- Karen (langue)
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Langues karens
« Karen (langue) » redirige ici. Pour le peuple karen, voir Karens. Pour les autres significations, voir Karen. Les langues karens (ou karéniques) sont parlées principalement au Myanmar (Birmanie), et, dans une moindre mesure, en Thaïlande par environ quatre millions de personnes. Elles constituent une branche de la famille tibéto-birmane, qui fait partie elle-même du groupe des langues sino-tibétaines . Quatre langues prédominent par ordre d'importance: le Sgaw, la plus répandue, le Pwo, le Kayah et le Pa-O, à l'intérieur desquelles peuvent exister des dialectes plus ou moins différenciés .
Sommaire
Localisation
Ces langues sont parlées principalement dans quatre régions :
- Le delta de l'Irrawaddy au Myanmar pour le Sgaw et le Western-Pwo, en articulier dans la région de Pa Thein (Bassein).
- Dans les Monts Yama au Myanmar, Division de Pégou (Bago) entre les cours de l'Irrawaddy et du Sittang pour le Sgaw.
- Les États Kayah et Karen (Kayin) où prédominent le Kayah dans le premier, le Sgaw et le Pwo dans le second. Il faut ajouter, plus au Nord, le Sud-Ouest de l'État Shan où sont parlés le Pa-O ( ou: Taungthu) et le Padaung.
- Toute la zone frontalière Myanmar-Thaïlande du Nord au Sud : de l'État Kayah à la Division du Tenasserim (Tanintharyi), côté birman ; de la province de Chiang Rai à celle du Tak pour le Sgaw, de la Province du Tak à celle de Prachuap pour le Pwo, côté thaïlandais.
Classement et apparentements
Leur rattachement à la branche tibéto-birmane a été contestée du fait de leur structure syntaxique Sujet-Verbe-Complément, à l'exception du Bai, notoirement influencé par le Chinois. Mais ce débat est clos depuis les travaux de Luces et de Jones R.B., cette caractéristique n'étant plus tenue pour essentielle en linguistique et s'expliquant en l'occurence par l'environnement linguistique Môn ou Thaï des langues Karéniques.
On distingue généralement quatre sous-branches constituées par le Sgaw , le Pwo subdivisé en Western-Pwo et Eastern-Pwo, le Pa-O (ou Taung Thu) et le Kayah, le Bwe étant parfois considéré comme la quatrième sous-branche dont le Kayah ne serait qu'un rameau [1]. Il existe bien d'autres parlers[2] aux locuteurs peu nombreux dont on ignore s'il s'agit de variantes dialectales ou de langues différentes, le risque étant de confondre langue et ethnonyme. Les langues karéniques n'ont guère été étudiées avant les années soixante[3], et aujourd'hui encore certaines d'entre elles, comme le Pa-O sont mal connues; il est donc impossible d'en établir une classification et encore moins un arbre généalogique définitifs [4]. Leur diversité est assez marquée pour entraîner l'incompréhension entre plusieurs d'entre elles. C'est le cas, par exemple entre le Pwo occidental et le Pwo oriental. La dispersion géographique, l'absence d'organisation politique supra-villageoise, les obstacles historiques à la constitution d'une unité nationale Karen, ont empêché l'emergence d'une langue unifiée, phénomène caractéristique de bien des minorités ethniques. Néanmoins le Sgaw, parce qu'il est la langue de la majorité des Karens chrétiens et de ceux engagés dès le début du XXe siècle dans les organisations nationalistes est celle dans laquelle "la nation Karen" s'exprime, combat, défend sa culture. Un hymne national, un texte sur le drapeau Karen [5] ont été écrits en Sgaw. Il existe plusieurs sites Internet.[6]
Alors que les structures syntaxiques sont le plus souvent identiques, les différences sont surtout d'ordre phonétique et lexical. Ainsi "la maison" se dit "hi" en Sgaw (Birmanie), en Bwe et en Kayah ( avec des tons qui peuvent différer ), mais "de" en Sgaw (Thaïlande)et "ReiN" en Pwo, "-eiN" notant une des diphtongues nasales du Pwo, série vocalique qui n'existe pas dans les autres langues.[7]
Écriture
Certains auteurs[8] font état d'une ancienne écriture pratiquée par les Pa-os, dont témoigneraient des manuscrits appartenant à deux ou trois monastères de la région de Hsa-Tung, mais cette écriture est aujourdhui indéchiffrable, et on ne peut que se montrer réservé devant des affirmations aussi fragiles.Seules sont écrites le Sgaw et le Pwo. Deux systèmes ont été créés au XIXe siècle. L'un appelé monastic script, basé sur l'écriture môn a été mis au point par les monastères bouddhistes qui continuent à l'enseigner, en particulier dans l'état Karen ; l'autre mission script, basé sur l'alphabet birman est utilisé par les Pwo de l'ouest et par les Sgaw. Il a été élaboré vers 1840 par un missionnaire baptiste américain, le Dr. Jonathan Wade et dès 1841, il est utilisé dans un mensuel lancé par le Dr.Masson, le Hsar Du Ghaw qui ne disparaîtra qu'avec l'invasion japonaise. En 1843, le Nouveau Testament est traduit dans cette écriture [9] et l'Ancien en 1851.
