- La Petite Tonkinoise
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Chanson française populaire, paroles nouvelles par Henri Christiné de la chanson "El Navigatore", paroles par Georges Villard (vers 1898), musique par Vincent Scotto, La Petite Tonkinoise a été interprétée par Polin, Joséphine Baker et bien d'autres, et a connu un immense succès.
La Petite Tonkinoise est également le nom d’une opérette d’Albert Willemetz et André Mouëzy-Éon avec des chansons de Vincent Scotto, créée en 1961.
En 1986, Suzanne Prou écrivit un roman avec le même titre, mais sans relation directe avec la chanson.
Sommaire
Historique
Vers 1905, Georges Villard avait écrit une chanson intitulée Le Navigatore. Vincent Scotto, jeune compositeur marseillais quasi inconnu à l'époque en composa la musique et la proposa à Pierre-Paul Marsalés, plus connu comme "comique troupier" sous le nom de scène Polin, de passage à l'Alcazar de Marseille. Polin apprécia la musique, mais pas les paroles :
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- Je ne suis pas un grand actore
- Je suis navi, navi, navi, navigatore
- Je connais bien l'Amérique
- Aussi bien que l'Afrique
- J'en connais bien d'autres encore
- Mais de ces pays joyeux
- C'est la France que j'aime le mieux.
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Polin mit alors Scotto en relation avec Henri Christiné qui en réécrit le texte. Le navigateur devint alors un militaire finissant son service au Tonkin. Polin intégra "La Petite Tonkinoise" à son répertoire dès 1906[1], et la chanson eut un succès fulgurant.
Dès 1906, Fragson en chantera une version anglaise sous le nom de Chin-Chin
La chanson fut reprise par de nombreux interprètes, dont Karl Ditan, Jack Lantier, Mansuelle, Victor Lejal, Raoul de Godewarsvelde, Fréjol et Maurice Chevalier. Esther Lekain en interpréta une version "féminine" dès 1907[2], suivie d'autres chanteuses comme Mistinguett. Mais c'est l'interprétation de Joséphine Baker en 1930[3] qui rencontra le plus de succès.
Anna Held fera une adaptation en anglais de la chanson sous le titre «It's delightful to be married». La chanson sera partiellement interprétée par Louise Rainer dans une scène du film The Great Ziegfeld.
Conservant la musique, Théodore Botrel réécrira les paroles et en fit un chef d'œuvre de la chanson d'amour militaire[4] :
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- Quand ell' chante à sa manière
- Taratata, taratata, taratatère
- Ah que son refrain m'enchante !
- C'est comme un z-oiseau qui chante
- Je l'appell' la Glorieuse
- Ma p'tit' Mimi, ma p'tit' Mimi, ma mitrailleuse
- Rosalie m'fait les doux yeux
- Mais c'est elle que j'aime le mieux.
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Paroles
Il existe deux versions, une pour chanteur homme, une pour chanteuse, avec des variantes propres à chaque interprète.
- 'Version "masculine", version de Polin[5]
- Pour qu'j'finisse mon service[6]
- Au Tonkin je suis parti
- Ah! Quel beau pays mesdames !
- C'est l'paradis des p'tites femmes
- Elles sont belles et fidèles
- Et je suis dev'nu l'ami[7]
- D'une petite femme du pays
- Qui s'appelle Mélaoli.
(Refrain)
- Je suis gobé d'une petite
- C'est une Anna, c'est une Anna, une Annamite
- Elle est vive elle est charmante
- C'est comme un z'oiseau qui chante
- Je l'appelle ma p'tite bourgeoise
- Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise
- Y'en a d'autres qui m'font les doux yeux
- Mais c'est elle que j'aime le mieux.
- L'soir on cause d’un tas d’choses[8]
- Avant de se mettre au pieu
- J'apprends la géographie
- D'la Chine et d'la Mandchourie
- Les rivières, les frontières[9]
- Le Fleuve Jaune et le Fleuve Bleu
- Y'a même l'Amour, c'est curieux
- Qu'arrose l'Empire du Milieu.
(Refrain) - Très gentille, c'est la fille
- D'un mandarin très fameux
- C'est pour ça qu'sur sa poitrine
- Elle a deux p'tites mandarines
- Peu gourmande, elle ne d'mande
- Quand nous mangeons tous les deux
- Qu'une banane c'est peu coûteux
- Moi j'y en donne autant qu'elle veut.
- Mais tout passe et tout casse
- En France je dus rentrer
- J'avais l'cœur plein de tristesse
- De quitter ma chère maitresse
- L'âme en peine, ma p'tite reine
- Était v'nue m'accompagner
- Mais avant d'nous séparer
- Je lui dis dans un baiser.
- Version "féminine"
- C'est moi qui suis sa petite
- Son Anana, son Anana, son Anammite
- Je suis vive, je suis charmante
- Comme un p'tit z'oiseau qui chante
- Il m'appelle sa p'tite bourgeoise
- Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise
- D'autres lui font les doux yeux
- Mais c'est moi qu'il aime le mieux.
