L'Armée du crime

L'Armée du crime

L'Armée du crime est un film français réalisé par Robert Guédiguian, sorti en 2009.

Quatre ans après Le Promeneur du Champ-de-Mars, Robert Guédigian renoue avec l’histoire en réalisant l’Armée du crime, un film qui retrace le parcours des FTP-MOI, résistants communistes immigrés menés par Missak Manouchian[1]. Le titre, qui retourne le sens de celui de l'affiche rouge dont l'intitulé complet est « Des Libérateurs ? La Libération par l'armée du crime »[2], rappelle L'Armée des ombres, de Jean-Pierre Melville (1969), qui a pour point commun la chronique d'un réseau de résistants et la torture.

Sommaire

Synopsis

À Paris, sous l'Occupation, un groupe disparate de résistants commet des attentats désorganisés. Missak Manouchian, un Arménien exilé, est prêt à les aider mais reste réticent à l'idée de tuer. Les circonstances l'amèneront à transgresser son éthique. Sous son impulsion, le groupe se structure et planifie ses actions. Le réseau Manouchian est né. Le film retrace l'histoire de ce groupe, de sa formation à son exécution en 1944.

Fiche technique

Distribution

Critiques

Critiques presse

Selon Marie-Noëlle Tranchant (Le Figaroscope) le film rend « hommage aux FTP (...) sous la forme d'une imagerie légendaire, chaleureuse pour les héros, un peu lisse et schématique quant à l'arrière-plan historique.» Pour Nicolas Azalbert (Cahiers du Cinéma) l'Armée du crime « empêche toute réactivation actuelle de l'hypothèse communiste ».

Critiques historiques

Le film a aussi suscité une polémique entre le réalisateur et les historiens du communisme Stéphane Courtois et Sylvain Boulouque. Dans un article intitulé "L'armée du crime de Robert Guédiguian, ou la légende au mépris de l'histoire", que les deux historiens publient dans le journal Le Monde du 15 novembre 2009, ils critiquent sévèrement le film :

« S'inspirant de cette histoire tragique, le cinéaste présente un récit qui se veut legenda, au sens de son étymologie ecclésiale - vie de saint, illustrée par la position christique de l'un des martyrs sur fond musical de Passion -, mais il diffuse auprès du public une vision contraire à la vérité historique. La liberté de tout créateur à situer une fiction dans un cadre historique ne l'autorise pas à prendre de telles libertés avec les faits. Ainsi, le film présente l'un de ces héros, Marcel Rayman, comme sujet à de soudaines pulsions et qui aurait pris l'habitude d'abattre les militaires allemands comme des mouches. C'est « oublier » que les FTP-MOI étaient une organisation hiérarchisée, obéissant à des ordres stricts, et que, selon le relevé de leurs opérations, effectué par les autorités policières, ils ont tué en deux ans, dans Paris, environ une vingtaine d'Allemands dont très peu dans le cadre d'attentats individuels. »

Stéphane Courtois et Sylvain Boulouque mettent en doute la crédibilité et la valeur des mises en scène : "Le film montre des militants clandestins qui se conduisent quasiment comme en temps de paix : ils fréquentent les « planques » des uns et des autres, ils connaissent le nom de leurs chefs, ils se réunissent en nombre dans un bistrot, ils fixent leur rendez-vous au milieu d'un concert donné par les Allemands. Autant d'entorses majeures aux règles élémentaires de la clandestinité". Surtout, ils reprochent à Robert Guédiguian, qui n'a jamais caché sa proximité avec le PCF, d'omettre le passé stalinien du groupe Manouchian : "Le film montre des combattants refusant les directives de leurs chefs. On fait même dire à un militant : « Je n'accepterai jamais d'être commandé par des staliniens. » C'est « oublier » qu'en cette année de la victoire de Stalingrad, tout communiste revendiquait fièrement le titre de « stalinien » et que la quasi-totalité des membres de la MOI, quand ils n'étaient pas depuis longtemps des militants communistes comme Missak Manouchian ou Joseph Boczov, baignaient dans une culture communiste des plus staliniennes, à l'image de Marcel Rayman, Raymond Kojitski, Henri Krasucki ou Thomas Elek, dont les parents appartenaient tous au Parti communiste".

Robert Guédigian a répondu à Stéphane Courtois et Sylvain Boulouque, dans un article publié dans Le Monde, le 22 novembre 2009, sous le titre "L'affiche rouge : cinéma, histoire et légende". Il récuse chacune des accusations des historiens :

"Légende au sens ecclésial, me dit Stéphane Courtois... C'est lui qui le dit... ce n'est pas moi... Son argument : utilisation musicale de la Passion selon saint Matthieu et position christique de l'un des martyrs (l'un d'eux ne signifie pas tous)... Mais, monsieur Courtois, toutes les tragédies postérieures à la crucifixion du Christ ont fait appel à cette figure rhétorique, si j'ose dire. C'est devenu un langage universel indépendant de son origine : une mère qui perd son fils dans l'Iran chiite d'aujourd'hui renvoie à un stabat mater.