Comme dans toutes les écritures dérivées des anciennes écriture indiennes, aux lettres représentant une consonne s'adjoignent des signes diacritiques indiquant voyelle ou diphtongue, sauf s'il s'agit du a qui est implicite. La syllabe se termine par une lettre ou un signe notant le ton, sauf le ton haut.
Phonologie
- Ce sont des langues tonales et monosyllabiques comme la plupart des de langues sino-tibétaines.
- La structure de la syllabe est la suivante : C¹(C²)V T ( consonne,voyelle,ton). S'il existe deux consonnes groupés à l'initiale, la seconde ne peut-être que [w], [l], [ɣ], [r], [j]. La voyelle peut être une nasale en Pwo, mais pas en Sgaw.
- Elles présentent une relative richesse vocalique : neuf voyelles en Sgaw, une quinzaine de voyelles et diphtongues en Pwo ( à cause des nasales ).
- Elles ont une série d'occlusives sourdes aspirées notées ici : "hp" - "ht" - "htch" - "hk"
ainsi qu'une interdentale sourde [θ] et parfois sonore [ð] (les phonèmes écrits th en Anglais), un arrêt glottal "?", un "R " non roulé [ɣ] et un "r" roulé [r].
Les tableaux suivants présentent les consonnes et les voyelles du Sgaw
Consonnes
Bilabiales Labio-vélaire Dentales Alveolaires Post-alvéolaires Palatales Vélaires Glottale Occlusives non aspirées p b t d k ʔ aspirées pʰ tʰ kʰ Affriquée c / tʃ
Nasales m n ɲ ŋ Fricatives non aspirées θ¹ s ʃ χ ɣ h aspirées sʰ ⁴ Roulée r Latérale l Semi-consonne w ² J ³
Ce tableau transcrit le Sgaw tel qu'il est écrit, autrement dit une sorte de langue standard. Aussi existe-il des variantes locales dont voici les principales :
1- [θ] ( identique au th sourd anglais ) est généralement prononcé « s » en Thailande.
2- [w] peut être prononcé [v] .
3- [j] peut être prononcé [ʝ] [z] , parfois [ʒ] , [c] (t ʃ ) s’il s’agit du pron. personnel [yə] ( je ).
4- [sʰ] peut être prononcé [cʰ] ( tʃ ʰ) ou [ʃ]Le phonème [ɣ], très proche du r français [ʁ], tend à être prononcé [w] après une autre consonne.
Outre les consonnes du Sgaw, le Pwo a une interdentale sonore [ʒ] ( identique au th sonore anglais ) et une ou deux implosives [ɓ] et [ɗ] (Western Pwo).
Voyelles
Antérieures Centrales Postérieures Fermées i ɯ¹ u Mi-fermées e o Moyenne ǝ Mi-ouvertes ε ɔ Ouverte a 1- Le [ɯ] se prononce comme un [u] , mais sans arrondir les lèvres.
A l'exception de ce phonème, les voyelles du Sgaw sont identiques à celles du Français.
Outre les voyelles du Sgaw, le Pwo présente des diphtongues [ai], [au] et des nasales [əN], [aN], [oN], [eiN], [eɯN], [ouN], [aiN].
On trouvera une présentation des consonnes et voyelles du Western-Pwo [10] et des consonnes de l'Eastern-Pwo sur ces pages [11] .Morphologie
Comme d'autres langues foncièrement monosyllabiques, les mots usuels sont formés d'une ou deux syllabes, mais divers procédés de composition expliquent l'existence de formes plus longues.
- Le nom est invariable.On peut ajouter un suffixe si l'on tient à marquer le féminin ou le pluriel : ainsi en Sgaw, θ'ra, un enseignant, θ'ra-mÿ, une enseignante, θ'ra-θétehpa, des enseignants.