- L'soir on cause d'un tas d'choses
- Avant de se mettre au pieu
- J'apprends la géographie
- D'la Chine et d'la Mandchourie
- Les frontières, les rivières
- Le Fleuve Jaune et le Fleuve Bleu
- Y a même l'Amour c'est curieux
- Qu'arrose l'Empire du Milieu.
- C'est moi qui suis sa petite
- Son Anana, son Anana, son Anammite
- Je suis vive, je suis charmante
- Comme un p'tit oiseau qui chante
- Il m'appelle sa p'tite bourgeoise
- Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise
- D'autres lui font les doux yeux
- Mais c'est moi qu'il aime le mieux.
Version d'Esther Lekain: (début)- Celui pour qui je palpite,
- C'est un Anna, c'est un Anna, un Annamite
- Il est d’une humeur charmante
- C'est comme un z'oiseau qui chante
- Il m'appelle sa p'tite bourgeoise
- Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise
- Y'en a d'autres qui m'font les doux yeux
- Mais c'est lui que j'aime le mieux.
Des ressources légales (domaine public au Canada) sont proposées par le site Du temps des cerises aux feuilles mortes, un site consacré à la chanson française de la fin du Second Empire aux années cinquante ; le site est recommandé dans les signets Chanson française de la Bibliothèque nationale de France, qui ont pour mission de « sélectionner, d'ordonner, de décrire et de maintenir à jour une collection limitée de ressources importantes, de qualité contrôlée »[12].
- enregistrement par Joséphine Baker (1930) - Disque 78t - Columbia DF 229), numérisation originale d'un disque original (domaine public à Napierville, Canada)[13].
Analyse
Si la musique de la « La Petite Tonkinoise », au carrefour de la polka, du tango et de la musique militaire, est une incontestable réussite, les paroles de la chanson ont été l'objet de nombreuses analyses politico-historiques, souvent très critiques. Ce ne sont pas les paroliers qui sont en cause, mais le fait que les paroles aient rencontré un tel succès.
- Pour Maryse Bray et Agnès Catalyud, « La Petite Tonkinoise » fait partie de ces chansons coloniales où « les femmes indigènes au contact desquelles l’Européen s’avilit, sont lascives, dévergondées, expertes dans les choses de l’amour » et qui « abondent en sous-entendus paillards où un mot en suggère un autre plus osé, ce qui est très à la mode à l’époque ». « La moukère, la fatma, la houri, la bédouine et sous d’autres cieux la mousso, la congaï, sont soumises au plaisir des hommes. Ces “cannibales”, toujours prêtes à s’enflammer au premier regard que leur lance un bel officier de passage, vivent des amours sans joie et finissent éplorées au départ d’un bateau ou de la troupe qui s’éloigne dans le désert, emportant leur amant d’une nuit. Avec une nuance cependant: la Chinoise serait plus “farouche”, elle “refuse sa bouche”, elle est “prudente”, charmante, mutine, et sait défendre son cœur qu’elle n’accorde pas au premier venu. La Tonkinoise quant à elle serait “belle et fidèle” ».
- Alain Ruscio est plus critique encore. Pour lui, la chanson aurait pour premier objectif « de faire s’esclaffer nos aïeux aux dépens des ‘indigènes’ » ; « le Français quitte sans regret sa ‘tonkiki’ après en avoir abondamment profité »[14], ce qu'on peut contester[15]. « Dans beaucoup de chansons, la femme tient une place prépondérante. La jeune femme colonisée est souvent ridiculisée et « rarement les fantasmes de l’homme blanc auront été étalés avec autant de complaisance »[16]. Dans cette thématique, c’est sans doute la chanson « La petite Tonkinoise » qui a remporté le plus grand succès. »[17] La critique a été reprise par Emmanuel Mansutti : « La petite Tonkinoise » [...] est assez révélatrice de la représentation française des femmes indochinoises. Ainsi, dans la première phase de la colonisation, la plupart des hommes étaient célibataires et succombèrent vite aux charmes de l’Indochine. Mais souvent ce n’étaient que des aventures éphémères, qui ne débouchaient que très rarement sur un mariage. En effet, la femme était alors considérée comme une indigène et devait se soumettre au colon. »[18]
- Emmnuelle Radar fournit l'analyse la plus détaillée de « La Petite Tonkinoise » comme « modèle d’objet culturel qui sous-tend l’action de la conquête coloniale »[19] pour « éclairer à la fois le discours populaire que la chanson met en avant et en même temps les contextes dans lesquels et par lesquels ce discours prend son sens »[20].
Très belle chanson ou "expression de la sentimentalité colonialiste la plus ridicule"[21], en tous cas témoignage historique, la Petite Tonkinoise fait partie intégrante de la culture populaire française.Notes
- Dubé & Marchioro (2011) ; C. Brunschwig, L.-J. Calvet, J.-C. Klein (1981) p. 304-305 ; J.-C. Klein (1990) p. 149 ; Fournier (2008) p.1 ; Frappé (2008) ; Radar (2008) ; Santacroce (2007) p.3 ; Scotto (1947) ; Souvais (2008) p.143 ;Frappé (2008), qui donne pour date 1905.
- Sicard (2008).