Plus loin, Stéphane Courtois écrit : « La quasi-totalité des militants de la main-d'œuvre immigrée (MOI) baignaient dans une culture communiste des plus staliniennes. » La « quasi-totalité » signifie bien qu'il y avait dans la MOI des antistaliniens. Beaucoup d'entre eux, qui, c'est vrai, étaient en avance sur leur temps, avaient combattu dans les rangs des Brigades internationales et avaient vécu de près les règlements de comptes entre staliniens, trotskistes et anarchistes..."

Le 26 novembre 2009, le quotidien Le Monde publie une "Lettre ouverte à Robert Guédiguian", signée par Elise Frydman, cousine germaine de Marcel Rayman. Elle reproche au réalisateur de ne pas avoir utilisé toutes les sources disponibles, notamment les mémoires de certains acteurs de l'histoire : "Je vous ai entendu sur France Culture, dans l'émission de Michel Ciment, citer vos sources d'information et de documentation avant la réalisation du film. Notamment Adam Rayski, Stéphane Courtois et Denis Pechanski. Il ne vous a donc pas échappé qu'il y a eu de nombreux témoignages se recoupant, concernant Lucienne Goldfarb. Simon a aussi écrit un témoignage sur ce qu'il a vécu en tant que résistant et déporté. Dans ce document, il dit que Marcel et lui se sont toujours méfiés de cette fille qui voulait intégrer leur réseau". Elle conclut par une sentence qui recoupe les reproches de Stéphane Courtois : "Ces héros n'ont pas besoin de légende, monsieur Guédiguian, ils ont surtout besoin de vérité". "Néanmoins, le cinéaste est comme tétanisé par le respect que lui inspire son beau sujet et il faut vraiment la jeunesse des acteurs pour que le récit respire un peu au présent et ne se fige en nouvel évangile rougeoyant" (Didier Perron, "Sage comme un hommage", Libération, 16 septembre 2009).

Autres

Robert Guédigian affirme avoir modifié la chronologie et la nature des faits de façon à mieux montrer ce qu'était le réseau FTP-MOI. Parmi ces modifications, on note la fusion en un seul épisode de deux attentats menés par Marcel Rayman : l'attentat raté du 28 juillet 1943 contre le colonel Moritz von Maliber et un membre de son état major, qu'on avait pris pour le général von Schaumburg, et celui du 28 septembre 1943 contre Julius Ritter, responsable du STO en France, mais qui n'était pas identifié au moment de l'attentat. Cet épisode vaudra un grand éclat au réseau, lequel entraînera la répression qui lui fut fatale, mais en fait à la date de l'attentat le groupe avait déjà été localisé par les Renseignements Généraux.

L'autre exemple significatif de cette modification de la chronologie et de la nature des faits est la présence de la Milice française dans le film. En effet, la Milice, ou plutôt la Franc-Garde (branche militaire en uniforme, la majorité des Miliciens étant en civil) apparaît au moins à deux reprises dans l"Armée de crime". D'abord, on aperçoit deux Franc-gardes passer dans la rue au sécond plan, le béret sous l'épaulette; ensuite, on voit déjà tout un commando de la Milice en uniforme complet, le brassard avec le gamma au bras gauche de la vareuse (en réalité, porté presqu'exclusivement sur la chemise, l'exception ne concernant que les chefs miliciens) casser les meubles à coup de bâton dans un café. Or, la Milice, créée en zone Sud en janvier 1943, ne sera autorisée de passer en zone Nord que vers la mi-janvier 1944. Sa présence à Paris pendant que se déroule l'épopée de Manouchian et de ses hommes (qui furent arrêtés, rappelons-le, à la mi-novembre 1943) est de ce fait purement et simplement fictive.

L'une des originalités du film est l'hommage rendu au jeune militant Henri Krasucki, qui prend en charge le jeune frère de Marcel Rayman et le ramène vivant du camp de concentration où ils sont déportés.

Distinctions

Le film a été projeté hors compétition dans la sélection officielle du festival de Cannes 2009[4].

Notes et références

  1. Juliette Bénabent, « Sur le tournage de l’Armée du Crime, de Robert Guédiguian » sur telerama.fr, Télérama, 24 juillet 2008. Consulté le 24 avril 2009
  2. La « véritable » armée du crime désignée par le film serait ainsi, pour Cécile Mury et Pierre Murat, « une cohorte de policiers français, de tortionnaires au regard vide » : Télérama samedi 19 septembre 2009, http://www.telerama.fr/cinema/films/l-armee-du-crime,374382,critique.php
  3. Le père de Charles Aznavour
  4. AFP

Voir aussi

  • MISSAK roman historique de Didier Daeninckx. Editions Perrin (2009) ISBN:978-2-262-02802-2 , Editions Pocket (2010) ISBN:978-2-266-20025-7

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Liens externes


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