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Joseph de La Porte du Theil
Paul Marie Joseph de La Porte du Theil, né le 29 mai 1884 à Mende (Lozère) et mort le 5 novembre 1976 à Sèvres-Anxaumont (Vienne), est un officier général français, principalement connu comme fondateur et chef des Chantiers de la Jeunesse pendant le régime de Vichy.
Sommaire
Carrière militaire
Joseph de La Porte du Theil, né dans une famille de l'ancienne noblesse est le fils d'un inspecteur général des Eaux et forêts. Après de brillantes études, il est reçu en 1903 à l'École Polytechnique (Promotion X1903), d'où il ressort officier d'artillerie. Pendant la Première Guerre mondiale, il est capitaine puis chef d'escadron d'artillerie. De 1919 à 1930, il est professeur d'artillerie, d'abord à l'École d'application d'artillerie a Metz, puis à l'École de guerre a Paris. Il est promu lieutenant-colonel en 1928, colonel en 1930. En 1935, il est général commandant l'École d'application de l'artillerie de Fontainebleau. Au cours de la campagne de France, il est l'un des seuls généraux dont le dispositif ne soit ni enfoncé ni rompu par l'avance allemande.
Ce qui distingue pourtant le général de La Porte du Theil, ce n'est pas son excellence militaire. Très tôt, il s'est intéressé de très près à l'encadrement et à la formation de la jeunesse : ses différentes affectations en école et son passé de chef scout lui ont en effet fait comprendre tout le bien qui pouvait sortir d'une formation qui serait, à l'aube de la vie adulte, non plus académique, mais tout simplement humaine. On formerait des hommes.
Ces idées prennent corps après la déroute quand le 2 juillet 1940, le maréchal Pétain, soucieux de reprendre en main la jeunesse française, le charge de mettre en œuvre les futurs Chantiers de la Jeunesse.
Le 2 aout 1940, il est l'un des membres du tribunal condamnant à mort le général de Gaulle[1]
Le chef ambigu des Chantiers de la Jeunesse (1940-1944)
Le général de La Porte du Theil abandonne alors toute fonction militaire pour mettre en place les Chantiers, dont il est à la fois le fondateur et le commissaire général (jusqu'en 1944). Dans son esprit, il s'agit de donner aux jeunes français un complément de formation morale, physique et professionnelle pour les préparer à assumer un jour leurs responsabilités au service du régime de Vichy. On choisit pour cela de les isoler de la société civile dans des camps au grand air, dans le but de les aguerrir physiquement et moralement et de renforcer leur patriotisme et leur sens de la solidarité, valeurs qui a priori auraient prétendument fait défaut dans la société des années trente.
La Porte du Theil ne se limite cependant pas à des discours et à des feux de camps. Transgressant ses devoirs moraux d'ancien chef scout, il demande et obtient l'exclusion des jeunes français juifs des Chantiers, d'abord en Afrique du Nord, à l'initiative de son Commissaire régional, le lieutenant-colonel Van Hecke, puis en métropole l'année suivante. Le 15 juillet 1942, soit d'ailleurs 24 heures avant le déclenchement de la rafle du Vel'd'Hiv', il propose même au Commissariat Général aux Questions Juives un texte de loi, vite approuvé, qui met définitivement les Juifs en-dehors des Chantiers. Cependant, sur le plan personnel, l'homme protègera ses quelques collaborateurs juifs et entretiendra des relations amicales après la guerre avec des Israélites.
Surpris par le débarquement allié en Algérie, le 8 novembre 1942, La Porte du Theil, au lieu de reprendre du service dans l'armée d'Afrique, préfère retourner en France en avion, y laissant le lieutenant-colonel Van Hecke. Ce dernier, qui était revenu à des sentiments plus distanciés envers le régime de Vichy, au point même de prendre des contacts avec certains résistants, contribua alors à la formation d'unités militaires à partir d'anciens des Chantiers de Jeunesse, avant de prendre le commandement d'un régiment.
Lorsque les Allemands envahissent la zone Sud et dissolvent l'armée d'armistice, ils se gardent de porter atteinte aux Chantiers de jeunesse, qui à leurs yeux maintiennent la jeunesse française en de bonnes mains et peuvent servir de vivier de main-d'œuvre.
Et de fait, en 1943, les Chantiers deviennent un piège pour des milliers de jeunes gens astreints au Service du Travail Obligatoire (STO). Nombre d'entre eux sont envoyés en Allemagne par groupements entiers, avec le concours actif de La Porte du Theil et de ses subordonnés. Ce concours est établi tant par les faits et les témoignages que par leurs instructions secrètes, conservées aux Archives Nationales [côte F60 1452 p.ex.]. On vit les jeunes partir et arriver au travail forcé outre-Rhin en uniforme, en rangs, bannières déployées, encadrés par leurs Chefs, et parfois musique en tête.