- Le verbe n'a pas de conjugaisons.Des particules placées devant ou après le verbe expriment diverses modalités.
ye/ ?o mé /wi/li (Sgaw) je /manger riz/action terminée/déjà J'ai déjà mangé - Il existe une série de classificateurs qui s'emploient obligatoirement avec un nom compté : en Pwo, hto ni dÿ (cochon/deux/class.animaux), deux cochons ; en Sgaw, hpôθa lwi Ra (enfant/quatre/class.êtres humains), quatre enfants.
- Comme de nombreuses langues de la même famille, le Karen connaît différents procédés de dérivation par l'adjonction de suffixes et de composition par la réunion de deux noms, verbes ou verbe et nom.
- Dérivation : En Sgaw, pra-chwô-hpô (class.êtres humains/école/suffixe pour certaines catégories de personnes), des élèves.
- Composition : En Pwo, θa htaN (cœur/s'élever), se mettre en colère. En Sgaw, θ'ra-mÿ-kwa-pRa-hsa (enseignant/fém./veiller sur/les gens/malade), l'infirmière.
Syntaxe
La disposition Sujet/Verbe/Complément, contraire à la structure des autres langues tibeto-birmanes se maintient même dans l'interrogation, comme c'est le cas en Khmer et en Thaï.
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- Phrase déclarative
?ewè hklaiN hplouN le θi ba (Pwo)
?ewè ketô kegnô klô te θi ba (Sgaw)
Il ne sait pas parler Karen-
- Phrase interrogative
?ewè hklaiN hplouN θi Ra (Pwo)
?ewè ketô kegnô kl te θi a (Sgaw)
Est-ce qu'il sait parler Karen ?- Les subordonnants, en revanche, peuvent être placés, selon leur nature, au début, à la fin ou même juste avant le verbe :
?ewè/mé/pRa-kegno/ta/Ra/ba hsa, katô/kola-wa/klô (Sgaw)= il/être/Karen/un/class.êtres humains/bien que, parler/étrangers blancs/langue . Bien qu'il soit Karen, il parle la langue des étrangers.
maN-tcho θabyo/ ?é/ Rè, li /xwé/ ya (Pwo)
hpati θabyo/ mé hè, le/ pRè/ gna (Sgaw )
oncle/thabio/si/venir, aller/acheter/poisson
Si oncle Thabio vient, je vais acheter du poisson.- Certaines langues peuvent recourir à la sérialisation verbale :
ye/xwé/?aN/kou (Pwo)
je/acheter/manger/gâteau
J'ai acheté un gâteau et l'ai mangé.On peut lire et entendre des phrases courantes en Sgaw Karen sur ces sites : [8] et [9] .
Notes et références
- ↑ Voir ici : [1] et ici : [2] (page 126 Anhang II - 2. Arbre généalogique )
- ↑ Pour une liste exhaustive on peut se reporter ici : [3]
- ↑ voir la rubrique Karenic sur le site de Berkeley University : [4]
- ↑ Il en est proposé une ébauche fondée sur les travaux de Jones 1961 et Bennett 1992 [5]page 2
- ↑ Textes reproduits dans Parlons Karen
- ↑ kwekalu.net
- ↑ Les transcriptions suivent dans toute la mesure du possible la graphie française. Un "h" devant consonne note une aspirée ; un "θ" l'équivalent du "th" anglais sourd ; un "r" un "r" roulé ; un "R", un "r" semblable à celui du Français standard ; un "ÿ" un "u" prononcé avec les lèvres non arrondies, mais étirées ; les tons, variables, ne sont pas notés
- ↑ Dans The Pao Rebels and refugees Silkworm books 2006, Russ Christensen et Sann Kyan se réfèrent au témoignage de William Dann Hackett
- ↑ Pwo Karen
- ↑ Voir les tableaux de Atsuhiko Kato : [6] (page 2)
- ↑ [7](page 3)
Voir aussi
Liens externes
- Les langues Karen [10]
- Les caractéristiques linguistiques de l'Eastern Pwo (Dialecte de Hpa-An) (en Anglais)[11].
Bibliographie
- Julien Spiewak : Parlons Karen . Éditions "L'Harmattan". Paris 2006. ISBN : 2-296-01819-X
- Emilie Ballard : Say it in Karen . Thailand Baptist Missionary Fellowship. Chiang Mai, Thailand 1993. [ Leçons progressives de Sgaw en Anglais ]
- David Solnit : Eastern Kayah Li, Grammar,Texts,Glossary. University of Hawai'i Press 1997. ISBN : 0-8248-1743-5 [ Une étude linguistique de la langue Kayah ]
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