- Casino de Paris, sur le thème des colonies, destinée à attirer les visiteurs de l'Exposition Coloniale de 1931. (Santacroce (2007) p.3). Le succès d'une "noire" se présentant dans la peau d'une Tonkinoise devant un public majoritairement "blanc" sera un thème inépuisable pour les journalistes, sociologues, anthropologues, ethnopsychologues, sexologues et autres psychanalystes. Pour la revue « Paris qui remue » au
- "Ma p’tite Mimi (Ma mitrailleuse)" fournit l'intégralité des paroles.
- Youtube En ligne sur
- Ou "Pour m’distraire, sans manières" (Maurice Chevalier)
- Jack Lantier). Ou "l'chéri" (version de
- Ou "de tas d'choses"
- Ou "Les frontières, les rivières".
- Ou "ta jeunesse".
- Ou "T'étais ma petite bourgeoise"
- Signets chansons (dernière vérification 04/11/2011) ; la BNF précise que le site contient de nombreux « extraits sonores ». Cf.
- (2:41), site Du temps des cerises aux feuilles mortes
- Ruscio (2001) p.78. Radar (2008) orthographie par erreur "tonkinki".
- Radar (2008) pp.165-166.
- Ruscio (2001), p. 351
- Wolfs (2003).
- Mansutti (2004) p. 72
- Radar (2008) p.29.
- Radar (2008) pp.161, 163.
- "Non-stop at Le Jockey. Americans and Jazz in Paris". "‘La Petite Tonkinoise’, first sung in 1906 and performed by (Joséphine) Baker in 1930, is a piece of the silliest colonialist sentimentality that recounts the delight and pride of a young Indochinese girl whose French lover has elevated her to legitimate companionship”
Références
- Bray, Maryse J. et Calatayud, Agnes (2002) La chanson populaire en France au temps des colonies : de l'insouciance à la contestation. Remembering Empire, No. 1, 2002, pp. 81-98. Westminster Research, University of Westminster, UK, 2002, 9 pp.
- Brunschwig Chantal, Calvet Louis-Jean, Klein Jean-Claude (1981), Cent ans de chanson française, Paris, Éditions du Seuil (collection Points)
- Dubé, Paul et Marchioro, Jacques Jacques (2011) Du Temps des cerises aux Feuilles mortes, Un site consacré à la chanson française de la fin du Second Empire aux années cinquante., articles La petite Tonkinoise, Georges Villar, Polin, Henri Christiné, Vincent Scotto, Joséphine Baker, Esther Lekain. Site consulté le 13 novembre 2011.
- Fournier, Jean-Claude (2008) Vincent Scotto (1874-1952) ou [1] 30 sept. 2008, 3 pp.
- Frappé, Gérard (2008) Vincent Scotto 10 octobre 2008.
- Klein Jean-Claude (1990), Florilège de la chanson française, France-Loisirs (1er éd. 1989, Bordas)
- Mansutti, Emmanuel (2004) L’immigration des Indochinois à Mulhouse au XXème siècle : La confrontation de Mulhouse avec les peuples d’Indochine. Mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, Université de Haute Alsace, Faculté des Lettres Langues et Sciences Humaines, Département d’Histoire, Juillet 2004, ii + 158 pp.
- Prou, Suzanne (1994) La petite Tonkinoise Calmann-Levy, 1994, 171 pp.
- Radar, Emmanuelle Marie Anne Françoise Marguerite (2008) « Putain de colonie ! » : anticolonialisme et modernisme dans la littérature du voyage en Indochine (1919-1939). Thèse de doctorat soutenue à l’Université d’Amsterdam le 30 juin 2008, 827 pp. Voir, notamment, Ch.7 La conquête des 'Tonkinoises' : variations de 1906 et L’effet de La Petite tonkinoise en 1930 in Ch.9 La place spécifique du colonisé ; la preuve de gratitude, pp.256-257.
- Ruscio, Alain (2001) Que la France était belle au temps des colonies… Anthologie de chansons coloniales et exotiques françaises. Maisonneuve et Larose, Paris, 2001, 517 pp. + 1 CD
- Ruscio, Alain (2003) Littérature, chansons et colonies dans Blanchard, Pascal et Lemaire, Sandrine (dir.), Culture coloniale. La France conquise par son Empire. 1871-1931, Ed. Autrement, Paris, 2003, pp. 67-80.
- Santacroce, Michel (2007) Présentation d’extraits de chansons. La période 1900 Scefee – La Chanson Française – Niveau 2 Intermédiaire, Enseignement La chanson française et français langue étrangère, Faculté des Lettres et Sciences humaines d'Aix-en-Provence, Nov. 2007, 4 pp.
- Scotto, Vincent (1947) Souvenirs de Paris Éditions S.T.A.E.L, Toulouse, 1947, 216 pp.
- Sicard, Lucien (2008) L’histoire des cabarets avant la guerre de 14 (Deuxième partie : de 1907 à 1910). L’Heure aux Mordus, n°33, janvier-mars 2008, p. 6.
- Souvais, Michel (2008) Moi, La Goulue de Toulouse-Lautrec. Les mémoires de mon aïeule Éditions Publibook, 2008, 202 pp.
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