- La Vierge du chancelier Rolin (Jan van Eyck)
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La Vierge du chancelier Rolin Artiste Jan Van Eyck Année vers 1435 Technique huile sur panneau Dimensions (H × L) 66 cm × 62 cm Localisation Musée du Louvre modifier La Vierge du chancelier Rolin ou Vierge d'Autun est un tableau peint par le peintre flamand Jan Van Eyck pour Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne. Il est conservé depuis 1805 au musée du Louvre.
Sommaire
Histoire
Le tableau est un ex-voto, à tempera et huile sur bois de 66 cm de haut et 62 cm de large, et fut initialement présenté dans la chapelle Saint-Sébastien de l'église d'Autun, une église où sont enterrés les membres illustres de la famille du commanditaire Nicolas Rolin et où il fut baptisé. Le tableau rejoint les collections du musée du Louvre en 1793 au moment de la destruction des bâtiments et perd son encadrement d'origine qui devait porter date et signature du peintre.
Thème
Il s'agit d'un thème de l'iconographie de la peinture chrétienne, une Conversation sacrée rassemblant personnages divins (Vierge et l'Enfant) et terrestres (donateur ou commanditaire) dans une même scène, où ils semblent bavarder entre eux en partageant un espace commun bien qu'étant non contemporains, ce que révèlent leurs habits respectifs (habituellement la présence de saints sert d'intercession auprès des personnages divins).
Composition
Deux personnages se font face dans le tableau : la Vierge à droite (décoiffée[1]), est assise de trois-quarts sur un coussin orné de motifs floraux posé sur un banc de marbre à motifs géométriques. Elle est enveloppée d'un manteau rouge galonné de perles et de joyaux. Un ange la surplombe et tient une couronne au-dessus de sa tête. En Vierge de sagesse, elle porte L'Enfant sur un genou où il repose sur un linge blanc ; il porte un globe surmonté d'une croix, symbole de l'Univers sur lequel la Vierge Marie porte le regard.
À gauche du tableau, le chancelier, vêtu de brocard d'or et de fourrure, est agenouillé sur un prie-dieu, les mains jointes, un livre ouvert entre les bras. Il regarde indistinctement le groupe divin dans son entier.
Une stricte perspective[2] (sol carrelé avec étoiles à huit branches, colonnes chapiteaux, arcades) entoure la scène principale. La perspective est cohérente[1], et obéit à la construction albertienne reposant sur des volumes construits par des fuyantes dirigées vers un point de fuite central posé sur une ligne d'horizon et Jan Van Eyck associe divers lieux symboliques dans son espace : loggia, carrelage à damier, jardin, paysage :
Une scène lointaine dans un paysage, visible dans le fond dans l'axe de fuite, comporte tous les détails de la vie terrestre, activités, architecture, cité et pont sur un fleuve - probablement la cité de Liège où on reconnaît la situation du Pont des Arches et de la tour de la Cathédrale Saint-Lambert et des degrés de la Collégiale Saint-Pierre[3] - et de personnages, plusieurs animaux détaillés, comme une pie, un paon, des lapins sculptés sous les fûts des colonnes[1]...
On peut distinguer des scènes de l'Ancien Testament sur les chapiteaux des pilastres du fond à gauche : L'Expulsion du paradis, Le Sacrifice de Caïn et Abel, Dieu recevant l'offrande de ce dernier, Le Meurtre de Caïn, Noé dans l'arche et Noé recouvert par un de ses fils.
Analyse
Une symétrie rigoureuse du cadre architectural et des personnages oppose le sacré et le profane : la Vierge à l'Enfant et le chancelier Nicolas Rolin.
Cette opposition est répercutée dans le décor.
Ainsi les bâtiments du paysage du fond sont, derrière le chancelier, les maisons et un monastère du pouvoir politique, et, derrière la Vierge, une cathédrale et les églises de la cité de Dieu.