A la fin de 1943, La Porte du Theil tente enfin de limiter les prélèvements incessants de travailleurs pour l'Allemagne, qui réduisent considérablement ses effectifs, et peut-être donc son influence au sein de l'appareil de Vichy. S'il n'a rien d'un fervent collaborationniste et que nul opposant n'a jamais mis en doute ses sentiments patriotiques, il refuse toutefois de rompre avec le régime pétainiste collaborateur. Approché par la Résistance à l'automne 1943 au témoignage de Léo Hamon, il refuse de s'y joindre. Considéré néanmoins comme insubordonné par l'occupant allemand, sa révocation et son arrestation sont décidées. Mais, bien qu'averti, il refuse de s'enfuir et se laisse arrêter à son bureau de Châtel-Guyon, le 4 janvier 1944, 24 heures après avoir été démis de ses fonctions.
Il est interné à Munich, puis en Autriche. Il tombe entre les mains de l'armée française le 4 mai 1945.
Après la Libération, il est jugé par la Haute Cour de Justice pour avoir participé au Gouvernement de Vichy. Ses 16 mois d'exil forcé en Allemagne, le soutien nullement prouvé censé avoir été apporté à la Résistance, comme sa tardive opposition à l'envoi des jeunes des Chantiers au STO lui permettent d'obtenir un arrêt de non-lieu. La cour constate toutefois que le crime d'indignité nationale, tel que défini par l'ordonnance du 26 décembre 1944, est bien constitué.
Controverses et mémoire
S'il est inexact de présenter les Chantiers de la Jeunesse comme un quasi-mouvement de résistance, il ne semble pas non plus que l'on puisse les accuser de collaboration directe. La Porte du Theil a par ailleurs tenté d'améliorer en partie le sort de ses jeunes qu'il avait envoyés en Allemagne, en dépêchant outre-Rhin une mission des chefs de Chantiers: celle-ci encadra de nombreux STO de manière assez efficace, lutta pour l'amélioration de leurs conditions de vie et contre l'activisme des propagandistes collaborateurs, et subit une lourde répression de la part des nazis et de collaborationnistes français délateurs.
Mais en-dépit de reconstructions ou de croyances d'après-guerre, les Chantiers n'ont jamais servi à préparer militairement les jeunes à une revanche sur l'Allemagne. Ils ont plutôt soumis ceux-ci à une propagande glorifiant l'autoritarisme, l'inégalité et le chef suprême du régime de Vichy, et surtout, ils ont probablement détourné la majorité de leurs membres de la Résistance, même si la situation varia d'un groupement à l'autre selon les individus et les responsables immédiats. Dans les faits, ces jeunes ont même été incités par leur chef à se soumettre volontairement aux exigences du STO au profit de l'ennemi, au lieu d'essayer de s'y soustraire ou de disparaître dans la clandestinité, et cela au nom de la version singulière du patriotisme et du "devoir" en cours à Vichy.
Seule une minorité d'entre eux, réfractaires aux enseignements de La Porte du Theil et de ses proches, se décidèrent à fuir pour rejoindre les maquis, où ils jouèrent un rôle actif et très efficace, mais ceux-là sont difficilement à porter au crédit de l'action de La Porte du Theil.
Aussi le général de La Porte du Theil fait-il encore l'objet de controverses, qui sortent pour partie du domaine de l'historien, tant elles sont liées à l'héritage politique de Vichy. Sa mémoire reste cependant défendue sinon révérée par un certain nombre d'anciens jeunes et chefs des Chantiers, signe des dévouements que cet homme indéniablement charismatique était aussi capable d'inspirer.
Bibliographie
- Un an de commandement des Chantiers de la Jeunesse. Paris, Sequana, 1941
- HUAN Antoine, Histoire des Chantiers de la Jeunesse, 1992
- Souvenirs : texte intégral / Général de la Porte du Theil ; Amicale nationale des anciens chantiers de la jeunesse française. - [s. l.] : Commission d'études de recherches historiques et de publications, 1986. - 253 p. ; 22 cm. - (Cahiers de la CERP ; 03)
- Les chantiers de la jeunesse Robert Hervet Editions France-Empire
Références
- ↑ Alain Guérin, "Chronique de la Résistance" (Collection Omnibus, 2000)
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