L'Idiot international

L'Idiot international
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L'Idiot international
Logotype de L'Idiot international (1984)

Pays France
Langue Français
Date de fondation 1969
Éditeur Paris

Directeur de publication Jean-Edern Hallier
ISSN 0397-4200
OCLC 185642858

L'Idiot international est un journal pamphlétaire français fondé en décembre 1969 et dirigé par Jean-Edern Hallier. Patronné à ses débuts par Simone de Beauvoir et largement financé par Sylvina Boissonnas (mécène des mouvements gauchistes)[1], ce journal avant tout polémique, se déclarant indépendant de toute idéologie, a disparu en février 1994, suite à de nombreuses condamnations judiciaires.

Sommaire

Évolution

De 1969 à 1972, le journal se situe dans la mouvance gauchiste. En mai 1971, son orientation est cependant critiquée par Simone de Beauvoir, qui n'apprécie guère la « personnalité fantasque » d'Hallier[2] : ayant accepté d'« assumer devant la justice de classe les responsabilités de directrice » à partir de septembre 1970, elle écrit plus tard dans Le Monde : « L'Idiot ne représente rien d'autre que lui-même, c'est-à-dire une poignée de lecteurs […]. Je n'y vois que des critiques négatives et désordonnées du gauchisme actuel, accompagnées de vaticinations fort vagues touchant l'avenir. Votre attitude de juge planant dans on ne sait quel olympe ne peut que créer de nouvelles dissensions, et non favoriser une unité d'action[3] », et se sépare définitivement du journal. Celui-ci cesse de paraître en 1972, avec une ardoise de 15 millions de centimes[4], puis, après une tentative avortée de renaissance en 1984, est relancé en 1989.

En mai 1993, Jean-Paul Cruse — ancien membre de la Gauche prolétarienne, militant du Collectif communiste des travailleurs des médias (cellule Ramón-Mercader) et délégué SNJ-CGT de Libération, dont il est l'un des fondateurs — signe l'appel « Vers un front national » publié en première page de L'Idiot international[5]. Cet appel, prenant acte de la « destruction précipitée de la vieille gauche », propose « une politique autoritaire de redressement du pays » rassemblant « les gens de l’esprit contre les gens des choses, la civilisation contre la marchandise — et la grandeur des nations contre la balkanisation du monde […] sous les ordres de Wall Street, du sionisme international, de la bourse de Francfort et des nains de Tokyo » et appelle, pour « forger une nouvelle alliance », à la constitution d'un « front » regroupant « Pasqua, Chevènement, les communistes et les ultra-nationalistes », un nouveau front pour « un violent sursaut de nationalisme, industriel et culturel[6] ».

Une polémique naît alors sur l'existence supposée de convergences « rouges-bruns ». Suite à l'enquête de la journaliste Mariette Besnard et du romancier Didier Daeninckx dénonçant, entre autres, L'Idiot comme un « laboratoire national-communiste » (juin 1993), Le Canard enchaîné prétend révéler l'existence de liens unissant les communistes et l'extrême droite (idée dans l'air du temps, car utilisée, peu de temps auparavant, par les services de Boris Eltsine contre les communistes russes), notamment à travers la collaboration à certains journaux comme L'Idiot international et Le Choc du mois. François Bonnet, dans Libération, pointe alors du doigt les « compagnons de route de la galaxie nationale-bolchevik », considère que « le communisme est vraiment pourri puisqu’il n’hésite pas à s’allier au fascisme » et en vient à affirmer « qu’extrême gauche et extrême droite, c’est pareil[7] ». Ces accusations[8] furent ensuite relayées par deux journalistes du Monde, Edwy Plenel et Olivier Biffaud : « À l'abri de la réputation d'écrivain maudit qu'il s'est plu à construire, Jean-Edern Hallier fut donc bien l'alibi principal et l'acteur premier de ce théâtre d'ombres où se croisent, depuis plusieurs années, apprentis sorciers communistes et théoriciens néo-fascistes d'une « troisième voie » entre communisme et capitalisme. Toute la collection de l'Idiot international en témoigne[9]. » Pour les accusateurs, Alain de Benoist aurait été le principal artisan de ces « croisements », ayant essentiellement L'Idiot pour lieu[10].

