagellation du Christ. Ils situent la scène de la Flagellation sous une loggia couverte tandis qu’un groupe de personnages se tient en retrait, soit en plein air, soit dans une autre pièce[7]. La Flagellation du Christ de Piero della Francesca dépasse ce modèle. Le groupe de trois personnages n’est plus seulement en retrait, mais complètement à l’écart. La hiérarchie entre les deux scènes est inversée. Ce qui devrait être la scène principale, la Flagellation du Christ, est désormais à l’arrière plan, et le groupe des trois personnages qui conversent, au premier plan.
L’influence d’Alberti est manifeste dans la loggia peinte par Piero della Francesca. On l’a rapprochée, en particulier, de la loggia Rucellai qui se dresse devant le Palais Ruccelai à Florence.
La colonne à laquelle est attaché le Christ est couronnée d’une statue antique, symbolisant, selon l’interprétation de Marilyn Aronberg Lavin, le triomphe de la foi sur le paganisme.
La scène de la flagellation
Il est admis que le personnage assis de profil est Ponce Pilate. En se fondant sur les versets des Actes des Apotres, d'où est tirée l'inscription qui figurait autrefois sur le cadre du tableau, convenerunt in unum, Running et Creighton Gilbert ont proposé d'identifier le personnage de dos coiffé d'un turban comme étant Hérode. En effet le texte (Actes, IV, 26 et 27) associe clairement Hérode et Ponce Pilate : « Les rois de la terre se sont soulevés, et les gouvernants se liguèrent contre le Seigneur, et contre son oint. Car en vérité, contre le saint Enfant Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate, se sont ligués dans cette ville avec les nations et le peuple d‘Israël. »
Les trois personnages de droite
La question de l’identification des trois personnages de droite est au cœur du problème de l‘interprétation du tableau. Selon l’inventaire de 1744, les trois personnages sont, de gauche à droite, Ottoantonio da Montefeltro, son frère Federico da Montefeltro, et le fils de ce dernier, Guidobaldo da Montefeltro . Le personnage central ne saurait toutefois être Federico da Montefeltro : il n‘y a aucune ressemblance entre son visage et celui de Federico, tel que Piero della Francesca le montre dans le portrait de profil conservé à la Galerie des Offices. Une autre interprétation fut donc proposée : Il s’agissait bien du jeune comte Oddantonio da Montefeltro, mais entouré des deux conseillers assassinés avec lui le 22 juillet 1444, Manfredo del Pio et Tommaso dell’Agnella. Federico aurait commandé le tableau à Piero della Francesca pour commémorer la mort de son frère, une interprétation encore reprise par Roberto Longhi en 1930 : « Les mots tirés d’un psaume compris comme faisant allusion à la mort du Christ permettraient d’identifier le jeune homme blond en rouge comme Oddantonio da Montefeltro, encadré de ses deux méchants ministres Manfredo del Pio et Tommaso dell’Agnella, dont la politique provoqua le soulèvement populaire et la conjuration des Serafini, à l’issue de laquelle le jeune prince mourut (1444). » D'autres interprétations ont depuis été proposées :
- Interprétation de Kenneth Clark : Kenneth Clark trouva une ressemblance entre les traits du visage du personnage de gauche et ceux de la dernière famille ayant régné sur l'empire byzantin, les Paleologue. Il lia donc le tableau au concile de Mantoue de 1459, où le pape Pie II avait prêché la croisade contre les Turcs et la reconquête de Constantinople[8]
- Interprétation de Marilyn Aronberg Lavin : Le personnage barbu serait Ottaviano Ubaldini, un conseiller du comte d’Urbino, à la fois théologien et astrologue, celui qui est à droite, vêtu d’un brocart, serait le marquis de Mantoue, Ludovico Gonzaga.
- Interprétation de Carlo Ginzburg : Ginzburg voit dans le tableau une commande du cardinal Basilius Bessarion, présent à Rome en 1459 pour préparer le concile de Mantoue. Le personnage du centre serait Buonconte da Montefeltro, le fils naturel de Federico da Montrefeltro et l’homme de droite l’humaniste Giovanni Bacci[9].
- Interprétation de Silvia Ronchey : l'opposition entre Rome et Constantinople[10]
- Interprétation de David King : parallèle avec un astrolabe[11]
Bibliographie
- (fr) Video collection Palettes PIERO DELLA FRANCESCA Le Rêve de la diagonale de Alain Jaubert (1993)
- (en)Piero Della Francesca : The Flagellation par Della Francesca Piero et Marilyn Aronberg Lavin (1990)
- (en) Astrolabes and Angels, Epigrams and Enigmas - From Regiomontanus' Acrostic for Cardinal Bessarion to Piero della Francesca's Flagellation of Christ de David A. King (2007)
Notes
- ↑ Johann David Passavant, Raffael von Urbino und sein Vater Giovanni Santi, 1839.
- ↑ Crowe et Cavalcaselle , A New History of Painting in Italy from the Second to the Sixteenth Century. Londres, 1864.
- ↑ Le tableau a presque toujours été interprété comme une Flagellation du Christ. Seul John Pope-Hennessy en propose une lecture différente. Il y voit non une Flagellation du Christ, mais un Songe de saint Jérôme où celui-ci, comparaissant devant le tribunal de Dieu, est flagellé pour avoir lu des textes d’auteurs païens (John Pope-Hennessy, Whose Flagellation ?, Apollo, 1986 ).
- ↑ Un dallage précis qui permet de déduire toutes les dimensions de l'espace perspectif (Voir reconstitution en VRML du Piero project).
- ↑ Duccio, Flagellation de la collection Frick (New York)
- ↑ Pietro Lorenzetti, Flagellation de l’église San Francesco d’Assise.
- ↑ Marilyn Aronberg Lavin , Piero della Francesca's Flagellation: The Triumph of Christian Glory, The Art Bulletin, Vol. 50, No. 4 (Dec 1968), C. Gilbert, Piero della Francesca’s Flagellation : The Figures in the Foreground, The Art Bulletin, Vol 53, No. 1 (Mars 1971)
- ↑ Kenneth Clark, Piero della Francesca, Londres, Phaidon Press, 1951
- ↑ Carlo Ginzburg,The Enigma of Piero: Piero Della Francesca, Verso Books, 2002.
- ↑ Silvia Ronchey, L'enigma di Piero. L'ultimo bizantino e le crociata fantasma nella rivelazione di un grande quadro, Milano, 2006
- ↑ [1]
Liens externes
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