De même le jardin clos, s'il peut rappeler la pureté de la Vierge (hortus conclusus), peut aussi évoquer la richesse et la vanité avec la présence du paon.
La symbolique y prend sa place avec la pie (associée à la mort[1]), le paon (au Christ car la chair de cet oiseau met du temps à se putréfier après sa mort[1], ou encore à la vanité des choses terrestres), les lapins (la Luxure écrasée par la Religion[1]).
Les étoiles à huit branches du carrelage rappelle la Stella Matutina[1], l'étoile du matin qui donne naissance au jour (et la Vierge au Christ).
La Vierge Marie porte le regard sur la croix portée par son fils, préfiguration de son supplice. L'Enfant repose sur un linge blanc figurant également son futur suaire.
L'Enfant, qui adresse sa bénédiction au chancelier, ne porte pas son regard vers lui (peut-être un repentir exigé par le commanditaire par humilité comme peut le montrer une analyse infrarouge du tableau).
Cette bénédiction est mise en scène par une composition savante articulant les plans de l'espace réel et de l'espace suggéré : La main du Christ est placée sur la ligne de composition qui présente le pont, élément de communication à vocation symbolique. En effet l'œuvre votive est également la célébration de l'action politique de Rolin sur le royaume de Bourgogne. Le chancelier avait conduit le royaume de France à signer le traité d'Arras qui octroyait de nombreuses terres à la Bourgogne mais aussi réparation d'un outrage du royaume de France envers le royaume de Bourgogne par l'édification d'une croix.
Une croix miniature est visible sur le pont dans l'arrière plan. Ainsi en plaçant le geste du Christ devant le pont pour suivre son contour, Van Eyck crée une association d'idées hautement symbolique: la croix placée dans la zone de fuite sur l'axe central se trouve au cœur de la composition. Elle met en scène la communication entre le chancelier et le Christ et valorise l'action politique de Rolin placé sous le patronage du divin.
Le point de vue suggéré par l'artiste au spectateur impose une articulation symbolique du paysage entre premier et arrière-plan, confusion entre le geste du Christ et le pont sur lequel est dressée la croix.
La complexité symbolique et plastique développe un sens profond qui dépasse la simple commande d'œuvre de dévotion.
Les deux personnages de dos sont le peintre et son frère Hubert regardant le paysage, entre mondes divin et terrestre.
Cette œuvre respecte les innovations introduites par les primitifs italiens à la pré-Renaissance en mêlant humanisation des personnages (le chancelier et la Vierge ont la même taille), l'introduction du paysage et ses éléments terrestres dans une œuvre sacrée, et la révélation picturale de la complexité architecturale par une perspective cohérente (colonnes, sculptures, bâtiments au loin...).
Catalogues d'exposition
- 1966 : Dans la lumière de Vermeer, Paris, Musée de l'Orangerie, 24 septembre - 28 novembre 1966.
Médiagraphie
- Palettes : Miracle dans la loggia. La Vierge au chancelier Rolin (vers 1435) de Jan Van Eyck (Bruges, vers 1376 - 1441) d'Alain Jaubert (1989), vidéo de 25 min, 05/03/93 et 09/10/98 (ARTE) (Édité en 1992)
Articles connexes
Liens externes
- La Vierge du chancelier Rolin de Jan van Eyck à la loupe- Musée du Louvre
- Notice de l'œuvre - Musée du Louvre
Notes et références
- musée du Louvre Daniel Soulié, conférencier du
- René Huyghe (Les Puissances de l'image, p. 253) « et le carrelage, de même que tous les éléments de l'architecture, projette un réseau de lignes abstraites qui sont celles de la perspective. Une organisation totalement intellectuelle discipline cet espace...».
- Liège, Jean Lejeune, Fond Mercator Anvers 1967, p. 162-165 et ill. 38 p. 132
Catégories :- Œuvre conservée au Louvre
- Tableau de van Eyck
- Tableau du XVe siècle
- Représentation de la Vierge à l'Enfant
- Collection de peintures germaniques et flamandes du Louvre
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