Les auteurs

Jean-Edern Hallier, Patrick Besson, Marc-Édouard Nabe, Christian Laborde, Gabriel Matzneff, Jean Dutourd, Michel Déon, Jacques Laurent, Jean Cau, Philippe Sollers, Alain Sanders, Olivier Bailly, Philippe Muray, Gilles Martin-Chauffier, Charles Dantzig, Benoît Duteurtre, Frédéric Berthet, Alain Paucard, Thierry Séchan, Michel Houellebecq, Dominique Noguez, Frédéric Beigbeder, Morgan Sportès, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, Laurent Hallier, Philippe de Saint Robert, Edouard Limonov, Jacques Vergès, Alice Massat, Dominique Lacout, Renaud, Charles Ficat, Frédéric Taddeï, Patrick Chassé, Bertrand Leclair, Philippe Lecardonnel, Jean-Baptiste Drouet, Jean-Paul Cruse, Alain de Benoist, Jacques Bacelon, Roch Saüquere, Anthony Palou, Marc Cohen, Philippe Palat, Dominique Lacout, Bruno Guigue, Alain Soral, Jean-Paul Dollé, Gilbert Mury, Gilbert Castro, Arrabal[11].

L'équipe des dessinateurs était dirigée par Gébé (qui signa également quelques textes) et comprenait notamment Konk, Lefred-Thouron, Pascal, Vuillemin, Placid, Captain Cavern, Loup, Tignous.

L'ancien magistrat Jacques Bidalou, que Nabe appelait « le juge maudit », est le seul collaborateur présent à l'Idiot de la relance de 1989 au dernier numéro de mars 1994. Au fil des années, il apparaît dans l'ours comme membre du service enquête, puis comme responsable du service « justice », enfin comme « conseiller de la direction ». Par ailleurs, Bidalou était le conseiller juridique de Jean-Edern Hallier. C'est lui qui, en 1993, récusa le tribunal lors de la mise en vente avortée, à l'initiative de Bernard Tapie, de l'appartement d'Hallier[12].

Condamnations judiciaires

De juillet à octobre 1989, L'Idiot international et son directeur sont condamnés à verser 250 000 F à Jack Lang et son épouse pour « diffamation et injures publiques », puis 100 000 F à Christian Bourgois, l'éditeur de Salman Rushdie, pour « propos injurieux et atteinte à la vie privée », 300 000 F à Georges Kiejman pour « injures, diffamation et atteinte à la vie privée », et enfin 400 000 F à Bernard Tapie pour des « atteintes d'une gravité exceptionnelle que ni l'humour ni les principes régissant la liberté de la presse ne sauraient justifier », selon les termes du tribunal correctionnel de Paris[13].

En juillet 1991, Jean-Edern Hallier est condamné à 50 000 F d'amende et 80 000 F de dommages et intérêts à plusieurs associations antiracistes, pour « provocation à la haine raciale », par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, suite aux « qualificatifs outrageants ou abjects s'appliquant à désigner [les juifs] comme la lie de l'humanité » dans un éditorial de L'Idiot international publié pendant la guerre du Golfe[14]. En septembre de la même année, l'écrivain et son journal sont condamnés à payer 800 000 F de dommages-intérêts à Bernard Tapie pour publication de propos « diffamatoires, injurieux, et attentatoires à sa vie privée[15] ».

Notes et références

  1. Christophe Bourseiller, Les Maoïstes. La folle histoire des gardes rouges français, Éditions du Seuil, collection « Points – essais », 2008, p. 287.
  2. Christophe Bourseiller, op. cit., p. 288.
  3. « J'accuse », Le Monde, 5 mai 1971.
  4. Christophe Bourseiller, op. cit.
  5. Alain Soral, dirigeant du collectif, et le rédacteur en chef du journal, Marc Cohen, lui aussi membre du collectif, participèrent à sa rédaction.
  6. « National-bolchevisme : de nouvelles convergences », REFLEXes, octobre 1993 ; mise à jour 4 janvier 2007.
  7. Id.
  8. On notera que le chercheur Pierre-André Taguieff a largement relativisé les « révélations » qu'elles portaient : « Regardons de plus près les acteurs du prétendu “flirt” (…). Parmi les accusés, côté “rouges”, on rencontre essentiellement le journaliste de Libération Jean-Paul Cruse, syndicaliste CGT, auteur d'un article au titre provocateur (“Vers un Front national”, L'Idiot international, mai 1993), et identifié comme étant « proche » du Parti communiste français ; et Marc Cohen, alors rédacteur en chef de L'Idiot international, et qui, pour sa part, est membre du PCF. Cruse et Cohen n'animent aucun mouvement politique et ne représentent qu'eux-mêmes : il s'agit de marginaux ou d'“originaux” de la mouvance communiste. Quant aux “bruns” (…), ils s'incarnent en la seule personne d'Alain de Benoist (parfois accompagné du lepéniste Alain Sanders, aventurier du pamphlet parfaitement inoffensif, en dépit de ses rêves de guerrier “héroïque”, ne manquant nulle occasion de se faire photographier en costume de combat dans ses “maquis”). Après les personnages, considérons les faits de “rencontre” ou d'“alliance”. La prétendue menace “national-communiste” en France est, aux yeux des enquêteurs pressés (ou intéressés), confirmée par trois faits, dont on ne saurait surestimer l'insignifiance. D'abord, une intervention d'Alain de Benoist, le 12 mai 1992, lors d'un débat à la Mutualité sur “le réveil de la pensée critique”, débat organisé par l'Institut de recherches marxistes (dirigé par Francette Lazard). Ensuite, la participation de Marc Cohen à un débat organisé au Musée social (Paris) par la revue Éléments, le 19 mai 1992, sur “la recomposition du paysage intellectuel français”. Enfin, la publication dans Krisis (no 12, octobre 1992, p. 60-71), d'un “face à face”, à vrai dire inattendu (et non dénué d'humour objectif), entre Jean-Paul Jouary (membre du PCF et rédacteur en chef de l'hebdomadaire Révolution) et Paul-Loup Sulitzer, l'homme-qui-a-réussi (le débat portait sur “l'argent”…). Fondé sur des “faits” aussi peu décisifs, auxquels leur marginalité ôtait toute valeur d'exemplarité, le thèmes des “liaisons dangereuses” entre “rouges” et “bruns”, ou celui — vieux cliché à peine rajeuni — de la convergence ou de l'alliance des “extrêmes”, ce thème n'en est pas moins devenu un poncif journalistique en 1993. » (Sur la Nouvelle Droite. Jalons d'une analyse critique, « Descartes et cie », 1994).
  9. « “La tentation national-communiste” — “L'Idiot”, laboratoire rouge-brun », Le Monde, 1er juillet 1993.
  10. Pour un témoignage du mis en cause, cf. « Sur Jean-Edern Hallier et “L’idiot international” » [PDF].
  11. L'idiot international : une anthologie, Editions Albin Michel, 2005, ISBN 2-226-15199-0.
  12. Jean-Edern Hallier, Les Puissances du mal, Le Rocher / Les Belles lettres, 1997.
  13. « Poursuivi en diffamation par Bernard Tapie Jean-Edern Hallier et “l'Idiot international” condamnés à 400 000 F de dommages-intérêts », Le Monde, 7 juillet 1989 et « Jean-Edern Hallier condamné pour diffamation envers Me Georges Kiejman », Le Monde, 27 octobre 1989.
  14. « Auteur d'un éditorial contre la guerre “américano-sioniste” — M. Jean-Edern Hallier est condamné pour provocation à la haine raciale », Le Monde, 3 juillet 1991.
  15. « M. Jean-Edern Hallier condamné à verser 800 000 F à M. Bernard Tapie », Le Monde, 13 septembre 1989.

Bibliographie

  • Frédéric Hallier, Denis Gombert et François Bousquet, "L'Idiot international". Une anthologie, Albin Michel, collection « Histoire – essais », mars 2005.

Lien externe


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article L'Idiot international de Wikipédia en français (auteurs)

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